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« Digital Learning » et enseignement hybride

Par Philippe Jeanjacquot Dernière modification 01/06/2022 16:42
Les aspects du métier de « Digital Learning Designer » qui peuvent être utile à un enseignant...

 

Les périodes de confinement en 2020 et 2021 ont mis brutalement les enseignants dans l’obligation « d’assurer » leurs cours à distance, sans aucune préparation ni soutien institutionnel. Soucieux de maintenir, envers et contre tout, le contact avec les élèves et de continuer à assurer un service public de qualité, la très grande majorité des enseignants, de tous niveaux, ont déployé des trésors d’inventivité et d’astuce. Sans expérience préalable ni formation, certains ont trouvé le bon équilibre « sur le tas », sans toutefois pouvoir déterminer si leur solution était « LA » bonne, faute de pouvoir (et heureusement) répéter l’expérience et en faire varier les paramètres pour trouver la formule idéale d’enseignement à distance.

 

Le monde de la formation professionnelle détient en matière d’enseignement à distance une certaine expertise. Dans les grandes universités, les MOOC (Massive Online Open Course : cours ouvert et massif en ligne) ont plus ou moins de succès, mais sont assez répandus et servent souvent de vitrine. De plus en plus d’entreprises mettent en place des sites d’autoformation, parfois hybrides (accompagnée de sessions avec des formateurs) et font appel pour cela à des « Digital Learning Designer ». Il m’a donc semblé intéressant de me plonger dans la démarche de ces formateurs hors éducation nationale et dédiée à la formation pour adulte afin de voir ce qu’elle pouvait apporter à un enseignant du secondaire. Grâce à l’offre de formation gratuite « l’essentiel » de l’association « Skillbar » (https://www.skillbar.fr/), j’ai ainsi pu suivre dix semaines de formation sur tous les aspects du métier de « Digital Learning Designer » afin d’en extraire ce qui peut être utile à un enseignant.

 

Sommaire 

Digital Learning Designer

La préparation d’un parcours de formation

La création du parcours

Définition des objectifs pédagogiques

Élaborer la progression et le mix de formation

Création des séquences

Calibrage de l’évaluation

L’importance du formateur/tuteur

Différentes manières d’intervenir

Les aspects techniques et le multimédia

              Lignes directrices pour les écrans multimédias

              Plateformes et logiciels utilisables

Points importants à retenir pour un enseignant

 

Digital Learning Designer

 

Le Digital Learning Designer (DLD) est un didacticien polyvalent dont la fonction est de mettre en place des plans de formation qui lui sont commandés par des clients (écoles, universités, entreprises, services publics…). Selon les besoins du client, il va mettre en place des outils de formation qui peuvent faire appel à des MOOC, des classes inversées, du « social learning » (en utilisant les réseaux sociaux), du « connectivisme » (travail en groupes connectés), du « m-learning » (mobile learning : utilisation d’appareils mobiles)…

 

Sa démarche de conception d’une formation est rythmée par différentes étapes :

 

  • La réalisation d’une note de cadrage qui reprend le cahier des charges de la formation et qui sera validée par le client pour faire correspondre la formation proposée avec ses demandes.
  • Le dossier de conception générale qui décrit les paramètres du projet : type d’activité, tutorat mis en place, évaluation, aspects techniques, gestion du risque…
  • L’écriture d’un synopsis qui décrit la progression pédagogique et le découpage des « écrans » vus par l’élève.
  • La réalisation d’un storyboard qui va détailler chaque écran avec ses interactions et les documents nécessaires (images, vidéos, sons…)
  • Il doit ensuite rassembler tous les documents multimédias nécessaires à la formation et les mettre dans des formats qui permettront leur diffusion en ligne.
  • Enfin il réalise la formation en utilisant les outils qu’il a choisis ou qui lui ont été imposés par son client

 

Tout au long de ce processus, il doit faire valider chaque étape par son client, gérer ses ressources en formateurs/tuteurs, effectuer des choix techniques (diffusion, réalisation...), gérer les risques et les délais de production, concevoir les évaluations (validation des acquis pour les élèves, mais également validation de la formation elle-même) et faire évoluer sa formation en fonction des retours des premiers élèves pilotes.

 

Pour l’enseignant du secondaire qui va s’inspirer de la démarche du DLD, plusieurs aspects de son métier ne sont pas directement pertinents : il n’aura pas à gérer l’administration de ses élèves (inscription, relances en cas de décrochage…), ni l’aspect financier directement (il devra toutefois prendre en compte la durée de réalisation de la formation et le coût des logiciels). En dehors de ces quelques aspects, chaque enseignant est déjà un « Learning designer » et il ne reste plus qu’à réfléchir à l’aspect « digital ».

 

Une vision du Digital Learning Designer – Dessin de Jean-Luc Richter

 

La préparation d’un parcours de formation

 

Pour les deux métiers, les facteurs de succès d’une formation sont les mêmes :

 

  • Le soutien de l’institution est essentiel à la réussite : il faut reconnaitre le temps passé à la préparation de la formation et assurer que cet investissement ne sera pas perdu. Cela peut se faire en permettant de garder les mêmes niveaux de classes plusieurs années pour affiner la formation par l’expérience, en assurant de bonnes conditions matérielles (connexion internet, ordinateurs mis à disposition, achat de logiciels…)
  • Prise en compte des contraintes de déploiement : laisser du temps aux élèves, s’assurer qu’ils ont les moyens techniques d’accéder à la formation en ligne..
  • Rigueur dans la gestion du projet : il faut qu’il soit prêt à temps, prévoir des scénaris en fonction du niveau de l’élève…
  • S’assurer d’une bonne démarche pédagogique : documents pertinents, évaluation proportionnée aux attentes.
  • Et, surtout, accompagner les apprenants en étant particulièrement attentif au tutorat mis en place.

 

Ce dernier aspect est essentiel et va sans doute à l’encontre de l’idéologie néolibérale ambiante qui voudrait automatiser totalement la formation en s’affranchissant de l’expertise du tuteur/formateur/enseignant. Sans suivi précis et attentif des problèmes rencontrés par les élèves, toute formation est vouée à l’échec et le monde de la formation professionnelle en est particulièrement conscient !

 

Pour préparer sa formation numérique hybride (en ligne et en présentiel/visio – on parle aussi de formation « blended »), l’enseignant va avoir besoin de trois sortes d’outils logiciels :

 

  • Un LMS (Learning management system : environnement de gestion d’enseignement), comme Moodle (déjà largement répandu dans l’éducation nationale).
  • Un environnement de classe virtuelle (sauf s’il passe par la classe réelle), permettant le partage de documents, le travail collaboratif, la projection d’une présentation et un enregistrement pour les absents.
  • Des outils pour la production des ressources interactives à un format compatible avec les standards du web pour l’e-learning. La norme SCORM est à privilégier.

 

Sur ce dernier point, il est important d’utiliser un outil de production de modules d’enseignement pérenne et qui permette une réutilisation et une édition facile. Cela permettra également de travailler en équipe pour alléger la charge de travail de chacun. De même, pour les documents multimédias nécessaires, il faudra mutualiser, car ils sont longs à produire. Il existe également de nombreuses ressources libres de droits que l’on peut intégrer dans les modules.

 

Parmi les documents multimédias que l’on peut intégrer dans un parcours de formation, citons les vidéos (qu’il faudra tourner et monter), les animations d’images (2D ou 3D), les quizz de toute sorte, les simulations (physiques, jeux de rôles interactifs pour des interactions sociales…), les équations mathématiques… Chaque création de ressource nécessite de maitriser le logiciel à utiliser et d’en avoir la licence s’il est payant.

 

Concrètement, la préparation d’un projet de formation hybride va devoir gérer plusieurs aspects une fois l’idée de conception générale (l’objet de la formation) déterminée :

 

  • Les éléments techniques : quelle sera la plateforme de diffusion choisie, quels logiciels pour les cours synchrones, quels logiciels pour la création des contenus.
  • L’organisation des élèves : quand vont-ils accéder au parcours de formation en autonomie, à quels moments auront lieu les formations synchrones…
  • Toujours garder à l’esprit de mettre en avant le bénéfice de la formation hybride par rapport à une formation traditionnelle. Dans certains cas, si le gain est nul, il ne faut pas s’acharner sur le numérique. En sciences, par exemple, les travaux pratiques en présentiel restent plus pertinents que des formations hybrides dans beaucoup de cas.
  • Enfin il faudra créer les contenus et gérer l’évaluation

 

Par rapport au travail classique de préparation d’un cours où le professeur est déjà expert dans son sujet et pourra se lancer assez rapidement dans la partie « création du contenu » pour ses classes, on voit que la création de ressources hybrides passe par une importante phase de réflexion et de mise en place de la structure afin de ne pas perdre du temps et de se décourager en allant vers des impasses techniques ou en négligeant les aspects d’organisation des élèves. Par principe, cette formation hybride va se faire principalement en dehors du cadre scolaire (sauf nouveau confinement) et il n’est pas possible d’être sûr, a priori, que les élèves vont respecter le cheminement d’un parcours s’ils ne sont pas formés à l’utilisation de l’outil support et/ou s’ils n’ont pas le matériel technique pour accéder aux ressources (ordinateur, connexion suffisante…).

 

La création du parcours

 

Le travail du DLD se divise en deux grandes parties et ces professionnels sont souvent spécialisés dans l’une ou dans l’autre (sauf quand ils travaillent en freelance) : la gestion du projet et l’ingénierie pédagogique. Sachant que le tutorat est mené par des personnes dont c’est le métier exclusif (les « formateurs »).

 

Les enseignants qui veulent s’inspirer de ce que font les DLD sur les parcours hybrides sont déjà des ingénieurs pédagogiques, mais également des tuteurs/formateurs. Leur travail de création de parcours va donc se concentrer sur cet aspect pédagogique.

 

Il s’agit d’abord d’analyser précisément les éléments de programme que l’on voudra transmettre par un parcours hybride : définir quels seront les objectifs pédagogiques en fonction des élèves visés, élaborer une progression avec plusieurs séquences (chaque séquence devra privilégier la communication d’un concept particulier), concevoir le « mix » de formation (part en autonomie et part en synchrone). Enfin il ne restera « plus qu’à » rassembler les contenus et créer les séquences.

 

Exemple d’un module d’autoformation de la croix rouge réalisé avec Articulate Rise 360 (format Scorm)

 

Définition des objectifs pédagogiques

 

Celle-ci va se faire dans le cadre des programmes. En épluchant ceux-ci, il faut donc se poser la question : quelles sont les compétences à acquérir et celles qui sont déjà acquises. Dans les compétences à acquérir, quelles sont celles que l’on pourrait acquérir en autonomie, avec un soutien tutoral annexe et dont le temps passé sur une formation hybride pourrait libérer du temps pour d’autres activités que l’on ne peut réaliser qu’en présentiel.

 

Par exemple, en physique-chimie, on pourrait préparer une formation hybride sur les bilans de réaction chimique où la partie « équilibrer les équations » ferait l’objet principal de la formation alors que la réalisation de quelques réactions serait faite en salle de TP. Une séance synchrone à distance pourrait être ajoutée afin de répondre aux questions des élèves et de lever les difficultés avant la phase d’évaluation.

 

Dans le cas d’un groupe hétérogène d’élèves de niveaux différents, il est possible de concevoir un parcours « à la carte », avec des modules supplémentaires de remédiations pour les éléments prérequis qui ne seraient pas acquis.

 

Si l’enseignant souhaite concevoir un parcours de formation qui ne suit pas les programmes officiels à la lettre, mais qui serait adapté à un projet de classe ou à une remédiation, il pourra se référer à la taxonomie de Bloom (1957) pour la définition des niveaux de complexité des modules et l’élaboration des objectifs de chaque séquence (connaissance, compréhension, application, analyse, synthèse…). Il devra garder à l’esprit de ne pas noyer l’élève sous les informations et ne garder que ce qui est « pertinent » au regard des objectifs fixés.
 

Liens :

Taxonomie de Bloom sur Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom)

Livre (http://www.presses-polytechnique.ca/fr/preparation-d-un-cours-la-pdf)

 

Élaborer la progression et le mix de formation

 

Tout dispositif hybride sera composé de parties faites en autonomie et de parties « synchrones » qui peuvent être des visioconférences ou des interactions en présentiel. Avant de créer les modules de formation, il faut réfléchir à la façon d’articuler ces deux types de leçons.

 

On distingue en général trois phases principales : l’initialisation, la diffusion et la clôture de la formation.

 

Lors de l’initialisation, il faut présenter l’objectif de la formation, aider à la prise en main des outils et positionner l’élève dans le parcours.

  • Il est possible de présenter le parcours par une courte séquence en ligne où l’on expliquera le planning prévu, les moments d’évaluation et d’interaction avec le professeur / tuteur / formateur.
  • Une première session en présentiel sera importante pour que les élèves se connaissent entre eux, éventuellement faire des équipes, aider à la prise en main des outils et répondre aux questions sur le parcours.

 

La diffusion est le cœur de la formation, elle se compose de :

  • Petits modules progressifs qui vont permettre aux apprenants d’acquérir les différentes notions à leur rythme
  • De moments synchrones pour poser des questions au formateur/enseignant
  • Éventuellement de sessions intermédiaires en présentiel pour mettre en application les acquis, ce qui peut être complété par des activités collaboratives à distance (études de cas, discussions, élaboration de documents communs)

 

Enfin la partie clôture sera le temps de l’évaluation :

  • Test final certificatif
  • Session en présentiel pour répondre aux dernières questions et faire la remédiation
  • Questionnaire d’évaluation de la formation/leçon afin de faire évoluer celle-ci et l’améliorer de session en session.

 

Une fois la progression pédagogique définie, il faudra détailler le contenu de chaque partie. Les parties en présentiel et les sessions à distance seront scénarisées et chronométrées (par exemple : combien de temps pour expliquer les outils, un temps pour un jeu permettant de se connaître, un temps pour créer des équipes, un temps pour les questions…).

 

Création des séquences

 

Pour la création des séquences autoformatives qui seront faites à distance, elles vont généralement se baser sur une succession d’écran comprenant différents éléments (texte, vidéo, questions, quizz, sons…). Il faudra décider si on élabore une seule trame commune, quel que soit le niveau de connaissance préalable des élèves, ou si on personnalise le parcours (ce qui nécessite un diagnostic préalable et plus de travail de création, mais peut être payant pour maintenir la motivation des élèves.

 

Les principes suivis par les DLD pour la création des séquences est la suivante : le cours est divisé en unités d’enseignement qui correspondent chacune à un seul objectif pédagogique. Au sein de ces unités d’enseignement, il y aura une succession d’activités qui se découpent en plusieurs écrans. L’objectif étant qu’aucune unité d’enseignement ne nécessite plus de 30 minutes pour un élève (idéalement autour de 15 minutes). Ce découpage fin va également faciliter la réutilisation de certaines séquences pour le professeur.

 

Découpage d’un cours

 

Les unités d’enseignement se divisent en quatre catégories : introduire le cours, former les élèves, évaluer, conclure par une synthèse et l’ouverture sur des ressources d’approfondissement. Voici un exemple de structure des activités dans une unité d’enseignement :

  • Introduction : on annonce l’objectif, on annonce ce qui est attendu de l’apprenant
  • Définition du concept : exposé introductif, déductif et/ou analogique
  • Exercices : aide à la discrimination, quizz formatif
  • Conclusion : synthèse de ce qui a été appris, mise en valeur des points essentiels, conclusion
  • Évaluation des connaissances acquises : quizz sommatif, auto-évaluation.

 

Chacune de ces activités est ensuite découpée en « écrans » dont il faudra préciser le contenu (médias, texte, contenu des quizz, déroulement temporel des animations…). Par exemple, pour une introduction, voici une liste possible d’écrans (et leur correspondance pédagogique après le tiret):

1.Objet de l’exposé (texte et image) - Utilité

2.Présentation d’un cas particulier (raconté sous forme sonore) - Motivation

3.Questions (quizz de type QCM) - Implication

4.Retour étoffé sur le quizz - Compréhension

5.Énoncé du principe (règle, faits…) - Généralisation

6.Lien de celui-ci avec le cas initial présenté – Renforcement

 

La scénarisation, avec rapprochement de cas particulier, vise à minimiser la charge cognitive. Chaque écran ne doit contenir qu’un seul type de média (éviter le syndrome « las vegas »). Il faut essayer d’exploiter au mieux les technologies disponibles sans verser dans la démonstration technologique. Ne jamais perdre de vue l’objectif pédagogique.

 

Les DLD conçoivent généralement la maquette (storyboard) de leurs écrans avant de se lancer dans leur création. Cela permet de rassembler les médias nécessaires et de gagner du temps dans la phase de réalisation. Cela permet aussi de mutualiser les compétences. Pensez à bien référencer vos médias et à les classer dans des dossiers pour vous y retrouver facilement et permettre leur réutilisation.

 

Un storyboard peut être réalisé dans différents logiciels de bureautique (type word, excel, PowerPoint…). Il peut être particulièrement important pour les quizz :

 

Exemple de fiche storyboard pour un quizz

 

Permettant ainsi d’identifier la bonne réponse et les retours à donner à l’apprenant en cas de réponse fausse.

 

Calibrage de l’évaluation

 

L’évaluation devra être prise en compte dès la conception du dispositif de formation. L’enseignant pensera logiquement à l’évaluation des élèves qui suivent le cours, mais il faut également penser à l’évaluation du dispositif lui-même afin de permettre son amélioration par la suite. Cette évaluation peut être faite par un groupe d’apprenants pilotes avant sa mise en œuvre à grande échelle sur toutes les classes.

 

Le but de l’évaluation est de fournir des informations permettant de porter un jugement et/ou de prendre une décision.

 

On pourra se baser sur le modèle de Kirkpatrick (1959) composé de quatre niveaux interdépendants : un niveau ne peut être satisfait que si les niveaux inférieurs le sont :

 

  • Niveau 1 – Satisfaction : Mesure de la satisfaction de l’apprenant par une évaluation en fin de formation (questionnaire, tour de table..)
  • Niveau 2 – Apprentissage : Mesurer l’acquisition de connaissances durant le cours par des évaluations formatives et sommatives.
  • Niveau 3 – Transfert : Mesurer le transfert des connaissances et savoir-faire dans une situation réelle (application d’un ensemble de procédures dans un TP par exemple).  Cela peut également passer par une évaluation à froid pour savoir ce qu’il reste du cours après quelque temps.
  • Niveau 4 – Performance : Mesurer comment l’atteinte des objectifs du cours se traduit au niveau d’une application dans la vie professionnelle. Ce niveau est pratiquement impossible à évaluer pour un enseignant du secondaire, mais également très difficile à évaluer pour le DLD !

 

Concrètement, on utilisera les outils d’évaluations disponibles dans l’environnement d’e-learning, pour réaliser différentes sortes d’évaluations :

  • Évaluations diagnostiques destinées à orienter les élèves vers un éventuel parcours personnalisé ou à renforcer leur confiance en eux.
  • Évaluations formatives permettant de s’autoévaluer en cours de formation et de renforcer certains concepts non compris (par les réponses fournies lors des corrigés qui doivent être détaillés)
  • Évaluations sommatives permettant de s’assurer que l’élève a bien compris ce qu’il devait comprendre
  • Évaluation certifiante permettant à l’élève de prouver qu’il possède bien les compétences en fin de formation. Celle-ci peut se faire également par la réalisation d’un projet (rapport, création d’objets…).

 

Pour chaque évaluation il faudra prévoir une correction détaillée aux réponses possibles (ou proposées) et vérifier qu’on obtient bien ce qu’on veut mesurer. Attention au calibrage de la difficulté pour ne pas décourager l’élève.

 

Le choix du type de module d’évaluation est également lié aux contraintes techniques et en hybride on est généralement contraint de choisir entre des items de sélection (quizz, qcm..) et des items de production qui nécessiteront une évaluation non automatisée (même si les outils d’analyse par « intelligence artificielle » sont déjà capables d’analyser des documents écrits de façon assez fine).

 

Afin de mettre l’élève en confiance, il est important de préciser à l’avance les critères de correction et d’évaluation ainsi que le score minimal nécessaire pour valider le module. Si vous utilisez des quizz qui choisissent les questions au hasard parmi plusieurs, faites attention que ce hasard ne facilite pas le travail pour certains élèves en le compliquant pour d’autres, soyez juste. Pour limiter le hasard, on peut utiliser des systèmes de notation qui jouent sur le gain et la perte de points entre les réponses fausses et les non-réponses. Il est également possible d’introduire un indice de certitude en demandant à l’élève à quel point il est sûr de sa réponse et en pondérant le gain et la perte de points à cette certitude.

 

L’importance du formateur/tuteur

 

Le tuteur (formateur/enseignant) est là pour accompagner les élèves, les aider et les soutenir en cas de difficultés. Dans le cas d’une formation en ligne (ou partiellement en ligne), son rôle supplémentaire est de rompre l’isolement des élèves seuls devant leur écran, de lutter contre l’abandon et de les rendre autonomes afin de les faire réussir.

En dehors des qualités habituelles des enseignants, deux critères supplémentaires vont contribuer au succès d’un tutorat en ligne : l’intervention « juste à temps » (au moment où l’élève en a besoin) et « juste ce qu’il faut » (ne pas noyer l’élève avec des indications inutiles).

 

Tout au long du parcours il faudra maintenir la motivation des élèves en leur rappelant l’intérêt qu’ils ont à suivre la formation, mais aussi en les aidant à s’autoévaluer et en valorisant le travail qu’ils auront effectué. Cela demande une grande disponibilité et il faut sérieusement se poser la question avant de se lancer dans une formation hybride : suis-je prêt à répondre aux questions des élèves en dehors des heures de « cours » ?! Il est évidemment possible de limiter les horaires auxquels les élèves auront des réponses et de l’indiquer clairement afin que ceux-ci ne soient pas déçus de ne pas avoir de réponse immédiate et qu’ils ne prennent pas ce prétexte pour décrocher du parcours.

 

Afin de conserver l’attention et la motivation des élèves, il faudra leur donner des choses à produire. Il est également important de favoriser les échanges entre apprenants (particulièrement à distance) afin qu’ils ne se sentent pas isolés. La stimulation doit être régulière, les activités récurrentes et prévisibles et le découpage en petits modules permettront de lutter contre le découragement.

 

Différentes manières d’intervenir

 

Dans une formation hybride, l’enseignant/tuteur, va devoir intervenir sur deux axes : la gestion du bon déroulement technique de la formation et l’accompagnement pédagogique.

 

Le mot d’ordre est de maintenir une communication avec les élèves et pour cela tous les moyens sont bons : informatiques (espace numérique de l’établissement, site web, visioconférence, forums…), mais aussi plus traditionnels (présentiel, téléphone, éventuellement déplacement).

 

Il ne faut pas hésiter à appeler les élèves qui ne se connectent pas à la formation ou sont absents des moments synchrones afin d’essayer de les « rattraper » tout de suite avant qu’ils ne décrochent totalement. L’enseignement hybride fait appel à des plateformes d’e-learning qui permettent un suivi précis de la participation. Il faut le dire d’emblée aux apprenants et se servir de ce précieux outil de suivi (en toute transparence).

 

La mise en place d’un forum ou d’un moyen similaire participatif de questions-réponses peut également être un bon moyen de maintenir l’attention des élèves, de les faire discuter entre eux et de leur permettre de mettre en place un travail collaboratif. Renseignez-vous sur les habitudes des élèves et ne vous interdisez pas d’utiliser des canaux de communications auxquels ils sont déjà habitués, comme les réseaux sociaux ou certains outils de chat (en respectant la RGPD, bien évidemment).

 

Les aspects techniques et le multimédia

 

Lignes directrices pour les écrans multimédias

 

Avant de donner quelques idées de logiciels utilisables dans le cadre d’une formation hybride, il est important de s’arrêter sur la conception des éléments multimédias qui vont intégrer les différents écrans de la formation.

 

Ces éléments vont faire appel aux fonctionnements cognitifs de l’élève et à ses sens, essentiellement la vue et l’ouïe. La mémoire de travail du cerveau humain est généralement limité (de cinq à neuf éléments mémorisables). Il est donc important de ne pas surcharger cette mémoire pour éviter la surcharge cognitive qui va aboutir au traditionnel « je ne comprends rien ».

 

Il faudra donc favoriser, dans les explications et les documents médias, les situations proches à celles où le savoir doit être utilisé et proposer des exercices similaires pour favoriser l’extraction d’informations cognitives. Il est également important de penser à l’aspect métacognitif dans les écrans en aidant l’apprenant à se repérer : où en est-il dans l’activité, combien d’écrans lui reste-t-il à voir…

 

La mémorisation sera facilitée si l’information est proposée sous deux types de codage, par exemple texte et image, illustration et élément audio. Mais il ne faut pas surcharger la mémoire de travail en juxtaposant du texte et un document audio (qui nécessite plus de mémoire de travail). On évitera également les informations incomplètes (par exemple : schéma avec explications sur un autre écran) en mettant toutes les informations connexes sur le même écran (sans surcharger).

 

Enfin, pour éviter l’aspect impersonnel de l’écran informatique, on pourra personnaliser la formation avec une mascotte, des personnes filmées…

 

Plateformes et logiciels utilisables

 

On l’a vu au début de cet article, une formation hybride va reposer sur un environnement d’enseignement numérique (e-learning) et l’une des plateformes qui est privilégiée dans l’éducation nationale est Moodle. Ce n’est pas (et de loin) la plus conviviale ni la plus simple à mettre en œuvre, mais elle a l’avantage d’être déjà présente et d’être gratuite.

 

Comme beaucoup de plateformes d’e-learning, Moodle est compatible avec le format « Scorm » utilisé par des logiciels de rapide e-learning comme Adobe Captivate ou Articulate Rise 360. Ces logiciels (payants) permettent de réaliser des écrans et d’y intégrer des médias de façon très intuitive, beaucoup plus rapidement que les outils de base de Moodle et avec un aspect final vraiment professionnel. Ils sont malheureusement payants pour le créateur (pas pour le visionnage), mais ce coût devrait être pris en charge par l’institution.

 

Le format SCORM est un standard du web et permet une interaction fine avec le serveur permettant à l’enseignant de suivre les progrès de l’élève, les scores qu’il réalise dans les évaluations, le temps passé, l’heure de connexion…

 

Si, par choix ou par manque de moyens, on reste sur les outils Moodle de base, il conviendra au minimum d’y ajouter un module H5P pour intégrer des modules médias et d’évaluation plus poussés que ceux proposés de base.

 

La création des sons, vidéos et autres documents multimédias qui seront intégrés dans les écrans de votre formation hybride dépasse le cadre de cet article, mais avant de vous lancer dans leur production, vérifiez que ces documents n’existent pas déjà dans une banque de média libre de droit sur Internet comme Pixabay ou équivalent.

 

Pour les sessions synchrones à distance, on pourra utiliser les outils mis à disposition par l’institution : bluebutton ou la classe virtuelle du CNED. On peut y associer des outils annexes pour intégrer des quizz et un peu d’interactivité, comme klaxoon, kahoo, hookup… Et utiliser des outils de bureautique en ligne (parfois intégrés dans les bureaux numériques des établissements) pour un travail collaboratif durant la session.

 

Points importants à retenir pour un enseignant

 

Cette approche professionnelle de la conception d’une formation hybride nous montre que ce type de projet, s’il se veut plus ambitieux qu’un simple cours ponctuel, nécessite un travail en équipe, une mutualisation des talents, des moyens pour libérer un temps de travail à l’ensemble de la conception et réalisation, ainsi que des moyens financiers pour l’achat des logiciels et pour payer un hébergement qui puisse supporter la charge des élèves connectés.

 

La gestion d’une équipe qui souhaiterait mettre en place un parcours hybride pour l’ensemble d’un cursus nécessite un chef de projet et la mise en place d’un suivi (type AGILE) afin de coordonner les tâches et de s’assurer d’un respect des délais déterminés au départ (tout doit être prêt au début d’une année scolaire par exemple). Il faudra déterminer les phases du projet, identifier les intervenants et leurs compétences, évaluer la charge de travail, élaborer un calendrier et assurer un suivi tout au long de la réalisation.

 

Même à petite échelle il y aura du travail, ne serait-ce que dans la conception des écrans et des éléments qui les composent. Mais il faut penser à la modularité et à la possibilité de réutiliser l’ensemble qui permettra de « rentabiliser » l’investissement. Le gain de temps que cela offre pour des activités plus personnalisées et plus concrètes en classe sera appréciable et facteur important d’amélioration de l’apprentissage pour les élèves.

 

Tout ceci n’est toutefois envisageable qu’avec un fort soutien de l’institution, à la fois en donnant du temps et en reconnaissant le fort investissement au service des élèves. Si ce soutien de l’institution est présent pour l’amélioration du service public éducatif en intégrant des cours hybrides, ce sera un gain réel pour les élèves et, à terme, pour la nation.

 

Jean-Luc Richter

Professeur de physique-chimie, informatique, sections euro anglais et allemand

Lycée J.B.Schwilgué, Sélestat (67)

Membre du groupe Canoé (Institut Français pour l’éducation – ENS Lyon)

Classe numérique