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Par salame — Dernière modification 18/07/2016 16:36


1 – Un gène impliqué dans une spécificité humaine : le langage

L’arbre généalogique ci-dessous est celui d’une famille où plusieurs membres sur trois générations présentent des déficits importants de l’expression orale par suite de difficultés considérables à réaliser correctement les mouvements de la face de la bouche et du larynx nécessaires à l’articulation des mots. Ils ont aussi des problèmes à produire des phrases grammaticalement correctes.

 Famille-KE.jpg

Arbre généalogique de la famille KE (Référence Lai et Al.).

On peut demander aux élèves d’analyser cet arbre afin d’argumenter en faveur de l’idée que ce phénotype est héréditaire et de proposer un modèle génétique capable de rendre compte des caractéristiques de la transmission du phénotype « déficit langagier » dans cette famille. Les données généalogiques s’interprètent bien en admettant que la différence phénotypique est due à un seul gène, que le phénotype « déficit langagier » est dominant et donc que le phénotype normal est récessif. Les élèves doivent arriver à la conclusion que les individus atteints de cette affection sont hétérozygotes pour le gène en cause.

Les chercheurs ont localisé le gène en cause sur le chromosome 7, l’ont isolé et séquencé. On dispose des séquences codantes de ce gène pour les parents ; les autres membres de la famille possèdent pour ceux non atteints le génotype du parent I1 et pour ceux affectés le génotype de I2. A partir de là, on peut demander aux élèves si ces données génotypiques sont conformes aux conclusions établies à partir de l’arbre généalogique.

Ensuite, il est opportun de demander aux élèves, d’utiliser les fonctions d’Anagène pour préciser au niveau protéique les conséquences de la mutation à l’origine du déficit langagier. Ils doivent aboutir à la conclusion que la mutation est ponctuelle : c’est une substitution faux sens qui en position 553 entraîne le remplacement d’une arginine par une histidine (R553H). Ainsi, une seule substitution entraîne des altérations dans les circuits neuroniques contrôlant notamment l’articulation des mots.

 2 - Une protéine qui est un facteur de transcription

Le gène FOXP2 s’exprime au cours du développement dans plusieurs territoires, poumon, tube digestif et surtout différentes régions du cerveau.

Il code pour une protéine qui est un facteur de transcription ; elle agit dans le noyau où son comportement est illustré par la figure ci-dessous :

2A07-PDB.jpg

 FOXP2 liée à l'ADN.

FoxP2-Arg553.jpg

La mutation R553H est située dans un domaine de la protéine se liant à l’ADN.

Ces données sont l’occasion d'expliquer la notion de facteur de transcription si elle n’a pas encore été abordée et donc de préciser qu’en se liant à des séquences régulatrices de gènes, la protéine affecte leur transcription soit en la stimulant, soit en la réprimant. FOXP2 n’est pas un gène de structure mais un gène régulateur.

3-     L’évolution du gène FOXP2

Le syndrome héréditaire de la famille KE montre que le gène FOXP2 chez l’Homme joue un rôle important dans la genèse des circuits neuroniques sous-tendant l’aptitude à parler, à faire des phrases. Les chercheurs ont pensé que ce gène avait subi une évolution dans la lignée humaine, évolution en rapport avec l’acquisition du langage dans cette lignée. Pour tester cette idée ils ont recherché ce gène dans le génome de divers primates et dans celui de la Souris. On dispose des séquences codantes homologues du gène chez ces divers organismes.

Histoire évolutive du gène FOXP2

 A partir de ces séquences, on peut demander aux élèves d’utiliser les fonctions d’Anagène pour comparer les séquences des protéines codées par ces gènes homologues. Ils peuvent en bilan de leur recherche construire une matrice mettant en évidence le nombre de différences entre les protéines des différentes espèce.

Matrice-FoxP2.jpg

 Ils peuvent situer sur un arbre phylogénétique traduisant les relations de parenté entre les espèces le moment où ont eu lieu les mutations à l’origine des différences entre les protéines . On peut leur fournir cet arbre ou leur demander d’aller le construire en utilisant Phylogène. Ils doivent aboutir au résultat suivant.

Mutations-FoxP2.jpg

 

Le raisonnement à tenir est simple : une mutation présente uniquement chez un taxon a eu lieu sur la branche menant à ce taxon ; une mutation présente uniquement chez deux taxons a eu lieu sur la branche menant directement à l’ancêtre commun à ces deux taxons, etc. Ce raisonnement doit permettre d'aboutir à un résultat en conformité avec la matrice.

Il reste alors à dégager les conclusions de cette recherche sachant en outre que la protéine FOXP2 de personnes humaines d’origines variées a exactement la même séquence chez toutes.

La première conclusion est que la protéine FOXP2 est très conservée car il n’y a que très peu de différences entre les séquences homologues : 3 différences seulement entre la séquence de la souris et celle de l’homme alors que l’ancêtre commun de ces deux espèces est daté de 130 millions d’années environ. Cette conclusion est renforcée par le fait qu’il n’y a pas chez l’espèce humaine de polymorphisme. Ces caractéristiques de la protéine FOXP2 indiquent que la conservation de la séquence, et par là de sa structure, est indispensable à sa fonction, laquelle doit jouer un rôle important chez toutes ces espèces.

La deuxième conclusion est qu’il y a eu malgré tout une accélération de l’évolution de la protéine dans la lignée humaine car deux mutations ont réussi à se fixer : Thr303Asn et Asn325Ser. Cette originalité de l’évolution de la protéine dans la lignée humaine a suggéré l’idée que les deux mutations ont pu modifier le rôle de la protéine et contribué à l’acquisition du langage dans la lignée.

L’évolution de la séquence codante nucléique du gène FOXP2

Le principe est le même que pour la protéine : utiliser la comparaison des séquences nucléiques homologues des différentes espèces pour indiquer le nombre de mutations intervenues sur chaque branche de l’arbre phylogénétique. La difficulté est plus grande car les mutations sont plus nombreuses et surtout il faut distinguer les mutations silencieuses des mutations faux sens. Les élèves doivent aboutir au résultat suivant :

Arbre-Enard.jpg

La réflexion sur le résultat obtenu peut conduire à l’idée de sélection à l’échelle moléculaire. On constate que dans les différentes branches (en dehors de la lignée humaine) le nombre de mutations silencieuses ayant réussi à se fixer est très supérieur à celles des mutations faux sens. Cela est particulièrement net dans la lignée de la souris Les mutations étant aléatoires, il n’y a pas de raison que les mutations faux sens aient été moins nombreuses que les mutations silencieuses qui sont neutres. Si elles n’ont pas été conservées c’est qu’elles ont été éliminées par la sélection naturelle (exemple de sélection négative). Ces mutations devaient rendre moins fonctionnelle la protéine FOXP2. En revanche dans la lignée humaine, deux mutations faux sens ont réussi à se fixer alors qu’aucune mutation silencieuse n’est détectée. Cela suggère que dans la lignée humaine ces deux mutations ont été soumises à une sélection positive et donc qu’elles devaient contribuer à doter les organismes porteurs d’un avantage sélectif, peut-être en rapport avec le langage.

On peut demander aux élèves de préciser quand ont eu lieu les mutations de FOXP2 dans la lignée humaine en exploitant la séquence partielle du gène FOXP2 présente dans le génome de Neandertal. Ils doivent arriver à la conclusion que l’homme de Neandertal possède les deux mutations présentes chez sapiens, ce qui suggère que ces deux mutations étaient présentes chez l’ancêtre commun aux deux taxons, et donc sont apparues et se sont fixées avant la séparation des deux lignées.

4-     Comment l’évolution de la protéine FOXP2 a-t-elle pu avoir un rapport avec l’acquisition du langage dans la lignée humaine ?

Pour déterminer si les 2 acides aminés différents entre les protéines FOXP2 de l’Homme et du Chimpanzé avaient des conséquences au niveau cellulaire, les chercheurs ont réalisé des expériences de transgenèse. Ils ont utilisé des cultures de cellules nerveuses humaines chez lesquelles le gène FOXP2 qu’elles possèdent est très peu exprimé. Ils ont introduit dans ces cellules, soit le gène FOXP2 humain, soit le gène FOXP2 du Chimpanzé. Comme la protéine FOXP2 est un facteur de transcription qui contrôle l’expression d’autres gènes, ils ont utilisé une technique très récente qui permet de connaître les gènes qui s’expriment dans les cellules et avec quelle intensité.

Ils ont constaté que plusieurs centaines de gènes avaient leur expression modifiée (par rapport aux témoins : cellules sans transgène) sous l’action du transgène. Pour 61 d’entre eux leur expression était plus forte sous l’action du FOXP2 humain que sous l’action du FOXP2 du Chimpanzé et pour 55 autres gènes c’était l’inverse. Pour les autres gènes, les deux transgènes avaient la même action.

Réseau-FoxP2-Simple.jpg

Représentation simplifiée d'un réseau de gènes dans lequel agit FoxP2. Sources.

Réseau-FoxP2.jpg

Représentation plus complexe d'un réseau où intervient FoxP2.

Cela est en accord avec l’idée que le changement évolutif du gène FOXP2 dans la lignée humaine a pu avoir un rôle dans l’acquisition du langage, et cela souligne aussi l’impact évolutif des changements d’expression des gènes, y compris dans l’évolution humaine.

Toutefois, on est loin d’une relation directe, et appeler FOXP2 le gène du langage est une erreur. Pour aller plus loin, il faut établir le rôle des gènes cibles dans le développement du cerveau et notamment lesquels contribuent à la genèse et au fonctionnement des réseaux neuroniques sous-tendant le langage. On est loin d’être à ce stade et donc de comprendre comment 2 acides aminés différents de la protéine FOXP2 peuvent faire passer d’un programme ancestral à un programme humain de réseaux neuroniques permettant le langage.