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Programme 2010

Par Naoum Salamé Dernière modification 09/01/2018 16:42
Réflexions sur l'enseignement de l'expression de l'information génétique dans le nouveau programme de première S

a- Le cadre d'étude

  • Il s’intègre dans une partie intitulée « Expression, stabilité et variation du programme génétique » (comme dans le programme de 1989). On peut toutefois penser que la dernière phrase des connaissances exigibles du programme  « Le phénotype macroscopique dépend du phénotype cellulaire, lui-même induit par le phénotype moléculaire » donne son sens à l'étude de l'expression de l'information génétique, qui est présentée par ailleurs de manière formelle.
  • Un apport essentiel des deux derniers programmes a été de bien faire saisir l’importance des protéines dans la vie cellulaire avant d’envisager l’expression de l’information génétique. Or l’étude des enzymes, propice pour faire saisir cette importance, n’est plus envisagée dans le nouveau programme de première.
  • On peut alors se demander ce que les élèves  savent sur les protéines en arrivant dans cette classe avant d'aborder l'expression de l'information génétique. A vrai dire pas grand-chose. La colonne « Capacités et attitudes » indique d’ailleurs que les auteurs du programme ont perçu la difficulté puisqu’il est écrit : « recenser, extraire et exploiter des informations permettant de caractériser les protéines comme expression primaire de l’information génétique ». Il semble donc que l’étude très classique des différentes échelles d’un phénotype à partir de l’analyse des phénotypes soit nécessaire ; elle permettrait d’aborder la structure des protéines et de dégager l’idée qu'en s’exprimant, l’information contenue dans l’allèle d’un gène  détermine la séquence d’acides aminés d’une chaîne polypeptidique.

b - Simplifications maintenues et nouveautés sur les mécanismes

  • Comme dans les deux programmes précédents on n'étudie pas les rôles des ARNt et des ARN ribosomiaux (ARNt) dans le mécanisme de la traduction.
  • Une nouveauté importante porte sur la structure du gène qui ne se limite plus à la région strictement codante ; avec les notions d’ARN pré-messager et d’ARN messager exprimées à propos de la transcription, c’est un gène d’eucaryote morcelé avec exons et introns qui est proposé. On revient donc à la structure du gène du programme de 1989.
  • En dehors d’un souci d’exactitude scientifique, on peut se demander quelle est la motivation qui a guidé les auteurs du programme. Il semble que celle-ci soit exprimée par le paragraphe : « Un même ARN pré-messager peut subir, suivant le contexte, des maturations différentes et donc être à l'origine de plusieurs protéines différentes. »  On veut donc briser la notion : « un gène, un polypeptide », même si initialement elle suffit pour aborder le problème de l’expression de l’information génétique.
  • Une deuxième raison non évoquée par le programme, est que cette notion peut être réinvestie dans l’étude des mécanismes évolutifs, avec l’idée de bricolage moléculaire. En effet, de nombreux gènes sont apparus au cours de l’évolution à partir d’association d’exons appartenant à des gènes préexistants.
  • Enfin un troisième intérêt surtout pédagogique, est relatif à la notion de gènes homologues. Les gènes homologues se reconnaissent non seulement par les similitudes importantes dans leurs séquences codantes, mais présentent très souvent une structure en exons et introns identique.

c - La notion de phénotype moléculaire global

  • Les expressions du programme « Equipement protéique des cellules » dans le préambule, et « Ensemble des protéines qui se trouvent dans une cellule » semblent désigner ce qu'on peut appeler phénotype moléculaire global d'une cellule. Ce qui caractérise une cellule, ce sont les gènes du génome exprimés et leur niveau d’expression.

En poussant un peu plus loin l’analyse, c’est l’idée que :

  • toutes les cellules possèdent les mêmes gènes (et les mêmes allèles de ces gènes) ;
  • un certain nombre de gènes dits « domestiques » s’expriment dans toutes les cellules et codent pour des polypeptides aux fonctions indispensables à la vie cellulaire ;
  • d’autres gènes ne s’expriment que dans certains types cellulaires, dotant ceux-ci de protéines propres qui sont à l’origine de leur différenciation. Ces gènes restent muets dans les autres types cellulaires.

d -  La régulation de l’expression des gènes

  • Sous-jacente à cette notion de phénotype moléculaire global est l’idée de régulation de l’expression des gènes. Il est dit que le phénotype moléculaire global résulte de la nature des gènes qui s’expriment sous l’influence de facteurs internes et externes variés mais le programme reste mystérieux sur ceux-ci..
  • L’idée d’une  régulation de l’expression des gènes avait été introduite dans le programme de 1989 puis abandonnée avec les programmes suivants.
  • A vrai dire, cette notion se trouvait  implicitement dans le précédent programme de seconde lorsqu’on abordait l’étude des gènes homéotiques. Ceux-ci codent pour des facteurs de transcription qui, en se fixant sur les séquences régulatrices d’autres gènes, en modulent l’expression. Mais cet aspect n’était pas développé car on ciblait sur le partage des gènes homéotiques par tous les métazoaires bilatéraliens, pour développer l’idée que tous possédaient les mêmes gènes qui contrôlent l’organisation antéro-postérieure du corps, témoignant ainsi de leur parenté.
  • Qu’est-ce qui justifie la réapparition au lycée d’une approche très élémentaire de la régulation de l’expression des gènes ?

Dans un article de « Pour la science de janvier 2009 » intitulé « La régulation des gènes, moteur de l’évolution », Sean Caroll, Benjamin Prud’homme et Nicolas Gompel écrivent : «  Pendant plus d’une quarantaine d’années, les évolutionnistes ont pensé que les différences entre espèces résultaient de variations des séquences codantes des gènes (…). Cependant, à la surprise générale, des études ont révélé que les différences morphologiques entre espèces sont principalement dues à des modifications de séquences particulières d’ADN, des commutateurs génétiques, qui ne codent aucune protéine, mais qui régulent où et quand les gènes sont exprimés (…). L’évolution de la morphologie et de l’anatomie animales tient plus aux mutations de séquences qui régulent l’expression des gènes qu’aux mutations des gènes eux-mêmes. Pour découvrir les causes génétiques des différences morphologiques entre l’Homme et les grands Singes (mais l’Homme est un grand Singe !) il faut rechercher les séquences régulatrices des gènes de chaque espèce et comprendre ce qui les sépare. »

  • Une étude élémentaire de la régulation de l’expression des gènes  se justifie donc si on la réinvestit à propos des mécanismes de l’évolution. C’est semble-t-il l’intention des auteurs des programmes du lycée car, dans le projet de programme de terminale S, il est dit : «  S’agissant des gènes impliqués dans le développement, des formes vivantes très différentes peuvent résulter principalement de variations dans la chronologie et l’intensité d’expression de gènes (qui leur sont) communs, plus que d’une différence de contenu génétique. » Et dans la colonne sur « Capacités et attitudes » on trouve : « Recenser, extraire et exploiter des informations pour interpréter un changement évolutif (anatomique ou morphologique) en termes de modification du développement (sous-entendu modification de l'expression de certains gènes du développement) ». Ces phrases prennent sens si on les interprète à l’aide des idées exprimées dans le texte de Sean Caroll et al, cité précédemment.
  • Pour une approche élémentaire des mécanismes de régulation des gènes, deux notions sont nécessaires :
    • celle de séquence régulatrice (les spécialistes disent « cis-régulatrices ») située au voisinage du gène et qui en module l’expression.
    • celle de facteur de transcription, protéine codée par un gène régulateur et reconnaissant de façon spécifique une séquence régulatrice d’un autre gène. La liaison d’un facteur de transcription à une séquence régulatrice d’un gène détermine si ce dernier est exprimé ou non.

Ces notions peuvent être introduites sans entrer dans les mécanismes complexes par lesquels se fait la liaison d’un facteur de transcription à une séquence régulatrice et surtout comment cette liaison influence l’expression du gène.

  • Sans vouloir anticiper sur le programme de terminale, il est possible dès la classe de première, en s'appuyant sur l'exemple les phénotypes « lactase persistante  » et « lactase non persistante » d’enrichir la notion de gène en associant à la séquence transcrite, la (assez souvent les) séquence(s) régulatrice(s) qui contrôle(nt) son expression.

e – Le phénotype résultat de l’interaction génotype-environnement

Ce thème était l’axe fort du programme précédent. La formulation plus classique du nouveau programme sur l’expression du patrimoine génétique pourrait laisser penser qu’il est minoré dans le nouveau programme. En réalité ce n’est pas le cas. Il est indiqué que l’expression des gènes peut dépendre de facteurs externes variés, et dans la colonne sur les capacités « différencier les rôles de l’environnement et du génotype dans l’expression d’un phénotype ».

En outre, dans le thème « Variation génétique et santé », le préambule indique qu’on insiste sur le fait qu’en général, le développement d’une maladie ou la mise en place d’un phénotype, dépend de l’interaction complexe entre le génotype et l’histoire personnelle. L’étude d’une maladie monogénique, la mucoviscidose avec les mesures qui permettent de retarder les manifestations cliniques les plus graves, et encore plus l'étude d'une maladie  plurifactorielle permet de dégager cette idée. Cette réflexion sur les phénotypes se retrouve lors de l’étude de la vision avec les facteurs génétiques impliqués dans la vision des couleurs et la plasticité cérébrale qui permet aux facteurs d’environnement d’agir sur la structure des réseaux neuroniques.