Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Plateforme - ACCES
Navigation

litho_point3

Par Marie-José Broussaud — Dernière modification 16/02/2024 15:14
 

Les cycles du Carbone et de l'Oxygène, leurs variations et leurs influences sur la composition de l'atmosphère, depuis -4,5 GA jusqu'au début du Quaternaire

  Résumé synthétique d'une conférence de Pierre THOMAS (ENS Lyon) à Marseille en septembre 2000

 

  Plan de la conférence

1.Vision "presque exclusivement biologique" du cycle du Carbone (exemple de ce qu'il ne faudrait plus faire)

2.Le cycle CO2 HCO3- CO3-- 

2.1.Précipitation et dissolution des carbonates.

2.2.Altération des silicates.

2.3.Métamorphisme, subduction et volcanisme.

3.Cycle CO2 Matière organique O2.

3.1.Photosynthèse et respiration.

3.2.Origine de l'oxygène que nous respirons.

4.Variations géologiques de l'O2 atmosphérique.

5.Variations géologiques du CO2 atmosphérique.

5.1.Variations anté-quaternaires et variations climatiques associées.

5.2.Evolution comparée des concentrations en CO2 et O2.

6.En conclusion 

 


  1.   Vision "presque exclusivement biologique" du cycle du Carbone (exemple de ce qu'il ne faudrait plus faire)  

 Le cycle actuel du carbone tel que présenté par exemple dans un manuel de 1ère S 1993, n'est pas équilibré. Selon ce cycle, le système « Océans + Atmosphère + Biosphère » reçoit 0,1 Gt/an de C (volcanisme) et perd 0,5 Gt/an de C sous forme de carbonates. Tel quel, ce cycle n'est pas équilibré, et conduirait à la disparition de tout le C (CO2) atmosphérique en 1750 ans (700 Gt divisé par 0,4 Gt/an), et de même de tout le carbone des Océans en 100 000 ans. Ce qui n'est pas réel.

 La faiblesse de ce cycle est de ne considérer que le C biologique et de ne pas tenir compte de la géologie. Il est, selon Pierre THOMAS, typique d'une vision « biologique » du cycle du carbone.

 On estime que les volcans répandent actuellement 0,1 Gt/an de C, et en ont répandu davantage dans le passé. Depuis 4,5 GA, les volcans ont donc répandu dans l'atmosphère plus de 450 millions de Gt de C. Ce chiffre est très supérieur à la masse de C contenue dans les roches de surface (30 millions de Gt dans le calcaire et 30 à 40 millions de Gt dans les roches carbonées). Ceci ne peut être compris qu'à travers une vision plus « géologique » du cycle du carbone.

 Pierre THOMAS présente ensuite les réservoirs de carbone et de dioxygène de la planète.

Pour les atomes de carbone C :

  • Atmosphère 750 Gt

  • Biosphère 3000 Gt (sols, sédiments marins, végétaux)

  • Océans 38000 Gt (CO2 dissous et HCO3-)
  • Croûtes terrestres 90 millions de Gt (dont 40 millions de  GT de roches sédimentaires, calcaires, carbonates et roches carbonées)
  • Manteau 10 à 100 millions de Gt.

 Pour les molécules de dioxygène (O2) :

  • Atmosphère 1 million de Gt
  • Océans 1000 Gt.
 

Les échanges entre Atmosphère et Océans représentent environ 100 millions de Gt/an. Il y a dissolution du CO2 atmosphérique dans les océans dans les zones froides et dégagement de CO2 vers l'atmosphère dans les zones chaudes. Compte tenu d'un cycle de circulation profonde dans les océans, le CO2 qui se dissout aujourd'hui dans l'hémisphère nord se dégagera dans les zones chaudes dans 2000 ans, d'où un problème légué aux générations futures.

 Les échanges entre Atmosphère et Océans sont très rapides à l'échelle géologique. De plus la photosynthèse concerne les plantes marines aussi bien que les plantes terrestres.

 Pierre Thomas regroupe donc "Océans et Atmosphère" en un seul réservoir dit « Carbone mobile ».

 Les échanges entre le réservoir « Carbone mobile » et le réservoir « calcaire et autres carbonates » constituent l'objet des sections suivantes

cycle P Thomas_small.gif

Agrandir l'image



 

2.Le cycle CO2 HCO3- CO3

 2.1.Précipitation et dissolution des carbonates.

Ces échanges mettent en jeu des masses considérables de carbone. Par exemple, l'Urgonien, dans les Alpes est une couche de calcaire qui occupe environ 300 km par 50 km. Un calcul simple montre que cette couche recèle environ 3300 Gt de CO2, soit plus que les 2750 Gt de CO2 atmosphérique actuellement. Or, cette couche s'est déposée en 5 millions d'années seulement, dans une très petite région du monde. A titre d’autre exemple, Pierre THOMAS calcule qu'en 1,6 millions d'années, le Rhône amène à la mer autant de CO2 sous forme de HCO3- que l'Atmosphère en contient. Cependant, ces échanges sont à très long terme réversibles et équilibrés, et ne conduisent pas à modifier de façon permanente la composition de l'Atmosphère.

2.2. Altération des silicates.

Cette réaction par contre est irréversible (à froid), et extrêmement importante. Pour l'illustrer Pierre Thomas présente les conséquences de l'érosion de l'Himalaya. Cette chaîne jeune est depuis 20 millions d'années soumise à l'érosion et l'altération. L'altération des silicates de l'Himalaya conduit à la formation des roches carbonatées dans les deltas sous marins du Gange et de l'Indus. Un calcul simple montre que ce seul phénomène a consommé en 20 millions d'années 62000 Gt de CO2 soit 22 fois le CO2 atmosphérique actuel ou 44% du CO2 des Océans. L'érosion de l'Himalaya peut ainsi être tenue pour responsable du ralentissement de l'effet de serre et du refroidissement du climat depuis 20 millions d'années, avec apparition de glaciers en Antarctique puis au Groenland et dans l'hémisphère Nord surtout depuis 2 millions d'années.

2.3. Métamorphisme, subduction et volcanisme.

L'altération des silicates, irréversible à froid est cependant réversible à chaud. Postérieurement à la subduction des calcaires et de la matière organique, la réaction inverse se produit et produit silicates et CO2, qui refont surface ultérieurement du fait du volcanisme. Ainsi, une reprise de l'orogenèse et de l'altération entraînent une baisse du CO2 atmosphérique, alors qu'une accélération du volcanisme, comme par exemple au Crétacé supérieur entraîne une augmentation du CO2.

3. Cycle CO2 - Matière organique - O2

 

3.1. Photosynthèse et respiration

Par comparaison avec les phénomènes évoqués précédemment, ce cycle est très court, 7 ans en moyenne. Les flux de 100 à 150 Gt/an sont 200 fois plus importants que la précipitation des carbonates par exemple.  Mais contrairement à une opinion commune, ce cycle ne produit pas globalement de dioxygène. Pierre Thomas rectifie la croyance commune du grand public selon laquelle « les forêts produisent de l'oxygène».

Pierre Thomas présente le bilan annuel d'une forêt de bouleaux en Amérique du Nord : activité ralentie en hiver, production nette de dioxygène et consommation de CO2 de mai à juillet (photosynthèse dominante) puis consommation nette de dioxygène et dégagement de CO2 pendant l'été et l'automne (respiration dominante). Le bilan annuel est équilibré. Les variations annuelles du CO2 atmosphérique, directement liées à l'hémisphère Nord où se trouvent la plupart des forêts illustrent le fait.

3.2. Origine du dioxygène que nous respirons.

Si la photosynthèse des forêts actuelles ne produit pas d'O2, d'où vient l'O2  que nous respirons ?

De la photosynthèse ancienne, mais quand (et seulement quand) elle a été suivie d'une fossilisation et d'une sédimentation de la matière organique. A chaque fois qu'il se fossilise 12 g de C organique, les 32g d' O2 (sous-produit de la photosynthèse qui a produit ces 12 g) n'ont pas été réutilisés par respiration et décomposition, et ils se sont accumulés dans l'atmosphère. Aujourd'hui, nous respirons de l'oxygène qui a été généré au cours des âges géologiques par l'accumulation de roches carbonées. S'il n'y avait pas eu des pièges sédimentaires pour accumuler les roches carbonées il n'y aurait que 8000 Gt de dioxygène dans l'atmosphère pour assurer la respiration.

La présence de l'O2 atmosphérique essentiel à la vie actuelle a donc une origine à la fois biologique (photosynthèse) et géologique (pièges sédimentaires).

 Les roches carbonées s'altèrent aussi. Quand une marne noire arrive en surface, à cause de l'érosion par exemple, elle s'oxyde. L'oxydation des marnes noires consomme du dioxygène et génère du CO2. Ce stock de carbone « tourne » donc aussi, mais il « tourne » très lentement.

4. Variations géologiques de l'O2 atmosphérique.

Les variations de l'O2 atmosphérique au cours des temps géologiques sont maintenant connues, mais avec une grande imprécision. Au Carbonifère la quantité d'O2 était très supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui.  Ceci est attesté par la petite taille du système trachéen des libellules géantes.

Au Dévonien, les végétaux se répandent hors de l'eau et prospèrent, suite à l'apparition de la lignine. Mais pendant 50 millions d'années, il n'existe pas d'espèce pour digérer la lignine. L'O2 atmosphérique augmente, jusqu'à la fin du Permien, où l'apparition des Ascomycètes et Basidiomycètes qui consomment la lignine entraîne une forte diminution de l'oxygène atmosphérique. 

Au Carbonifère, les arbres étaient imputrescibles et dans des conditions ordinaires de température et de pression formaient du charbon.

concent_small.jpg

Agrandir l'image

5. Variations géologiques du CO2 atmosphérique

 5.1. Variations anté-quaternaires et variations climatiques associées.

La connaissance du CO2 atmosphérique aux époques géologiques est imprécise et est fondée sur des méthodes différentes selon l'échelle de temps :

  • A partir du jurassique, on exploite les informations contenues dans les bulles d'air piégées dans de l'ambre.
  • A partir du carbonifère, on utilise les indices stomatiques.
  • Depuis 600 MA, les bilans sédimentologiques et géochimiques sont de précieux indicateurs.
  • Avant 600 MA, les astronomes ont calculé la constante solaire de l'époque et connaissant la température de l'époque, on modélise l'effet de serre, donc la teneur en CO2.
  • A l'origine de la Terre : le rapport H2O/C des chondrites d'une part et la transformation en CO2 de tout le carbone mondial d'autre part permettent d'obtenir des informations très approximatives.

 La méthode de l''indice stomatique est particulièrement intéressante. Fondée sur la relation pour une espèce donnée entre la quantité de stomates et la quantité de CO2 dans l'atmosphère, elle  permet de reconstituer les variations de cette quantité jusqu'au Carbonifère compris.

 Les variations de CO2 sont couplées avec les variations de température. La période actuelle est une période glacière car nous l'oublions pas il y a des glaciers sur Terre.

Depuis 600 000 ans il y a certes des variations de plus ou moins 10°C avec une périodicité de l'ordre de 100 000 ans. Dans ce contexte, il est parfois dit abusivement que nous sommes dans une période « interglaciaire » dans la mesure où les glaciers ont reculé, mais en réalité ces variations sont relativement petites.

 La période glaciaire actuelle dure depuis le Miocène (20 Ma).

Par contre Éocène, Crétacé , Trias ont constitué une vraie période interglaciaire, beaucoup plus chaude que la période actuelle avec des arbres aux pôles et aucun glacier sur Terre.

Le Carbonifère a été une période glaciaire, peut-être avec des oscillations, mais on ne dispose pas d'une précision suffisante pour le savoir.

L'Ordovicien a constitué une ère interglaciaire.

Le Précambrien ancien a été la plus importante de toutes les ères glaciaires.

La période actuelle, à l'échelle géologique, est donc une période froide avec un CO2 décroissant.

 Les périodes froides antérieures se situent principalement au Carbonifère avec l'énorme glaciation du Permocarbonifère, à l'Ordovicien (petite glaciation) et au Précambrien, avec  la grande glaciation précambrienne terminale.

 En règle générale, les glaciations ont été associées à des périodes de CO2 atmosphérique bas, et les périodes chaudes sont associées à des périodes de CO2 élevé. La seule exception connue est la petite glaciation à l'Ordivicien, non liée à une baisse de CO2 connue.

 Les périodes de baisse du CO2 résultent de l'orogénèse (Himalaya, chaîne Hercynienne, chaîne Panafricaine) et de l'apparition de la lignine (jusqu'à l'apparition des champignons).

 En considérant une échelle de temps plus longue, 4,5 Milliards d'années, la concentration en CO2 a été divisée par environ 100 000 (avec une incertitude énorme). Ceci est dû à l'altération  des roches qui a libéré du calcium qui a permis de piéger des quantités croissantes de CO2.

5.2. Evolution comparée des concentrations en CO2 et O2.

Au Carbonifère l'abondance d'O2 conséquente à l'apparition de la lignine est associée à un minimum de CO2, ce qui est cohérent avec la fixation de carbone dans la lignine et l'orogenèse concomitante de la chaîne Hercynienne.

 Au Crétacé il y a abondance simultanée de CO2 et de O2. Cette situation résulte d'une dynamique interne considérable : activité considérable au niveau des dorsales, dont le volume augmente entraînant le débordement des mers (transgression généralisée), volcanisme intense libérant du CO2 dans l'atmosphère. Le débordement des mers transforme certaines plaines en bassins sédimentaires, excellents pièges à matières organiques et producteurs d'O2. Le niveau élevé du CO2 a une origine géologique, et celui du O2 une origine directe biologique.

VOSTOK_small.gif

Agrandir l'image

 

temperature_small.gif

Agrandir l'image


6.  En conclusion 

 Pierre Thomas s'interroge sur les scénarios possibles pour l'extinction de la vie sur Terre. Selon les astronomes, l'activité et la puissance rayonnée par le soleil continueront à augmenter et entraîneront l’extinction de la vie sur Terre. Deux scénarios sont décrits par Pierre Thomas :

    • L'augmentation de l'activité solaire sera compensée par une diminution de l'effet de serre due à la précipitation des carbonates qui pompent le CO2 comme c'est le cas depuis 4 GA. La température restera « constante », mais la quantité de CO2 dans l'atmosphère deviendra tellement basse que la photosynthèse s'arrêtera.
    • Ou la précipitation des calcaires n'absorbe pas assez de CO2 et l'effet de serre ne diminue pas assez. La température augmente, et la vie usuelle telle que nous la connaissons devient impossible.

Ces deux scénarios conduisent à la fin de la vie, du moins dans sa forme actuelle.

Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter la prise de notes effectuée au cours de la conférence de Pierre Thomas sur le cycle du carbone et de l'oxygène (2000)