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Par JM Greffion — Dernière modification 19/09/2017 09:51

Le cycle océanique du carbone dans la colonne d'eau

3. Les exportations de carbone vers l'océan intermédiaire et profond  

 

Le flux de carbone organique

 

   En moyenne, seulement 10% de la production primaire quitte l'océan de surface, pratiquement  toute la matière organique est biodégradée et minéralisée au cours de son transfert vers l'océan profond. Moins de 1% atteint les sédiments, sous forme particulaire (la proportion de matière organique dissoute serait prépondérante dans les régions peu productives de l'océan).
 

Enfin une part importante de la matière organique est encore détruite, à l'intérieur du sédiment dans la zone de bioturbation et moins de 0,1% de la production primaire initiale est "définitivement enfouie (la proportion peut varier en fonction des taux de sédimentation, qui lorsqu'ils sont importants, limitent la bioturbation et favorisent  la préservation du carbone organique dans les sédiments.


Le flux particulaire de carbone organique

 

 Certaines espèces d'algue (Coccolithophoridés) ou de zooplancton (Foraminifères) ont la capacité à fabriquer des tests de carbonate de calcium sous forme de calcite ou d'aragonite. Le "choix" minéralogique dépend du site de formation du carbonate (intra ou extra-tissulaire/cellulaire), du milieu à partir duquel se réalise la bioprécipitation (milieu extérieur ou fluide biologique) et du niveau évolutif de l'organisme producteur. Ces tests à la mort des organismes accompagne le flux de carbone organique vers l'océan profond.
Comme la réoxydation de la matière organique des particules biogéniques dans les eaux de subsurface libère du carbone minéral dissous et des nitrates, les équilibres chimiques entre espèces dissoutes du carbone sont déplacés dans le sens contraire à celui lié à l'activité biologique de surface; on observe ainsi une augmentation de la pression partielle du gaz carbonique dissous dans les eaux intermédiaires et profondes, accompagnée d'une forte diminution des ions carbonates.

Dans l'océan toutes les eaux de surface sont sursaturées par rapport au carbonate de calcium et ce d'autant plus qu'on se rapproche des basses latitudes (cette sursaturation facilite la fabrication des tests et coquilles).

 En profondeur, l'augmentation de pression et la baisse de température diminuent  le degré de sursaturation, effet renforcé par la diminution des ions carbonates. Ainsi, les eaux de l'Atlantique sont sursaturées, par rapport à la calcite, jusqu'à environ - 4 000 m . Au-delà de - 5000m, les eaux sont franchement sous-saturées. Si l'on considère la saturation par rapport à l'aragonite, les phénomènes sont plus rapides, la sous-saturation devient  nette vers - 2 500 à - 3 000 m. Dans le Pacifique, la sous-saturation est plus vite  atteinte (ce qui est en accord avec sa teneur plus grande en CO2). Pour la calcite, les eaux sont sous saturées dès  - 3000 m et pour l'aragonite le processus est encore plus rapide et les eaux sont sous-saturées dès - 300 m de profondeur.

lysocli1.gif

lysocli2.gif


 On peut donc déjà s'attendre d'une part à ce que les sédiments carbonatés soient mieux préservés dans l'Atlantique que dans le Pacifique et que, d'autre part, les sédiments calcitiques le soient à des pro fondeurs plus grandes que les sédiments aragonitiques.
 La sous-saturation des eaux océaniques par rapport au CaCO3 conduit à une dissolution, croissante en fonction de la profondeur, des particules carbonatées produite, en surface. Cette dissolution se réalise au cours de leur lente chute dans les tranches profondes des eaux océaniques et d'une façon bien moindre lors de leur séjour sur le fond.
 On appelle lysocline la profondeur à laquelle on observe ce brusque accroisse ment des phénomènes de dissolution (en moyenne vers 3 500-4 000 m pour la calcite). Dans la pratique la lysocline est souvent identifiée, pour les séries anciennes, par l'état de préservation des microfossiles (indice de dissolution des foraminifères par exemple) ; du point de vue chimique, elle correspond plus ou moins à la profondeur à laquelle commence la sous-saturation. 
Le niveau de compensation de la calciteCCD, Calcite Compensation Depth) est la profondeur (environ 5 000 m dans l'océan actuel) à laquelle les processus de dissolution ont totalement compensé l'apport de carbonates provenant de la production de surface. Ce niveau de compensation de la calcite varie dans l'espace et dans le temps.
(NCD ou
On définit de la même façon une lysocline de l'aragonite et une ACD.

Au-delà de la CCD,  les sédiments calcaires ne peuvent plus s'accumuler. On estime que des sédiments calcaires ne peuvent s'accumuler que sur 20 % environ de la surface des océans. Le rythme d'accumulation va du centimètre à quelques décimètres par milliers d'années, selon l'intensité de l'activité biologique de surface.

CCD.gif

Bilan : l'activité biologique de l'océan superficiel permet donc un transfert de carbone de la surface vers l'océan profond, que l'on appelle parfois la « pompe biologique ». Son effet est de diminuer l'abondance de C, dans l'océan de surface par rapport à sa valeur dans l'océan profond, cette diminution étant de 10 à 20 %. Elle s'accompagne d'une diminution importante de la pCO2, dans l'océan de surface, qui favorise l'absorption de gaz carbonique de l'air : on peut calculer qu'en l'absence de ce phénomène, la concentration de gaz carbonique de l'air serait deux fois plus élevée. Ainsi, les couches de surface de l'océan maintiennent une concentration élevée de carbone dans l'océan profond, en favorisant le transfert de cet élément de l'atmosphère vers le fond.

(Dans les graphiques ci-dessous : DIC = carbone inorganique dissous)


DIC-prof.gif

DIC_atl87a.gif

Les courants verticaux

  La dynamique de l'océan contraint fortement la production primaire, en régulant l'apport de nutriments de l'océan profond et en définissant les conditions d'éclairement moyen par l'intermédiaire de la profondeur de la couche de mélange. Mais elle permet également un transfert de carbone vers les profondeurs. 

Les eaux froides et salées des mers du Labrador, du Groenland et de Weddell acquièrent en hiver une densité qui leur permet de subducter. Chargées en CO2 (par effet de la pompe de solubilité), elles pénètrent dans l'océan profond par des mouvements convectifs transférant ainsi le CO2 de la surface en profondeur.
Le mécanisme de subduction des isopycnes (terme désignant un niveau de densité donné) est un autre processus qui permet de soustraire du carbone de l'océan superficiel.. Imaginons une colonne d'eau se déplaçant de 45°N vers le sud dans la partie est de l'Atlantique à la vitesse de 1cm.s-1 (300km.an-1). La première année, la couche de mélange océanique atteint 600m à la fin de l'hiver. La deuxième année, vers 42°N, elle n'a que 300m de profondeur en cette saison. La partie la plus profonde de la couche de mélange hivernale de la première année n'entre donc plus en contact avec l'atmosphère, elle va continuer son déplacement vers le sud en conservant sa température et sa salinité (sa densité), c'est à dire le long d'une couche isopycnale, et sa solubilité vis à vis du CO2.
En retour, l'équilibre de la circulation générale des masses d'eau fait remonter à la surface dans les régions des basses latitudes, au niveau des zones d'upwelling des eaux profondes riches en CO2. Les eaux profondes sont riches en carbone inorganique dissous car depuis leur départ de la couche superficielle, elles ne sont plus soumises qu'à des apports de matière organique particulaire en cours de sédimentation, à la reminéralisation de la matière organique due à l'activité bactérienne et à la redissolution de la calcite en profondeur. Elles sont donc sursaturées en CO2 lorsqu'elles remontent en surface. Les zones d'upwelling constituent donc une source de CO2 pour l'atmosphère.

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