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Réflexion préalable

Par Hervé Levesque — Dernière modification 19/09/2017 09:40
On peut tenter de substituer à la diversité biologique étudiée sur le terrain, une diversité biologique rapportée du terrain et étudiée au laboratoire, solution qui peut convenir à l'enseignant. On peut aussi substituer à la diversité biologique observée, cultivée (l'approche "classique"), une diversité génétique extraite d'échantillons rapportés du terrain, voie très prometteuse que suit actuellement bon nombre de chercheurs. Autant d'occasions de remettre en cause nos représentations sur la diversité du monde vivant et les moyens de l'étudier.

A/ Une réflexion initiale sur la difficulté à étudier la biodiversité

 

1- La difficulté à réaliser avec les élèves des inventaires de la biodiversité

Le constat initial à l’origine du développement de ce projet est qu’il est difficile de déplacer toute une classe d’élèves sur le terrain et pendant une séance de courte durée, en général moins d’une heure (il faut aussi tenir compte du trajet aller-retour), amener nos élèves à s’investir efficacement dans un travail d’inventaire de la diversité biologique. Sauf bien sûr à limiter le travail à quelques élèves particulièrement motivés (par exemple dans le cadre d’un atelier scientifique) mais l’on ne remplit plus alors notre devoir de formation et d’éducation à l’environnement de l’ensemble des élèves. Par ailleurs plusieurs déplacements sur un même site ou passer davantage de temps lors d’une unique intervention sont le plus souvent difficilement envisageables.

Ajoutons que limiter l’étude à un lieu unique (celui où l’on s’est déplacé) n’est pas nécessairement très intéressant, il manquera la dimension comparative qui est toujours la plus enrichissante. Mais intervenir avec une classe en deux endroits voire davantage, c’est au moins autant de complications supplémentaires... Une durée limitée de présence sur le terrain est évidemment un autre handicap d’autant que l’intervention se place forcément le jour, ce qui n’est pas nécessairement le meilleur moment pour observer, en particulier, les animaux (qui de toute façon ont toutes les chances d’avoir été effrayé par l’arrivée du groupe !). Enfin nos élèves ont des intérêts et niveaux très hétérogènes et sont de toute façon peu aguerris pour, à la fois qualitativement (qualité d’observation et justesse de la reconnaissance), quantitativement (effectuer des dénombrements rigoureux) et de façon comparable les uns et les autres (reproductibilité de la démarche), établir des inventaires ayant quelque chance d’être exploitables d’un point de vue scientifique.

Tous ces inconvénients cumulés ont amené à rechercher une alternative qui consiste - à défaut d’ « aller à la nature » - en quelque sorte « d’amener la nature dans la classe », au laboratoire de l’établissement scolaire. On propose ainsi aux élèves d’effectuer eux-mêmes des prélèvements d’échantillons de sol, d’eau ou d’air, ou encore sur des surfaces de constructions diverses, etc. selon une procédure standardisée. Les prélèvements se font en différents endroits à proximité des lieux de résidence des élèves. Cela offre l’avantage de permettre - à terme - une cartographie plus globale au niveau d’une localité, tout en laissant aux élèves l’initiative du choix du lieu. Les échantillons sont alors tous traités selon un même protocole (voir éléments présentés ci-après) et en optant pour une évaluation de la biodiversité des êtres vivants microscopiques, les microorganismes.

Encore faut-il que cette démarche soit validée sur le plan scientifique (voir éléments présentés ci-après).

 

2 – D’autres raisons pour s’intéresser à la diversité des microorganismes

Nous en présentons deux :

1 - contribuer à changer nos représentations ;

2 - mieux s’inscrire dans la dynamique des problèmes et enjeux de la recherche actuelle.

2.1. Changer nos représentations

Nous abordons la diversité du vivant avec notre point de vue et notre regard d’être humain, en nous positionnant ainsi d’emblée à une échelle macroscopique (en gros celle qui va de la fraction de centimètre à la dizaine de mètres). Nous sommes donc généralement conscients et convaincus de la diversité du vivant à cette échelle de taille parce que c’est celle que nous révèlent nos yeux, qui se situe dans notre quotidien et c’est cela qui nous touche. Nous savons aussi que des êtres vivants microscopiques existent (on en a tous vu à un moment ou un autre grâce à un microscope) mais il nous semble que leur rôle doit somme toute être assez mineur compte-tenu de leur petitesse.

Aussi, il va nous sembler particulièrement étrange d’envisager que cette réalité que nous croyons connaître ne soit que très partielle et que l’essentiel de la diversité du vivant échappe à nos yeux, nos représentations habituelles. Non pas parce que cela est éloigné de nous géographiquement et se passe ailleurs que là où nous vivons mais bien plus parce que c’est bien trop petit pour être appréhendé à sa juste valeur en dépit du fait que cela soit partout autour de, sous et même sur nous. C’est donc ce réexamen du monde dans lequel nous vivons qu’il convient d’opérer.

L’étude de la microbiodiversité doit donc nous permettre de mieux situer la réalité de la diversité des êtres vivants et nous aider à sortir de nos représentations anthropocentriques qui privilégient trop ce que seuls nos yeux nous racontent.

2.2. Mieux nous inscrire dans la dynamique des enjeux et problèmes actuels de la recherche

 « small is beautiful », nous connaissons tous l’expression et c’est un peu celle qui s’impose de plus en plus au sein de la communauté scientifique. Cette tendance vaut pour le physicien sans doute aussi le chimiste, mais c’est ici surtout la démarche réductionniste du biologiste qui est en cause. Et paradoxalement, si les objets étudiés sont eux plus petits, plus nombreux et leur importance grandissante, au contraire les appareillages sont de plus en plus gros, lourds, coûteux et en nombre limité. S’agit-il d’un effet de mode, d’un problème exagéré par les chercheurs soucieux de financer leurs recherches, ou d’une réalité qui s’impose progressivement? Sans doute un peu tout cela à la fois !

On prend ainsi de plus en plus conscience du rôle des microorganismes dans la nature parce qu’ils contribuent aux grands équilibres de la matière au sein de la biosphère (voir éléments présentés ci-après) et aussi parce qu’ils sont recherchés par les humains qui souhaitent développer des procédés utilisant leurs propriétés remarquables (voir éléments présentés ci-après). Ces propriétés étant aussi bien souvent, il faut le dire, intéressantes pour tenter de corriger des erreurs humaines, c’est-à-dire les nombreuses pollutions et les déséquilibres dont nos diverses activités sont responsables et qui constituent autant de conditions parfois extrêmes où l’avenir du monde vivant paraît fortement compromis. Pas tant que cela en fait, car c’est précisément dans le domaine des conditions extrêmes que ces microorganismes excellent ! : très chaud (trop chaud pour nous-mêmes et les autres êtres vivants macroscopiques), très froid (trop froid pour nous-mêmes, etc.), très acide, très alcalin, très salé, très riche en métaux en concentration toxique, très riche en hydrocarbures, très pollué donc, très ceci, très cela… (voir éléments présentés ci-après).

De là à penser que, dans ces autres conditions extrêmes que sont celles qui règnent dans les milieux extraterrestres et que, s’il y a une vie extraterrestre il faut davantage la rechercher sous la forme modeste mais particulièrement résistante des microorganismes, il n’y a qu’un pas qui a été largement franchi par la recherche actuelle. Ainsi la vie extraterrestre est-elle elle-même maintenant de plus en plus monopolisée par les microorganismes (voir éléments présentés ci-après).

Ainsi l’étude et l’intérêt porté aux microorganismes permettent de mieux « coller » aux problématiques, enjeux, développements et résultats actuels de la recherche et au-delà de la recherche, du fonctionnement de notre société de technologies très avancées y compris dans le domaine du vivant. C’est aussi mieux informer nos élèves-citoyens que de proposer d’être au plus près de ce qui se passe et se fait, et d’être associé à cette dynamique du monde de la recherche même si ça n’est finalement que très modestement.

 


B/ Le constat d’une diversité observable : la diversité cultivable

Une grande richesse de colonies différentes par leurs caractéristiques de morphologie et de croissance peut être facilement obtenue et étudiée à la fois du point qualitatif (définition des différents types observés) que quantitatif (évaluer le nombre de colonies de chaque type et le nombre total d’individus présents initialement dans l’échantillon de sol). Des identifications d’espèce ou tout du moins de genre voire simplement de famille sont possibles par comparaison avec une clé de reconnaissance visuelle. Outre cette diversité en quelque sorte statique (on décrit les éléments du "paysage" microbien) on peut aussi aborder des questions plus dynamiques en s'intéressant aux phénomènes d’interactions qui peuvent être observés, en particulier des phénomènes d’antibioses, de compétition, etc. et on peut également s'intéresser à la mesure d'autres activités biologiques comme les activités enzymatiques que des tests relativement simples à mettre en oeuvre peuvent révéler.

Comparaison éventuelle de différents échantillons prélevés à des endroits différents ou qui auront été prélevés au même endroit mais à des moments différents dans l’année, ou bien prélevés de différentes manières, à différentes profondeurs à un même endroit, etc.

 


C/ La diversité non cultivable, le point de vue génétique de la diversité (la diversité observable, cultivable, n’est que la partie émergée d’un immense iceberg que la génétique moléculaire nous révèle)

  • Comment appréhender l’existence de cet iceberg ? Comment les scientifiques peuvent-ils affirmer que moins de 1% de la diversité biologique a été décrite ?
  • Grâce à l'ADN : en extrayant (idéalement) toutes les molécules d'ADN (ou d'ARN) présentes dans un échantillon prélevé sur le terrain (il peut s'agir d'un volume d'air, d'eau, de sol, ou autre) et en faisant l'inventaire (la détermination complète) des séquences soit d'un gène donné (dont le choix doit être alors particulièrement approprié), soit de l'ensemble des génomes. Nombre de ces étapes pouvant aujourd'hui être réalisées par des automates. Pour aller plus loin...
  • Bien sûr aux biais de la mise en culture (les biais du "cultivable") se substituent ici les biais de l'extractible (l'extraction de l’ADN n'est pas nécessairement totale et pour diverses raisons certaines molécules seront plus souvent que d'autres absentes de l'analyse finale), biais dans la technique de caractérisation, du fait du choix du gène caractérisé, ou biais de la technique mise en œuvre pour le séquençage des génomes entiers, etc. Il est bien rare qu'une technique aussi sophistiquée et performante qu'elle soit, ne comporte pas de biais qui obligent à nuancer les conclusions que l'on pourra tirer.

Ainsi, la diversité que l’on peut observer n’est qu’une très faible part de la diversité que les outils de la génétique moléculaire peuvent maintenant nous révéler.

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