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L'hépatocarcinome : un phénotype à différents niveaux

Par quaresma-nunes — Dernière modification 08/04/2019 12:10

Le phénotype d'un sujet atteint d'un cancer du foie

Le corps humain est constitué de plusieurs milliards de cellules toutes issues de la première cellule, la cellule oeuf. C'est au cours de multitudes divisions cellulaires et de différenciations que se mettent en place les divers organes aux fonctions variées. 

Continuellement, un certain nombre de cellules disparaissent et sont remplacées par de nouvelles cellules pour maintenir l'homéostasie. Un dérèglement même minime peut entraîner soit une prolifération soit une déplétion cellulaire. Le cancer est le résultat d'une prolifération cellulaire anarchique pouvant aboutir à la mort de l'hôte.

Dans le cas du cancer du foie (hépatocarcinome HCC), la masse de cellules cancéreuses au sein du tissu hépatique perd ses relations sociales avec les cellules saines et envahit progressivement les tissus adjacents, provoquant une vascullarisation nouvelle. Les cellules cancéreuses migrent à distance et créent de nouvelles colonies ou métastases.

Le phénotype d'une cellule malade diffère de celui d'une cellule normale

Les cellules cancéreuses in vivo (sur les biopsies) se caractérisent par :

  • un aspect morphologique différent et plus variable que les cellules normales du tissu sain,
  • des noyaux plus grands que la normale, avec un ou plusieurs nucléoles souvent de grande taille, une chromatine plus marquée (notion de noyau hyperchromatique), avec un rapport nucléo-cytoplasmique élevé,
  • un nombre important de mitoses (20 à 50 mitoses pour 1000 cellules),
  • d’assez nombreuses mitoses anormales (cellules géantes ou avec plusieurs noyaux),
  • une invasion du tissu normal et notamment de la membrane basale, les noyaux de cellules anormales envahissant le tissu de soutien sous-jacent.

 

Le phénotype moléculaire est également modifié

Une protéine notée p53 retient l'attention dès lors que le gène de la protéine p53 se retrouve altéré dans plus de 50% des cancers. Dans le cas du cancer du foie, le gène p53 est altéré en position du codon 249 (substitution faux sens en position 747). 

Le produit de l'expression de ce gène, la protéine p53, est également modifié. L'analyse des propriétés des protéines p53 rencontrées dans le tissu tumoral montre que la concentration et la demi-vie de cette protéine s'accroît du fait d'une diminution de sa dégradation. Alors que dans les tissus sains, la protéine p53 activée se lie directement à l'ADN, induisant un arrêt du cycle cellulaire entre la phase G1 et la phase S, permettant les réparations d'éventuels dommages de l'ADN altéré ; dans le tissu cancereux, cette activité disparaît : la protéine ne se lie plus à l'ADN, la cellule n'est plus bloquée en interphase, les altérations de l'ADN ne sont plus réparées, l'instabilité génétique de la cellule augmente et la cellule prolifère : la cellule devient une cellule maligne. 

Hépatocarcinome et aflatoxine B1

La mutation associée à l'hépatocarcinome (HCC) correspond à une transversion G:C->T:A au niveau de la 3ième base du codon 249 de la protéine p53. C'est une mutation somatique qui n'affecte que les cellules hépatiques dans certaines conditions. 
 

Position du codon Codon de la cellule normale (cn) Codon de la cellule cancéreuse (cc) Mutation Phénotype
249 AGG AGT AGG 249 AGT Cancer du foie

 

cn : cellule normale cc : cellule cancéreuse 

 

Des études d'épidémiologie effectuées à l'échelon mondial ont permis de montrer que cette mutation au niveau du codon 249 est strictement spécifique des pays dont la nourriture est contaminée par le champignon Aspergillus Flavius qui est responsable de l'excrétion de  l'Aflatoxine B1. Cette étude permet de mettre en relation le degré de l'exposition à l'Aflatoxine B1 et la fréquence des mutations au niveau du codon 249 : 

  • 60% des mutations concernent le codon 249 dans les régions où la contamination par l'Aflatoxine B1 est élevée (Mozambique, Sénégal et province du Qidong en Chine),
  • 10 à 20% des mutations concernent le codon 249 dans des pays où la contamination par l'Aflatoxine B1 reste modérée Thaïlande, Taiwan, Mexique et autres provinces de Chine),
  • la mutation du codon 249 est quasi inexistante dans les pays non contaminés  par l'Aflatoxine B1 (Europe et Etats Unis).

La relation dose-réponse entre le degré de l'exposition à l'Aflatoxine B1 et la fréquence des mutations au niveau du codon 249 est un argument très fort pour établir une relation de cause à effet entre les deux. 

Par ailleurs, il existe de nombreux hépatocarcinomes ayant à la fois une mutation du gène p53 (codon 249) et une infection par le virus de l'hépatite B (HBV). Seules des analyses épidémiologiques corrélant exposition à l'Aflatoxine, mutation du gène p53 et infection par HBV pourront confirmer ou infirmer cette relation de cause à effet. 

Remarque : Une étude portant sur des mineurs exposés au radon et atteints de cancer bronchique fait apparaître un point chaud au niveau du codon 249 (16 mutations diagnostiquées sur 29). L'évènement mutationnel est différent de celui observé dans l'hépatocarcinome car il touche la seconde paire de base du codon 249 (AGG 249 ATG soit AGG 746 ATG). Ce résultat suggère que la radon pourrait être responsable de cette signature particulière; néanmoins, une autre hypothèse n'a pas été écartée : cette mutation pourrait être due à une mycotoxine analogue à l'Aflatoxine B1, synthétisée par un champignon fréquemment retrouvé dans les bronches des mineurs étudiés. 

La cristallographie de la protéine p53 complexée à l'ADN permet de

repérer le résidu 249