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"Education et télévision : les liaisons dangereuses"

Par urgelli — Dernière modification 29/11/2016 13:24
Un dossier d'actualité du Service de Veille scientifique et technologique de l'INRP, préparé par Marie Gaussel et publié en juin 2008.

Dossier d'actualité n° 36 - juin 2008 : Éducation et télévision : les liaisons dangereuses

Quelques commentaires (B. URGELLI) :

Ce dossier repose la question classique des effets cognitifs et comportementaux de la médiation de masse (notamment télévisuelle) sur les jeunes récepteurs. Il soulève également la question de la place de l'institution scolaire face à la communication médiatique.

Télévision béhavioriste ou constructiviste  : les théories des effets

Marie Gaussel rappelle que deux familles de théories s'affrontent à ce sujet : "celles qui soutiennent que la télévision a un impact très important et exerce un grand pouvoir" et "celles qui minimisent l'influence de la télévision et affirment que son impact est sujet à de nombreuses variables, méconnues la plupart du temps".

Si on considère le récepteur comme ayant un rôle plutot passif ou actif face à l'information reçue, on peut penser que la première famille de théories rejoint le béhaviorisme alors que la seconde famille s'inscrit plutot dans le courant constructiviste : "Dans une perspective béhavioriste, l'enfant apprend de façon passive, sans filtrage ni réflexion." Si on considère que "l'enfant est un spectateur actif : l'information est « traitée » et assimilée après une série de processus qui permet à l'enfant de modifier ou reconstruire le contenu en fonction de ses connaissances préalables." Sur ce dernier point, l'auteur parle d'approche cognitiviste des effets de la télévision.

Elle précise plus loin que "cependant, ces deux approches ne rendent pas compte de l'aspect évolutif et adaptatif du sens de l'action de regarder la télévision. [...]. À la lecture du livre de Dorothy et Jerome Singer (2005), il est intéressant de noter que l'écran de télévision a effectivement envahi les foyers du monde entier et que les effets sur l'imagination des enfants semblent identiques quel que soit le pays". On notera à ce propos que la vague d'enquêtes de Daniel BOY pour l'ADEME sur les représentations sociales de l'effet de serre souligne en autres l'existence d'un lien entre médiation de masse et représentation socialement homogène de cette question du réchauffement climatique.

 

Pour certains, des messages de rupture entre l'enfant et son environnement

A propos des effets de la télévision sur le comportement, Marie Gaussel s'appuie sur l'exemple de la publicité : " Harrison et Marske (2005), deux spécialistes en communication, ont étudié l'influence des publicités sur le désir des enfants et la façon dont elles influencent leur mode de vie et leurs comportements. Elles concentrent leur analyse sur les spots qui mettent en valeur des produits alimentaires, en particulier les nourritures de fast food ou encore les bonbons et autres sucreries, qui représentent 83% des produits vantés par la publicité pendant les heures de programmes spécialement destinés aux enfants et adolescents. En analysant certains messages publicitaires à l'attention des pré-adolescents, Elisabeth Baton-Hervé (2004) montre que les acteurs du monde marchand cherchent à briser le lien originel parents-enfants, et singulièrement mère-enfant, en désavouant le rôle de parent lié aux règles et contraintes, pour valoriser au contraire la liberté, la subversion voire la transformation du rôle en mère-copine ou complice. Le message transmis prend à rebours les fondements éducatifs (persévérance, effort, politesse, etc.) pour fabriquer un « petit consommateur » réceptif et perméable aux sollicitations publicitaires, dont l'objectif premier est la satisfaction des besoins immédiats. Les stratégies marketing visent le plus souvent à s'adresser directement aux jeunes (en les isolant sur une base générationnelle), en court-circuitant les échanges inter-familiaux."

Dans le cadre de nos travaux de recherche sur l'éducation à l'environnement et au développement durable, on est en droit de s'interroger sur les effets éventuels des publicités environnementalistes sur les modes de vie et les comportements de consommation, plus ou moins éco-responsables.

Les chercheurs du Collectif Interassociatif Enfance Média (CIEM) estiment que « seule une approche complexe et globale de la responsabilité des médias dans la construction des identités, la transmission des valeurs fondamentales, des repères nécessaires à la vie sociale et démocratique, tenant compte des étapes du développement des enfants auxquels les médias s'adressent pourrait initier une démarche satisfaisante et motivante pour tous ».[...] "Avec le développement des chaînes dédiées aux très jeunes enfants, les spécialistes s'inquiètent." Plusieurs chercheurs (notamment Lurçat (2002) et Baton-Hervé (2004)) accusent les producteurs de télévision "de rompre les relations entre l'enfant et ses proches en lui proposant des émissions qui le conditionnent, accaparent son attention et modèlent sa personnalité, le tout à l'insu de sa famille". On voit ressurgir dans ces travaux l'approche béhavioriste des effets de la médiation télévisuelle.

Lurçat cite Wallon qui affirme que « la publicité est l'héritière des pratiques qui ont de tout temps servi à mener, sans qu'elle s'en aperçût, la masse des individus vers le choix ou la décision souhaités ». Lurçat dénonce également "une atteinte à la liberté de l'enfant à cause de la dépendance que peut créer certains programmes. L'enfant perd le sens de l'initiative, il n'est plus autonome dans ses projets. Tous ces dérèglements ont des répercussions sur son développement qui vire à l'opposé de ce que lui demande l'institution scolaire". C'est une vielle querelle sur le rôle éducatif des médias et de l'école, que Barthélémy a bien analysé dans son ouvrage de thèse intitulé "Journalistes, enseignants : concurrence ou interaction ?" (1998).

Enfin, pour Lurçat, "la promiscuité du poste de télévision avec les individus est la source d'une mutation des modes de vie et des personnes. Son interprétation rejoint le point de vue de Coulangeon (2007) : les programmes s'adaptent à la demande du plus grand nombre (telle que la conçoivent les producteurs) et nivèlent par le bas, de par leur « conception réductionniste », les modèles culturels qui en découlent".

 

Littératie télévisuelle : une place pour l'école ?

L'ouvrage des Singer (2005) énumère quelques intérêts d'une littératie télévisuelle : "Dans certains pays, l'étude de ce média fait partie des programmes d'enseignement, dans d'autres, seules quelques actions sont disséminées au cours de l'année scolaire. Selon les Singer, quand les enfants possèdent une littératie télévisuelle, ils sont mieux armés pour différencier la fiction de la réalité et sont plus critiques vis-à-vis des programmes qui leur sont proposés. Ils citent également des études (2004) qui ont montré que l'éducation aux programmes de télévision pouvait réduire les conduites violentes des jeunes enfants.

Reprenons enfin, encore ici, un passage du dossier de Marie Gaussel, qui retrace l'évolution des politiques d'éducation aux médias :

"Depuis la Déclaration de Grünvald en 1982, 19 pays participants à un congrès de l'UNESCO ont adopté une déclaration qui invitait les gouvernements à mettre en place rapidement des « programmes intégrés d'éducation aux médias s'étendant du niveau pré-scolaire à l'université et à l'éducation des adultes et visant à développer les connaissances, les techniques et les attitudes propres à favoriser le développement d'une conscience critique et par conséquent d'une compétence plus grande parmi les utilisateurs des médias électroniques et imprimés. Idéalement ces programmes devraient aller de l'analyse du contenu des médias jusqu'à l'emploi des instruments d'expression créatrice, en passant par l'utilisation des canaux de communication disponibles fondée sur une participation active ».
En 2007, s'est tenu à Paris une rencontre internationale ayant pour objectif de faire le point, entre autres, sur les nouvelles pratiques pédagogiques développées à travers le monde. La synthèse des travaux propose douze recommandations prioritaires à mettre en oeuvre, dont trois sous la bannière « formation des enseignants et sensibilisation des différents acteurs de la sphère sociale » : intégrer l'éducation aux médias à la formation initiale des enseignants, développer des méthodes pédagogiques appropriées et évolutives et mobiliser tous les acteurs du système scolaire."