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Rapport synthétique

Par Françoise Morel-Deville Dernière modification 16/02/2016 16:58
Les premiers résultats des enquêtes menées à l'Inra et à l'INRP sont rapportés ici.

« De la Recherche à l’Enseignement : modalités du partage des savoirs dans le domaine des sciences de la vie et de la Terre »


Muriel POMMIER1, Catherine FOUCAUD-SCHEUNEMANN2, Gérard VIDAL3, Jean-Pierre TERNAUD4 et Françoise MOREL-DEVILLE1


1 Equipe ACCES, INRP Lyon, France 
2 Service communication, INRA Versailles-Grignon, France
3 Pr@TIC Ecole Normale Supérieure de Lyon, France
4 Direction de la communication du CNRS-ISCC, Paris, France


Résumé : Dans le contexte actuel de l’accroissement de l’encyclopédie scientifique, l’enseignement a sans cesse besoin d’être renouvelé et les connaissances scientifiques actualisées en fonction des nouveaux résultats de la recherche. Si le système éducatif joue un rôle primordial pour faire acquérir ces connaissances, cela nécessite qu’elles circulent entre ceux qui les produisent et ceux qui les enseignent. A ce jour, cette circulation des savoirs n’est pas optimisée car il n’existe pas de circuit institutionnel de communication entre les deux communautés, en particulier, en direction de l’enseignement primaire et secondaire. Accroître les possibilités d’échanges entre chercheurs, formateurs et enseignants, mettre en œuvre des outils mutualisés permettant un transfert de la connaissance scientifique vers l’enseignement constituent les gageures à relever pour une éducation scientifique « citoyenne ».

« L’accroissement mécanique du savoir », selon Condorcet,  ne suffit pas à promouvoir le développement scientifique et culturel des sociétés. Encore faut-il que ce savoir soit partagé, enseigné, qu’il soit accessible aux citoyens. Aujourd’hui, le système éducatif ne peut pas répondre seul au flux de science et de technologie (S&T). Les experts dans ces domaines sont donc sollicités pour participer au développement d’une société de la connaissance (Pestre, 2008). Au niveau européen, la mise en place dès le plus jeune âge et "tout au long de la vie" d’une véritable éducation scientifique « citoyenne »  est un chantier prioritaire de la stratégie de Lisbonne  signée en 2000 et  renouvelée dans une série de mesures urgentes  en 2008.

Mais cette tâche n’est certainement pas simple dans une période où les S&T sont souvent perçues dans leurs aspects négatifs et dans leurs possibles dérives, et où les élèves se détournent des filières scientifiques. Nombres d’observations et d’analyses par pays sur des indicateurs de l’enseignement montrent que cette désaffection serait largement imputable au manque d'attractivité des cours de sciences à l'école (rapport Rocard et al, 2007). Même si la Commission Européenne reste très prudente lorsqu'il s'agit de comparer les systèmes éducatifs européens (rapport EURAB, 2007), il serait pourtant entendu que le renforcement de liens directs et personnalisés entre chercheurs, enseignants et élèves contribuerait à donner une meilleure image de la science et de ses métiers, et permettrait d'entretenir le goût des S&T chez les jeunes pendant leur scolarité (Simmoneaux et al, 2005 ; rapport GRID, 2006).

En France, la mise en forme et la diffusion des connaissances et des savoir-faire scientifiques que les organismes de recherche réalisent, touchent une partie seulement du fonds scientifique et s’appuient en grande majorité sur l’engagement personnel de quelques individus. Le transfert est conçu pour atteindre la masse des élèves en faisant abstraction de la variabilité du niveau culturel ou scolaire de cette catégorie de public et donne lieu à la création d’une multitude de dispositifs de diffusion de la science. Cette fragilité des rapports entre les institutions scientifiques et le système éducatif s’inscrit également dans un contexte où les vagues médiatique et numérique prennent une place considérable dans la dissémination des informations scientifiques au sein de la société, sans véritable régulation et validation des contenus.

La production, la diffusion et l’enseignement des savoirs scientifiques souffrent, en France, d’un manque de cadre structurant et d’une communauté d’échange et de pratique pour rendre les innovations scientifiques lisibles et adaptées aux contraintes et aux enjeux du système éducatif. Il est donc impératif d’avancer, en France, comme dans les autres pays européens, vers une stratégie concertée de transfert des connaissances entre les organismes de recherche (et de l’enseignement supérieur) et l’enseignement primaire et secondaire (Consortium Form-it « Take Part in Research », 2008).

L’étude que nous menons constitue un des jalons sur cette voie. Son objet concerne le transfert des connaissances dans l’enseignement des sciences de la vie et de la Terre (SVT) au collège et au lycée. L’objectif est de dresser un panorama des relations qui lient les organismes de recherche français au monde de l’éducation, de mener une réflexion prospective sur les moyens à mettre en oeuvre pour améliorer ces relations, et de proposer des nouvelles pistes pour transmettre les connaissances scientifiques, au plus proche de l’actualité, dans le système éducatif. Outre son intérêt épistémologique quant à la place de la recherche dans le dispositif d’éducation, notre étude devrait dégager des priorités éducatives et apporter des propositions méthodologiques nouvelles pour une co-construction de ressources scientifiques et pédagogiques adaptées à l’enseignement.

Notre méthodologie s’appuie sur deux enquêtes par questionnaire, l’une menée par l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) auprès d’enseignants de SVT du second degré (collège et lycée) dans sept académies et l’autre conduite par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) auprès des personnels scientifiques, techniques et administratifs d’un centre de recherche (Versailles-Grignon).
Le questionnaire de l’INRP a pour objectif de dresser un état des lieux des pratiques et des attentes des enseignants de SVT en matière de coopération avec la recherche scientifique. Il a été réalisé à l’aide d’un formulaire en ligne communiqué via des listes de diffusion disciplinaires. Nous avons recueilli et exploité 530 réponses. Le questionnaire de l’INRA vise à examiner les actions de culture scientifique et technique réalisées en direction de l’Education nationale par les personnels de l’institut ainsi que la nature des échanges qu’ils entretiennent avec les enseignants et la perception qu’ils en ont ; 110 agents sur 895 présents dans le Centre de recherche sont impliqués dans au moins une action de diffusion de la culture scientifique et technique en direction de l’Education nationale. Seules ces réponses sont exploitées.

La collaboration avec le monde de la recherche vue par les enseignants de sciences de la vie et de la Terre :

Les perspectives assignées à l’enseignement des SVT dans le second degré par les enseignants interrogés dans l’enquête INRP, outre ses finalités premières - la transmission de savoirs scientifiques et l’enseignement des méthodes scientifiques -, sont de faire acquérir aux élèves la culture scientifique du citoyen, de développer le goût des sciences des élèves et de leur faire vivre concrètement, si possible, l’expérience scientifique.

A propos de leurs représentations de la science dans la société, les enseignants perçoivent que la science, en constante évolution, est devenue complexe, et que les avancées scientifiques suscitent des inquiétudes sociétales et des questionnements éthiques. Plus des trois quarts d’entre eux adhèrent à l’idée que le monde de la recherche, relatif à leur discipline, est un univers complexe et difficile d’accès, le laboratoire étant, selon eux, le lieu privilégié de l’activité de recherche. Ils attribuent à l’Ecole un rôle majeur dans la diffusion des savoirs scientifiques, tout en reconnaissant que les médias sont un acteur important qui contribue à démocratiser le savoir scientifique. Cependant, la majorité des répondants estime que les sciences ont besoin d’être sorties des laboratoires pour aller à la rencontre du public et qu’elles ne sont pas qu’une affaire de spécialistes puisqu’ils estiment que la science doit être débattue dans la société. Seulement la moitié pense que l’avancée des connaissances scientifiques est bien diffusée dans l’enseignement, mais en même temps, ils constatent que les élèves peuvent se révéler plus sensibles aux discours des médias qu’à leurs cours.

La Recherche et l’Education sont-elles perçues comme deux mondes qui s’ignorent ? Les enseignants interrogés sont partagés sur cette question. S’ils jugent utile à 97 % de développer des coopérations avec des partenaires scientifiques pour l’enseignement des SVT, seul un tiers d’entre eux déclare avoir participé ou s’être impliqué dans la mise en œuvre d’actions de coopération entre recherche scientifique et enseignement dans le cadre scolaire. Les objectifs prioritaires qu’ils assignent à la mise en place d’une coopération sont globalement de favoriser les rencontres avec le monde de la recherche, de contribuer à développer le goût des sciences chez les élèves et de montrer et/ou leur faire vivre de manière concrète l’expérience de la recherche. Dans une moindre mesure, les enseignants souhaitent bénéficier d’un apport de connaissances scientifiques de la part des chercheurs. Ils cherchent aussi à faire découvrir les filières de formation et les métiers scientifiques dans la perspective d’aider les élèves dans leur orientation scolaire et professionnelle.

Les partenaires scientifiques privilégiés dans les coopérations mises en place avec l’enseignement des SVT sont principalement les universités, les organismes de recherche et les structures de culture scientifique et technique (associations, musées). L’industrie n’apparaît pas dans les résultats de l’enquête comme un partenaire majeur.

Le recueil des actions de coopération, à finalité pédagogique et de culture scientifique, permet de dégager trois modes d’appui à la mise en place d’interactions entre monde de la recherche et monde scolaire. Dans le système éducatif, les activités proposées aux élèves s’inscrivent principalement dans les dispositifs institutionnels dans lesquels sont impliqués des chercheurs (ateliers scientifiques, classes de terrain, Travaux Personnels Encadrés (TPE), Itinéraires De Découverte (IDD)) ainsi que, dans l’établissement scolaire, l’organisation de conférences de chercheurs invités. D’autres occasions d’interaction, non plus à l’initiative des enseignants, sont saisies dans le cadre de grands événements d’intérêt scientifique et technique et d’animations culturelles extérieures (musées, cafés scientifiques, sites géologiques, Fête de la science). D’autre part, la découverte in situ du monde de la recherche par les élèves et leurs enseignants se réalise essentiellement par la visite de laboratoires d’organismes de recherche. Enfin, la formation continue ainsi que la co-production de ressources documentaires et pédagogiques représentent pour les enseignants d’autres occasions de rencontre avec les chercheurs.

Si les actions de découverte du monde de la recherche sont un moyen privilégié pour favoriser chez les élèves l’intégration des méthodes et des techniques qui fondent la connaissance scientifique et permettent une ouverture sur le monde professionnel, les thèmes privilégiés dans les actions se révèlent prioritairement en liaison avec les contenus d’enseignement des programmes de SVT. Ces thèmes concernent la santé (addictions, nutrition, risques sanitaires, maladies et traitements, immunologie), les neurosciences, la génétique (ADN, biologie moléculaire, thérapies géniques), l’évolution du vivant, la biodiversité, l’environnement (pollution, énergies, climat) et le développement durable, la géologie et les risques naturels.

Les enseignants attribuent deux impacts majeurs à la coopération recherche/enseignement. D’une part, ils observent des modifications positives dans les attitudes et l’intérêt des élèves vis-à-vis de la science (curiosité, plaisir de la découverte, changement de regard sur la recherche et ses implications, regain de motivation pour les SVT, expression de préoccupations comme par exemple la bioéthique). D’autre part, ils considèrent que ces actions enrichissent leurs pratiques pédagogiques et modifient également la perception qu’ont les élèves du rôle de l’enseignant, celui ci devient organisateur de projet ou animateur de débat et non plus seulement transmetteur de savoirs.

Néanmoins, l’implication des enseignants dans des actions de coopération peut être compromise par des contraintes d’ordre organisationnel : charge de travail liée à la préparation des projets, organisation du transport des élèves, éloignement spatial des organismes scientifiques, financement des actions, lourdeur administrative, coordination du temps scolaire avec les disponibilités des chercheurs. Des freins d’ordre éducatif  sont aussi présents : mise en cohérence des interventions des scientifiques avec les contenus des programmes d’enseignement et avec l’agenda du programme, investissements multiples dans d’autres actions culturelles.

De plus, de l’avis des enseignants, tous les niveaux de classe ne sont pas également concernés par l’intérêt de telles coopérations. Les enseignants de collège soulignent la difficulté à élaborer des actions pertinentes et surtout d’ajuster les discours des scientifiques aux élèves des classes de sixième et cinquième. Distance cognitive et culturelle également ressentie à l’égard du monde de l’université estimé trop éloigné des préoccupations des collégiens. Les enseignants de collège ont d’ailleurs signalé l’utilité des structures de médiation scientifique jugées plus opportunes pour ce public d’élèves que les contacts directs avec les professionnels de la recherche. Ces derniers ne sont tous pas munis des compétences communicationnelles en adéquation avec les capacités de réception des collégiens.

Les enseignants impliqués dans des actions soulignent l’intérêt et la qualité des échanges entre la communauté scientifique et la communauté éducative qu’ils qualifient de « positifs, fructueux, motivants ». Toutefois, la plupart des enquêtés estiment que les « passerelles d’échange entre les deux milieux » sont quasi-inexistantes. Ils ont l’impression d’un « cloisonnement », impression renforcée probablement par un manque de (re)connaissance mutuelle. Ainsi, d’aucuns nous rapportent l’absence de réseau ou de carnets d’adresses, la difficulté à « obtenir des intervenants pour parler d’un sujet scientifique avec les élèves », des prises de contact qui se soldent par une « fin de non recevoir », la « rareté de l’initiative des chercheurs ou laboratoires pour proposer des visites ou des interventions en classe ». Puis, lorsqu’une action s’est concrétisée, la difficulté à pérenniser le partenariat est évoquée. D’autres font part de leurs impressions au sujet des dispositions et de la disponibilité de leurs interlocuteurs potentiels : « un manque d’écoute des chercheurs et d’estime à l’égard des élèves, l’imposition de leur regard sur les savoirs à enseigner, une [posture] unidirectionnelle » i.e. sans échanges réciproques. Dans ces conditions, il semble que la difficulté préalable et majeure à surmonter concerne l’entrée en relation, à laquelle s’ensuivent celles de la construction des relations partenariales et de la complémentarité des compétences mutuelles, et enfin celle de la définition de projets en commun. Mais tout compte fait, les difficultés entrevues ou vécues n’empêchent pas les enseignants interrogés de se prononcer en faveur du développement de relations de coopération entre les deux communautés.

Les enseignants de SVT formulent un certain nombre d’attentes et de suggestions. Outre les actions ordinaires déjà expérimentées et à poursuivre (interventions de scientifiques dans les établissements scolaires sous la forme de conférences, débats, ateliers scientifiques, et visites dans les laboratoires) se dégagent trois modalités de coopération jugées utiles.

Tout d’abord, un espace et des moyens d’interaction entre les deux communautés seraient à inventer pour favoriser la mise en relation et les échanges. Les objectifs dédiés à ces dispositifs sont de rendre plus accessibles « des listes d’adresses d’enseignants  et de chercheurs », une cartographie des organismes de recherche locaux et de leurs champs scientifiques, les contenus des programmes d’enseignement de SVT, les offres/projets d’activités scientifiques et pédagogiques. Les enseignants sont fortement demandeurs d’actualités scientifiques et d’informations sur les avancées de la recherche. Ils souhaitent également avoir accès à un système de questions/réponses avec les chercheurs. Les supports évoqués vont du site Internet avec un forum d’échanges, des publications périodiques, à la désignation de « personnes relais » du côté de l’Education nationale. D’autres dispositifs sont suggérés comme une structure de coordination à l’échelle académique, ou la création d’un bassin de coopération des laboratoires de recherche et des établissements scolaires géographiquement proches.

Ensuite, la formalisation de relations partenariales sous la forme de « jumelage, parrainage, tutorat » entre les établissements scolaires et les organismes de recherche est attendue par les enseignants. Ce n’est pas seulement autour de la production de ressources scientifiques à usage pédagogique qu’une collaboration avec les chercheurs serait à développer. C’est, en effet, dans une perspective de co-construction de projets d’activités scientifiques pour les élèves et d’applications pratiques pour l’enseignement que les enseignants souhaiteraient s’impliquer et voir participer les chercheurs. Ainsi, construire des ateliers de pratique scientifique, aider les enseignants à construire des protocoles, des séquences pédagogiques, permettre aux élèves de faire l’expérience de la recherche par la réalisation d’expériences en laboratoire sont quelques activités suggérées par les enseignants.

Enfin, une demande de formation à la recherche sous la forme de stages en immersion dans les laboratoires de recherche pour acquérir une expérience pragmatique in situ de la démarche d’investigation et découvrir les nouvelles techniques est exprimée par une partie des enseignants. L’immersion formatrice dans la recherche les aiderait aussi à enseigner les sciences de manière plus efficace  et authentique : « quand on enseigne une science, il faut savoir comment la science se fait » et « on ne peut enseigner correctement que ce que l’on connaît pour l’avoir suffisamment pratiqué ».

 

La collaboration avec le monde de l’éducation vue par l’Institut national de la recherche agronomique :

Le centre de recherche INRA Versailles-Grignon développe des actions de diffusion des connaissances scientifiques et techniques en direction des jeunes et des enseignants. C’est une priorité constante qui fait partie intégrante des missions de l’Institut dont les domaines de compétences (agriculture, environnement et alimentation au service d’un développement durable) sont au cœur des programmes de l’enseignement des SVT. Plus globalement, ces actions ont comme objectifs de proposer des clés pour la compréhension du monde vivant, sensibiliser les jeunes à la démarche scientifique et offrir aux citoyens les moyens de comprendre les enjeux des choix scientifiques et techniques qui auront des implications socio-économiques de plus en plus marquées.

Au cours des trois dernières années scolaires (2006-2008), la diffusion de la culture scientifique et technique en direction de l’enseignement secondaire a mobilisé 14% des agents du centre de recherche INRA de Versailles-Grignon soit 110 personnes sur 895.

Dans leur majorité, les personnes impliquées, au moins quadragénaires, remplissent les fonctions de scientifiques, ingénieurs et techniciens dans le domaine de la recherche. Leur participation répond à la demande de l’Education nationale (enseignants, formateurs, inspecteurs, chargés de mission académiques), à la demande institutionnelle de l’INRA et à celle des collectivités locales pour des opérations de sensibilisation. Leurs motivations sont de partager des compétences scientifiques et techniques avec un public non averti, de transmettre leurs connaissances et leurs expériences aux jeunes générations, d’ouvrir la science vers la société ou de donner une image réelle du monde scientifique. Leurs activités se répartissent entre l’animation, la mise en oeuvre de la démarche scientifique, l’enseignement et l’accompagnement.

La majorité des répondants disent accueillir des élèves en stages d’observation en milieu professionnel et participer à des opérations de sensibilisation telles que la Fête de la science et les forums des métiers. Ils accompagnent ainsi l’institution dans la réponse qu’elle donne aux demandes provenant du monde éducatif.

Scientifiques, ingénieurs et techniciens s’investissent dans des projets de classe dans le cadre des dispositifs de l’Education nationale comme, par exemple, les ateliers scientifiques, les Travaux Personnels Encadrés et les Itinéraires De Découverte. Ils prennent part également à des sessions de formation continue d’enseignants et de formateurs. L’objectif de ces formations est de partager des connaissances sur des thématiques expertes à l’INRA et de réaliser des travaux pratiques. Par contre, on constate que peu de chercheurs participe à la production de documents scientifiques à vocation pédagogique, on relève une seule participation du centre à la rédaction d’un numéro de la revue « Textes et documents pour la classe » (TDC). L’accueil d’élèves en stages d’observation en milieu professionnel ou au cours des IDD fait systématiquement intervenir des agents de l’institut qui appartiennent à différents corps de métiers et à différentes disciplines ainsi que les personnels d’appui à la recherche (communication, finances, formation, informatique, logistique et espaces verts, partenariat, patrimoine, prévention et ressources humaines) de l’INRA. Cette mobilisation pluri-catégorielle contribue à faire découvrir la diversité des métiers, des thèmes et des dispositifs de recherche.

Les actions de formation des enseignants, d’accompagnement de projets ou d’accueil pour lesquelles l’Education nationale sollicite l’Institut, concernent ses domaines de compétence et ses thématiques de recherche. Les grands domaines abordés sont, par exemple, la biologie végétale (structure et fonction des plantes, domestication et sélection variétale), les microorganismes (découverte et observation, fermentation et conservation des aliments, sécurité alimentaire et maladies émergentes), le sol (structure et fonction, faune et flore, gestion et protection, pratiques agricoles), les insectes (physiologie, organisation sociale et communication), la santé humaine, la biodiversité ou la génétique. Des questions scientifiques socialement vives sont également discutées, telles que les organismes génétiquement modifiés, l’agriculture biologique et raisonnée, l’alimentation et l’environnement au service du développement durable, le bien-être animal, ou encore le clonage. Des apprentissages autour des nouvelles technologies comme les outils de la génomique sont également proposés.

Les agents de l’INRA impliqués, qu’ils soient scientifiques, ingénieurs, techniciens ou administratifs, nous disent agir souvent seuls, en particulier dans la phase de préparation et le déroulement de la séance. Peut être le font-ils volontairement parce qu’ils estiment ne pas avoir besoin d’appui, ou de façon implicite parce qu’ils font face à un déficit d’implication des acteurs de l’Education nationale. Parfois, l’apport du partenaire se limite à une aide matérielle. Certains regrettent ce manque d’investissement des partenaires qui les ont par ailleurs sollicités. A cet égard, ils expriment l’impression d’un manque de reconnaissance objective du travail et par conséquence un sentiment de frustration. Pourtant, lorsque les actions sont coproduites avec l’ensemble des partenaires, ils bénéficient d’un appui à la mise en oeuvre ou d’un accompagnement pédagogique. Les projets co-construits suscitent également du plaisir, ce qui incite les personnes à renouveler leur participation. S’ajoute la satisfaction d’un apport « formatif » en direction des élèves dans leur découverte du monde de la recherche. Ils sont peu nombreux à exprimer une demande de formation dans la conduite de projets à visée éducative ou plus largement dans la médiation scientifique. Peut être n’ont-ils pas perçu tous les enjeux de leur participation, ni le rôle que pourrait jouer la communauté scientifique dans l’éducation aux sciences ni les attentes que placent leurs partenaires faute de dialogue.

Au travers des résultats du questionnaire et des pratiques du centre INRA de Versailles-Grignon, trois éléments sont susceptibles de contribuer à des collaborations de qualité avec l’éducation scolaire. Le premier concerne l’existence, dans l’enceinte du centre, d’une « maison » à vocation pédagogique. Ce lieu permettrait d’accueillir les différentes activités scientifiques et expérimentales destinées aux acteurs de l’éducation. Le deuxième concerne la création d’un service ad hoc missionné par l’Institut et animé en interne par des chargés de médiation scientifique. Ce service, interlocuteur identifié et pérenne, serait chargé du pilotage, de la gestion, de la coordination et de l’accompagnement des actions en direction du système éducatif. Le troisième consiste à formaliser des relations partenariales entre les institutions (conventionnement, mise à disposition d’un enseignant) dans la perspective de contribuer au développement d’actions en matière d’éducation scientifique à l’adresse du monde scolaire.


Vers une amélioration de la coopération :

L’investigation que nous avons menée identifie un certain nombre de dispositions des acteurs de la Recherche et de l’Education à l’égard du partage des savoirs scientifiques et les conditions de possibilité de ce partage. De part et d’autre, les enquêtés soulignent de nombreuses attentes et le plaisir qu’ils ont à travailler ensemble quand les actions sont co-construites au bénéfice des élèves. Il apparaît que la participation du monde de la recherche dans l’éducation aux sciences est un vecteur important de rénovation de l’enseignement pour chacun des acteurs. Toutefois, ceux-ci nous font part d’un certains nombre de freins à une coopération optimale Recherche/Enseignement, pointant ainsi des obstacles d’ordre socio-organisationnel (définition et conditions d’exercice des métiers, contraintes des systèmes et en particulier du système éducatif, contingences locales) et communicationnel (méconnaissance des métiers respectifs, rapports au savoir, valeurs).

Il ressort de notre étude que, quels que soient les acteurs concernés, deux conditions permettraient de surmonter ces obstacles. La mise en place de bonnes conditions matérielles préalables au partenariat serait déterminante pour l’investissement et la réussite des projets participatifs avec l’enseignement. La mise à disposition d’un espace de dialogue supporté par les structures institutionnelles permettrait que se côtoient les différents protagonistes dans un esprit de reconnaissance et d’ajustement mutuels.

Les défis portent donc sur la nécessité d’une mise en synergie des différentes institutions et de leurs acteurs – experts scientifiques, médiateurs professionnels, formateurs et enseignants – et de leur inventivité par rapport aux moyens pour un projet d’éducation citoyenne.

A titre professionnel, nous aurons à cœur de mettre en œuvre des actions qui s’inscrivent dans le constat et les propositions de notre travail, tandis que nous offrons ces mêmes perspectives à la réflexion de la communauté et de nos institutions.


Remerciements :

Les auteurs remercient Valérie Fontanieu pour son aide à la mise en place des enquêtes. Ce travail bénéficie d’un financement de l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS, dans le cadre de l’Appel d’Offre 2007.


Bibliographie :

EURAB,  European Research Advisory Board, Rapport et recommandations du comité consultatif européen pour la recherche et l’engagement de la société, 2007. Rapport téléchargeable :

http://ec.europa.eu/research/eurab/pdf/eurab_07_013_june_%202007_en.pdf

Form-it : « Take part in research », Commission européenne, FP6 Science et Société, Catalogue des bonnes pratiques, 2008. Disponible sur http://www.form-it.eu/goodpractice/index.shtml

GRID Network, Growing interest in the development of teaching science, Rapport d'Analyse des Politiques Educatives, des Initiatives et Expérimentations, 2006, pp. 1-146. Rapport téléchargeable :

http://www.grid-network.eu/outputs/GRID_Analysis_Report.pdf

Jensen P. et Croissant Y, « CNRS researchers’ popularization activities : a progress report », Journal of Scientific Communication, 2007, 6 (3).

Pestre D., Penser les savoirs, les sciences et les techniques en sociétés. Quelques propositions, « Sciences et devenir de l’homme », Paris, Editions Les Cahiers du Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique, 2008,  pp.16-26.

Rocard M., Csermely P., Jorde D., Lenzen D., Walberg-Henriksson H. et Hemmo V., Science Education Now : a renewed pedagogy for the future of Europe, Commission européenne, 2007, pp. 1-29. Rapport téléchargeable : http://ec.europa.eu/research/science-society/document_library/pdf_06/report-rocard-on-science-education_en.pdf

Simonneaux L., Ducamp Ch., Albe V., Simonneaux J. & Hirtzlin N., La perception des sciences par des lycéens est-elle modifiée par la présentation par des chercheurs de leurs travaux ?, colloque ARDIST/INRP, Lyon, 2005, pp. 347-353.