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Les méthodes pour établir les liens de parenté

Par apothet — Dernière modification 05/11/2020 11:21

Rédigé par Monique Dupuis, IGEN
Relu par Guillaume Lecointre, MNHN

 Des données variées peuvent être utilisées pour établir des relations de parenté entre les êtres vivants : données morphologiques, anatomiques, moléculaires ou caryologiques. Le traitement de ces données peut se faire selon des méthodes fondées principalement soit sur le principe de la cladistique, soit sur un principe phénétique

1 - La méthode cladistique

Mise au point dans les années 1940 par Willy Hennig et publiée en 1950, cette méthode repose sur deux grands principes : 

 
  • seul le partage d’états évolués de caractères permet de préciser les relations de parenté : si plusieurs taxons possèdent un même caractère évolué (ou dérivé) ils l’ont hérité d’un même ancêtre commun, qui leur est propre, et chez qui ce caractère est apparu ;
 
  • principe de parcimonie : parmi les cladogrammes possibles (figures traduisant les relations de parenté, établies par application de la méthode cladistique), le cladogramme retenu sera le plus parcimonieux, c’est à dire celui qui supposera le moins de transformations évolutives ;

a) Application au traitement des données anatomiques et morphologiques

L’application de cette méthode nécessite donc au préalable l’identification des états évolués des caractères (ces états évolués, hérités d’un même ancêtre commun sont aussi appelés des homologies). Plusieurs critères peuvent être utilisés pour préciser quel est l’état primitif et quel est l’état évolué :

  • critère paléontologique : l'état primitif est celui qui est apparu le plus anciennement au cours des temps géologiques, l'état évolué est celui qui est apparu le plus récemment ;
  • critère ontogénétique : l’état évolué est celui qui apparaît le plus tardivement au cours du développement ;
  • méthode de polarisation (critère de l'extra-groupe) : les organismes à classer font partie d'un "groupe" précis (par exemple : les mammifères, les vertébrés...). On utilise l'observation d'espèces dont on sait a priori qu'elles n'appartiennent pas à ce groupe (ce sont les "extra-groupes") : on considère que l'état du caractère déjà présent chez des organismes de l'extra-groupe est l'état primitif (pour les taxons du groupe considéré), et que l'état évolué apparaît au sein des espèces du groupe étudié.

Pour réaliser un cladogramme, il faut donc procéder de la façon suivante : 

  • faire le bilan des observations réalisées en remplissant une matrice taxons/caractères dans laquelle l’état de chaque caractère sera précisé pour chaque taxon ;
  • considérer un à un les caractères et utiliser leur signification évolutive pour construire peu à peu le cladogramme (en respectant le principe de la cladistique, c’est à dire en se basant uniquement sur le partage des états dérivés). La figure sera valable si chaque noeud peut être justifié par l’apparition d’une transformation évolutive (apparition d’un caractère évolué). 

Plusieurs cladogrammes peuvent être construits à partir d’une même matrice taxons caractères ; celui qui sera retenu sera celui qui supposera le moins de transformations évolutives (application du principe de parcimonie).

b) Application au traitement des données moléculaires

La méthode cladistique peut tout à fait être utilisée pour traiter des données moléculaires. Il faut pour cela disposer de molécules protéiques ou nucléiques alignées ; chaque position est alors un caractère, et chaque "motif" possible à cette position (chaque acide aminé ou chaque nucléotide) est un état de ce caractère.

La difficulté est de trouver des positions informatives (comme on devait, pour les données anatomiques et morphologiques, trouver des caractères informatifs, c’est à dire présentant au moins deux états différents au sein de l’ensemble de taxons considéré). Une position sera informative si on y trouve au moins deux états différents, possédés chacun par au moins deux taxons. Sachant que si on considère par exemple une molécule nucléique, pour chaque position 4 états sont possibles. Il y a donc un risque important de faire des erreurs d’interprétation lorsque l’on souhaite identifier l’état évolué ; l’application du principe de parcimonie est donc fondamentale.

Conclusion

Particulièrement simple à utiliser, dans son principe, pour le traitement des données anatomiques et morphologiques, la méthode cladistique peut être facilement utilisée par les élèves pour établir des relations de parenté entre les êtres vivants. L’application de cette méthode permet d’obtenir des classifications phylogénétiques, les groupes comprenant un ancêtre et tous ses descendants étant appelés des clades (ou groupes monophylétiques).

2 - Les méthodes phénétiques

Ces méthodes ne prennent pas du tout en compte la notion d’état primitif ou dérivé d’un caractère, mais se basent sur le nombre de caractères en commun que présentent les taxons : deux taxons auront une parenté plus grande s’ils partagent beaucoup de caractères (que ceux-ci soient évolués ou primitifs).

L’application de ces méthodes nécessite l’utilisation d’algorithmes de calcul différents d’une méthode à l’autre (UPGMA, NJ).

Pour réaliser un arbre phylogénétique par application d’une méthode phénétique (on obtient alors un phénogramme), il faut procéder de la façon suivante : 

  • réaliser une matrice taxons/caractères faisant le bilan des observations et précisant l’état de chaque caractère pour chaque taxon ;
  • établir une matrice des différences (ou des similitudes) qui comptabilise ces différences pour chaque couple de taxons ;
  • interpréter les renseignements fournis par la matrice des distances : plus il y a de caractères communs entre deux taxons et plus leur ancêtre commun est récent.

Les méthodes phénétiques sont facilement utilisables par les élèves pour les données moléculaires. Il est plus difficile de calculer des distances à partir des ressemblances morphologiques ou anatomiques.