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La lignée humaine

Par apothet — Dernière modification 24/07/2022 10:38
Un point scientifique sur les membres de la lignée humaine et leur évolution.

Rédigé par Monique Dupuis, IGEN groupe SVT
Relu par Pascal Picq, Collège de France 

La lignée humaine comprend tous les groupes d'êtres vivants descendants du dernier ancêtre commun de l'homme avec son plus proche parent, le chimpanzé. 

Le seul représentant actuel de la lignée humaine est l'Homo sapiens


 


Les membres de la lignée humaine

Les Australopithèques

Les plus anciens fossiles de la lignée humaine découverts à ce jour sont ceux du lac Turkana (Australopithecus anamensis, 4 MA environ), puis les Australopithèques de l'Afar (Australopithecus afarensis, connus entre  3,9 MA et 2,9 MA en Ethiopie, au Kenya et en Tanzanie). Les plus anciennes traces de pas observées (celles de Laetoli, 3,6 MA) sont attribuées à l'une ou l'autre de ces espèces. Ce sont des caractères traduisant une bipédie plus franche que chez les chimpanzés actuels qui ont permis de classer ces fossiles dans la lignée humaine (ces caractères ne sont connus que chez Australopithecus afarensis). Cependant, leur faible capacité crânienne (350 à 400 cc) et le développement important de leur face sont des caractères encore très primitifs. A noter toutefois que, malgré la faible capacité crânienne, l'organisation du cortex cérébral devait être plus proche de celle de l'homme actuel que de celle du chimpanzé (par exemple, on note une expansion de l'aire pariétale, aire corticale associative). Leur taille devait se situer entre 1m et 1m40 environ.

En Afrique de l'Est, entre - 4 MA et - 3 MA, plusieurs espèces d'Australopithèques cohabitent, vivant probablement en petits groupes, près des fleuves et des arbres, dans un paysage qui devait présenter des savanes arborées, sous un climat chaud, saisonnier et humide. On pense qu'ils se réfugiaient encore souvent dans les arbres, y construisant des nids pour la nuit. Leur régime alimentaire devait être basé sur des nourritures végétales coriaces (tubercules, rhizomes, bulbes, racines), complémenté de fruits, feuilles et même parfois de petit gibier.

Alors que tous les fossiles d'Australopithèques avaient été trouvés dans la zone du rift africain : d'abord en Afrique du Sud (Australopithecus africanus) et en Afrique de l'Est, on a découvert au Tchad, en 1995, une mandibule attribuée à un Australopithèque (Australopithecus bahrelghazali, surnommé Abel), datée de 3,3 MA. 

Il semble donc que les australopithèques aient conquis une bonne partie de l'Afrique, en marge de la grande forêt tropicale.

Les Paranthropes ou Australopithèques robustes

Souvent classés dans le genre Australopithecus, les Paranthropus méritent de constituer un groupe à part tant leurs caractéristiques sont originales : ils possèdent une très forte mâchoire et de très grosses molaires et prémolaires, des arcades zygomatiques très développées (insertion des muscles masticateurs puissants). Ces caractéristiques sont à mettre en relation avec un régime qui, bien qu'étant omnivore, devait comprendre beaucoup de végétaux coriaces, qu'ils devaient mâcher longuement. En fait, on pense qu'ils consommaient des fruits, des feuilles et même de la viande pendant les saisons favorables, mais qu'ils étaient capables de se nourrir de végétaux très coriaces (parties souterraines des plantes) pendant les saisons sèches. Enfin, leur capacité crânienne était assez importante (500 à 600 cc), supérieure à celles des Australopithèques plus anciens.

Contemporains des premiers représentants du genre Homo, ils n'ont vécu qu'en Afrique, entre 2,5 MA et 1 MA environ.

Ils constitueraient une "autre expérience" des voies de l'évolution humaine, associant un gros cerveau, l'utilisation d'outils rudimentaires et une certaine forme d'éclectisme.

Ils ne sont pas à l'origine de l'Homo sapiens.

L'émergence du genre Homo

Les plus anciens représentants du genre Homo, les Homo habilis et les Homo rudolfensis, semblent apparaître en Afrique vers 2,5 MA, alors que des changements climatiques importants ont lieu : la formation de la calotte glaciaire arctique entraîne une sécheresse en Afrique, ce qui provoque le recul des forêts. 

Le genre Homo se définit par une capacité crânienne plus forte (supérieure à 600 cc), une boîte crânienne plus arrondie, une réduction de l'appareil masticateur et de la face, de petites canines, et une bipédie quasi exclusive.

Homo habilis était encore adapté à la vie arboricole. Les empreintes visibles sur les os de la boîte crânienne prouvent qu'il existait déjà une asymétrie entre les cerveaux droit et gauche, ce qui suggère une plus grande capacité à fabriquer et à utiliser les outils. Il invente les galets taillés (industrie Oldowayenne).

Homo rudolfensis était plus corpulent et possédait un gros cerveau et des mâchoires plus puissantes (à mettre en relation aec un régime alimentaire probablement plus végétarien que Homo habilis). Bien qu'il soit peu connu, on pense que sa bipédie devait être plus évoluée que celle d'Homo habilis.

Homo habilis et Homo rudolfensis disparaissent vers 1,6 MA.

Contemporain des derniers Homo habilis et Paranthropus, l'Homo ergaster possède des caractéristiques qui le rapprochent beaucoup de l'homme moderne : taille plus importante, bipédie exclusive, forte capacité crânienne (supérieure à 800 cc), boîte crânienne bien arrondie et qui domine la face, face réduite... Ses outils commencent à être plus sophistiqués : bifaces (industrie acheuléenne)... Il apprivoise le feu dès 1 MA (et même peut-être avant).

Sa bonne adaptation à la marche bipède et à la course lui permet de parcourir de grandes distances et il part à la conquête de l'ancien monde (Asie et Europe), dès 1,8 MA, probablement en suivant ses proies au gré des changements climatiques. Ses nouveaux outils lui permettent d'adopter un régime alimentaire contenant beaucoup plus de viande (c'est un vrai chasseur). Enfin, il peut communiquer en pratiquant un langage articulé (probablement déjà esquissé chez Homo habilis).

Les Homo ergaster installés en Asie sont probablement à l'origine des Homo erectus, au squelette très robuste, mais à la capacité crânienne élevée et à la face réduite. Ces derniers perpétuent la tradition Oldowayenne.

Les origines de l'homme moderne

Les Homo ergaster d'Afrique s'installent en Europe. Descendant des premiers hommes qui ont conquis l'Europe et le Moyen-Orient et qui se sont probablement trouvés isolés lors de certaines périodes de glaciation Homo neanderthalensis (Homme de Neandertal) a vécu de 100 000 à 30 000 ans. Son corps présente des adaptations au froid. C'est probablement lui qui "invente" les rites funéraires. 

On trouve des représentants d'une lignée prénéandertalienne entre 1MA et 120 000 ans, mais les origines véritables sont loin d'être éclaircies (il y aurait peut-être eu continuité en Asie, mais remplacement en Europe...).

D'autres populations d'Homo ergaster venant d'Afrique et du Proche Orient sont à l'origine des "Proto-Cro-Magnon", puis des Cro-Magnon (Homo sapiens).

Vers 40 000 ans, Homo neanderthalensis entre donc en compétition avec Homo sapiens (Homme de Cro-Magnon) qui vient s'installer en Europe, et qui constitue le premier représentant de notre espèce. Sa morphologie longiligne traduit des origines très probablement africaines.


Une évolution buissonnante

Dès 3,5 MA on dispose de nombreux fossiles indiquant une grande diversification des espèces au sein des Australopithèques. On parle de radiation évolutive. 

Un des faits les plus remarquables pour nous, est la coexistence, au sein de la lignée humaine et à plusieurs époques, de plusieurs espèces et même de plusieurs genres (les Paranthropus ont cohabité avec les premiers représentants du genre Homo). 


Tous les caractères n'évoluent pas à la même vitesse au sein de la lignée humaine

Considérons l'évolution des 3 caractères suivants au sein de la lignée humaine:

  • la bipédie ;
  • la capacité crânienne ;
  • l'importance de la face par rapport au reste du crâne.

 

  Face Cerveau Bipédie
Australopithecus anamensis archaïque ? évoluée
Australopithecus afarensis robuste petit archaïque
Paranthropus très robuste développé plus évoluée
Homo habilis réduite développé archaïque
Homo rudolfensis robuste développé évoluée
Homo ergaster réduite très développé très évoluée

D'une façon générale, ces trois caractères ont évolué depuis les premiers Austraopithèques jusqu'à l'homme actuel : bipédie de plus en plus exclusive, développement de la capacité crânienne, réduction de la face par rapport au reste du crâne.

Cependant, si on regarde plus en détail ces évolutions, on peut faire trois constats importants :

  • ces trois caractères n'ont pas évolué à la même vitesse : l'augmentation de la capacité crânienne et la réduction de la face ne débutent vraiment qu'avec l'apparition du genre Homo, alors que la bipédie est le premier critère d'appartenance à la lignée humaine.
  • à une même période, on constate l'existence de groupes présentant des degrés différents d'évolution de ces caractères (une faible capacité crânienne avec une bipédie assez nette, ou au contraire une bipédie moins franche, mais une capacité crânienne plus élevée...). On parle d'évolution en mosaïque.
  • un même caractère n'évolue pas forcément de façon "linéaire" ; exemples : la face, ou encore la stature (Homo ergaster avait la même stature que nous). 


Les origines de la lignée humaine sont très imprécises par manque de fossiles

On ne dispose pratiquement d'aucun fossile entre -14 MA et -4 MA. Or, dès 4 MA pratiquement, on observe une grande diversité d'Australopithèques. On ne peut donc pas actuellement préciser comment s'est faite l'apparition de la lignée humaine. On en est réduit aux hypothèses... 

En septembre 2000, la découverte au centre-ouest du Kenya de pièces osseuses appartenant à au moins 5 fossiles de la lignée humaine (bipèdes) datés d'environ 6 MA, a permis de préciser que les origines de la lignée humaine sont donc antérieures à 5 MA. Ces restes fossiles ont été attribués à une genre nouveau, Orrorin (Orrorin tugenensis), qui semble avoir une parenté plus grande avec les individus du genre Homo qu'avec ceux du genre Australopithecus.