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Peut-on vacciner les jeunes filles avec le Gardasil sans craindre d'effets indésirables ?

Il n'existe pas de preuve scientifique d'effets indésirables sérieux dus à ce vaccin par ailleurs largement distribué au niveau international.
par Olivier Monod
publié le 2 octobre 2018 à 12h35

Question posée par AC le 05/09/2018

Bonjour,

Le Gardasil est un vaccin visant à protéger les femmes contre le cancer du col de l'utérus responsable de 1000 décès par an en France. Ce cancer a la caractéristique d'être déclenché par une infection persistante par un virus, le papillomavirus humain (HPV). Plusieurs souches différentes de ce virus ont été identifiées et deux, HPV16 et HPV18 sont responsables de la majorité des cas. Le cancer se déclenche souvent après 40 ans.

Le vaccin Gardasil (du laboratoire MSD) d'origine ciblait 4 souches de HPV (6, 11, 16 et 18). Une version augmentée, le Gardasil 9, est maintenant sur le marché, ciblant 5 souches HPV supplémentaires (31, 33, 45, 52 et 58). Ce vaccin, ou son concurrent, le Cervarix (de GlaxoSmithKline), est recommandé pour les jeunes filles entre 11 et 14 ans (avant le début de l'activité sexuelle qui expose au virus).

Doutes et polémiques

Votre question sur les effets indésirables est partagée par des acteurs de santé. Selon une étude de l'Inserm de 2015 réalisée auprès des médecins, «72% des généralistes interrogés recommandent régulièrement le vaccin anti-HPV» mais «60% des participants considèrent qu'on ne connaît pas encore suffisamment les risques éventuels liés au vaccin».

Plusieurs polémiques ont émaillé la vie de ce vaccin mis sur le marché en 2006. Une enquête de Slate a épinglé les conditions dans lesquelles les essais cliniques ont été conduits tout en précisant que «Rien ne prouve que le vaccin contre le papillomavirus est dangereux et qu'il faut éviter d'y recourir».

Plaintes classées sans suite

En France, des patientes ont déposé une plainte contre Sanofi Pasteur MSD pour des maladies auto-immunes que les plaignantes reliaient à la prise du vaccin. La plainte a été classée sans suite. La justice s'est basée sur une étude de l'assurance maladie pour prendre sa décision. L'ANSM, résume ainsi les données de l'étude :

«En France, depuis sa mise sur le marché, plus de 5 millions de doses du vaccin Gardasil ont été distribuées. Sur cette période, 435 cas d'effets indésirables graves dont 135 de maladies auto-immunes incluant 15 cas de sclérose en plaques (SEP) ont été notifiés à l'ANSM pour ce vaccin. Les données de la littérature internationale et française ne montrent pas d'augmentation de l'incidence des maladies auto-immunes ni plus particulièrement de SEP après une vaccination par Gardasil. Les données de l'assurance maladie, portant sur une cohorte de près de 2 millions de jeunes filles nées entre 1992 et 1996 et suivies sur une période allant de 2008 à 2010, confirment ces résultats.»

Une étude canadienne de 2018 confirme l'absence de lien entre les maladies auto-immunes et la vaccination anti-HPV.

Balance bénéfice risque

L'ANSM précise que la vaccination anti-HPV est en revanche liée à une augmentation «probable» du syndrome de Guillain-Barré «de l'ordre de 1 à 2 cas supplémentaires pour 100 000 jeunes filles vaccinées». Le syndrome de Guillain-Barré est «une atteinte des nerfs périphériques caractérisée par une faiblesse voire une paralysie progressive […] qui évolue favorablement sans séquelles neurologiques dans la grande majorité des cas». Un risque faible au regard du bénéfice apporté par le vaccin, conclut l'agence. Rappelons qu'environ 3000 nouveaux cas de cancer de col de l'utérus sont diagnostiqués chaque année avec un taux de survie estimé à 62 % 5 ans après le diagnostic et à 55 % 10 ans après le diagnostic, selon Santé Publique France. Cette association du syndrome de Guillain-Barré à la vaccination anti-HPV n'est pas corroborée par une étude réalisée en Angleterre.

Catherine Rumeau-Pichon, chef du Service évaluation économique et santé publique de la Haute autorité de santé enfonce le clou : «Ce vaccin est extrêmement surveillé dans le cadre d'un plan de gestion de risque. Il n'existe aucun signal inquiétant. Il est d'ailleurs largement utilisé dans beaucoup de pays sans problème.»

Des études rassurantes

À l'étranger justement, quelle est la réception de ce vaccin ? Le vaccin est recommandé pour les hommes aux Etats-Unis ou en Australie. Aux Etats-Unis, la recherche se penche aussi sur l'efficacité du vaccin sur les femmes déjà exposées au HPV. Seul le Japon (à notre connaissance) a décidé de ne plus le recommander ce vaccin.

La collaboration Cochrane s'est aussi penchée sur le sujet. Ce réseau mondial indépendant de chercheurs, de professionnels, de patients, de soignants et de personnes est réputé pour ses analyses indépendantes de la littérature scientifique sur les sujets de controverses. L'un de ses membres, Peter Gøtzsche a reproché à l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans manquements dans la prise en compte du signalement de possibles effets indésirables du vaccin par des médecins danois.

D'autres membres de Cochrane ont réalisé une revue de littérature sur les vaccins anti-HPV et ont conclu que «le rapport bénéfice risque des vaccins anti-HPV prophylactiques restait favorable» se disant «préoccupés par les affirmations injustifiées d'effets nocifs, qui ne sont fondées sur aucune preuve biologique et épidémiologique et peuvent nuire à la confiance du public». La méthodologie de cet article a été critiqué par trois membres du réseau (dont Peter Gøtzsche, exclu depuis de Cochrane, une première dans l'histoire de l'institution). Les auteurs, ainsi que d'autres chercheurs n'ayant pas participé à la première revue, ont analysé ces critiques et ont répondu. Ils maintiennent la conclusion initiale.

Un vaccin largement utilisé dans le monde

Nous avons également soumis votre question au professeur Sanchia Aranda, du Cancer Council Australia qui répond : «Les vaccins anti HPV sont très sûrs. 270 millions de doses ont été distribuées dans le monde et font l'objet d'une surveillance par les organisations scientifiques».

Pour conclure, Uzma Hasan, chercheuse en infectiologie à l'Inserm redit «qu'il n'existe actuellement aucune preuve scientifique crédible montrant que ce vaccin induit des troubles auto-immuns ou neurologiques», mais rappelle que le vaccin ne couvrant pas toutes les souches de HPV, il est nécessaire de continuer à réaliser des frottis vaginaux régulièrement pour dépister le cancer le plus tôt possible le cas échéant.

Cordialement

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