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Les vaccins anti addiction

Par fcordier — Dernière modification 29/09/2017 15:55

 Avec le développement des nouvelles technologies vaccinales et de la connaissances des mécanismes des  réponses immunitaires, l'idée de créer des vaccins "anti addiction" est apparue dans différents laboratoires pharmaceutiques. Trois axes de recherche ont déjà été lancés contre la nicotine, la cocaïne et l'héroine.

 Les vaccins anti-addiction reposent tous sur un même mécanisme: empêcher une molécule pouvant provoquer une dépendance de traverser la barrière hémato encéphalique et de se fixer dans le cerveau pour y exercer ses effets.

  Pour cela, une solution simple existe: il faut rendre plus volumineuse la substance psychoactive incriminée. La vaccination contre les susbtances psycho actives va alors consister à provoquer la formation d'anticorps dirigés contre ces substances psychoactive dans le corps humain. La formation de complexe anticorps - substances psychoactive grossira la taille de cette dernière qui ne pourra plus rejoindre le cerveau.

Or, en général, les molécules provoquant une dépendance sont de petite taille, ce qui leur permet non seulement de passer dans le liquide céphalo rachidien, mais aussi de ne pas être reconnue par le système immunitaire.

 

Comment peut on alors créer un vaccin contre celles-ci ? Quel est l'intérêt de ce type de vaccin ?

 

Comment fonctionnent ces vaccins?

 
  Réalisation du vaccin: comment rendre une molécule psychoactive immunogène ?

 Comme pour toute vaccination, l'objectif est d'obtenir la sécrétion d'anticorps spécifiques, dans le cas présent, dirigés contre la nicotine. Or, la nicotine est une molécule de petite taille, ne pouvant déclencher seule une réaction immunitaire. On dit que c'est un haptène. Deux méthodes sont alors possibles pour rendre la nicotine immunogène.

 

  • Pour rendre cette molécule immunogène, on peut coupler la nicotine à une molécule protéique, l'haptène-porteur.

 - On peut faire varier l'haptène: nombre de molécules de nicotine qui seront fixées sur le porteur, utilisation d'un dérivé de la nicotine...

- On peut s'intéresser au porteur: type de molécules porteuses, distance de la branche entre l'haptène et le porteur qui expose plus ou moins la molécule de nicotine. On veille à ce que le porteur puisse induire une réponse des lymphocytes T, ce qui permettra une production d'anticorps plus efficace.

 

Selon les laboratoires, ce ne sont pas les mêmes porteurs d'haptène, ni les mêmes dérivés nicotiniques qui sont utilisés. Les résultats obtenus semblent cependant pour l'instant assez similaires.

              
Elaboration d’un conjugué haptène porteur

Principe d'un vaccin anti addiction

Le dérivé nicotinique choisi fait apparaître un site de fixation pour le porteur. 

Le couplage de la nicotine au porteur, le plus souvent de nature protéique peut alors se faire.

L'ensemble haptène / porteur est plus volumineux et devient immunogène.

L'assemblage doit permettre par ailleurs d'exposer les groupes chimiques de la nicotine qui pourront être reconnus par les anticorps.

Le complexe ainsi formé est reconnu par le système immunitaire ce qui induit la formation d'anticorps dirigés contre la nicotine.

 

 

  • Une autre solution consiste à intégrer la nicotine dans une VLP (Virus Like particle). C'est la technologie choisie par Cytos biotechnology, précurseur dans ce domaine.

On obtient un assemblage similaire à celui figurant sur l'image suivante:

 

VLP vaccin anti hypertension

Les parties représentées en jaune sont les haptènes. Il s'agit en fait ici de dérivés de récepteurs de la molécule d'angiotensine II, la VLP représentée étant celle destinnée à la vaccination contre l'hypertension.

Dans le cas du vaccin anti nicotine, les particules jaunes sont des dérivés nicotiniques.

 

Les parties représentées en bleu sont les protéines d'enveloppe du bactériophage Qb.

 

L'ensemble mime un virus qui est vide de tout contenu pathogène et qui vient donc leurrer le système immunitaire.

 

 

VLP du vaccin Cyt006-AngQbImage issue du site de Futurasciences

 

               

Les effets du vaccin:  effets des molécules psychoactives sur le cerveau après vaccination

 

Suite à l'injection du candidat vaccin à des animaux (test précliniques), la quantité de nicotine parvenant au niveau cérébral peut être diminuée de 30 à 64%.

Les tests chez l'humain ont permis de montrer que le vaccin permettait de faciliter de façon significative l'abstinence tabagique.

Chez la personne immunisée, la nicotine des cigarettes se lie avec les anticorps induits par la vaccination, en formant des complexes trop gros pour passer la barrière hémato-encéphalique. La diminution de la quantité de nicotine parvenant au cerveau va atténuer les effets de la nicotine : le plaisir de fumer sera moindre, la cigarette provoquera moins de dépendance....

Cependant, pour que la nicotine ne produise plus d'effets, il faut que la baisse du taux de nicotine parvenant au cerveau soit suffisante. On estime que cette baisse chez l'homme devrait être de l'ordre de 90% pour être efficace. Ce taux n'est certainement pas atteint à ce stade des expérimentations, si on se réfère aux résultats obtenus sur l'animal.

Les laboratoires travaillant sur le sujet, cherchent à obtenir un taux maximal d'anticorps de façon à ce que la nicotine soit fortement empêchée de pénétrer dans le cerveau. Ce taux maximal est indispensable dans la mesure où la nicotine issue du tabac fumé parvient en 9 à 19 secondes au cerveau.

Ceci étant, certains laboratoires n'ont pas observé de plateau dans le taux d'anticorps produits lors des phases II. On peut donc espérer des taux d'anticorps plus élevés, et donc une meilleure limitation du passage de la nicotine au cerveau, en augmentant les dosages de vaccin et en augmentant le nombre d'injections, ainsi qu'en modifiant le mode d'administration (injection pour la première immunisation puis rappels par voie aérienne).

 

 

Remarques sur l'exemple du vaccin anti cocaïne

Comme pour le vaccin anti-nicotine, le vaccin permet la production d'anticorps spécifiques de la cocaïne. La molécule psycho active est liée à une autre molécule, plus précisément à une protéine inactive de bacille de cholera, ce qui permet d'augmenter sa taille et la rendre visible par le système immunitaire. L'injection d'un tel complexe permet donc effectivement la secretion d'anticorps spécifiques à la cocaïne

On peut cependant s'interroger sur leur efficacité dans le population consommant la cocaïne par voie nasale. En effet, ce mode de consommation permet d'éviter en grande partie le barrage de la barrière hémato-encéphalique.

Par ailleurs, il existe de nombreux dérivés de la cocaïne.

Les anticorps produits peuvent ils alors neutraliser efficacement ces molécules psychoactives?

 

  

Les objectifs des vaccins "anti-addiction"

 

Plusieurs objectifs sont visés:

 

- prévenir les rechutes chez les anciens consommateurs

 

- aider au sevrage

 

- limiter la quantité de nicotine, cocaïne ou d'autres substances psycho actives, parvenant au cerveau du foetus.

 

- prévenir l'installation des dépendances: ce sujet est en fait peu d'actualité en Europe (où le terme anti-addiction parait exagéré) mais le reste aux Etats Unis. Cet objectif pose des problèmes éthiques: peut on vacciner une personne pour éviter qu'elle ne se drogue?

 

Des études ont montré, pour le tabagisme passif,  que le taux de nicotine mesuré dans le sang pouvait être tout à fait comparable à celui d'un fumeur. Ce taux dépend cependant du temps d'exposition et de la concentration en nicotine de l'air (étude spécifique, Chizimuzo Okoli et son équipe, Lexington, États-Unis, citée par le site de l'inpes)

On pourrait ainsi imaginer un vaccin permettant de lutter contre la dépendance provoquée par un tabagisme passif pour des personnes obligées de travailler en présence de fumeurs.

 

 

Reflexions sur les vaccins anti-addictions

 

Les limites de la vaccination, à ce jour.

Certains laboratoires, dont Nabi Pharmaceuticals, constatent une trop grande variabilité de la réponse immunologique selon les individus ayant reçu des doses de vaccins équivalentes (le point sur les essais cliniques). Certaines de leurs études portent actuellement sur l'immunisation passive, en quelque sorte une sérothérapie. L'injection d'anticorps dirigés contre la nicotine, aux doses voulues, permettrait une meilleure réduction du passage de la nicotine au cerveau.

 

Peut on parler de vaccin dans le sens généralement entendu?

 Les vaccins anti addiction ne protègent pas encore contre une utilisation future d'une substance psycho-active. Ils empêchent la molécule d'avoir un quelconque effet sur un court laps de temps. Le taux d'anticorps pourrait rester significatif durant 1 année d'après les recherches en cours. L'utilisation pour une immunisation préventive contre les drogues nécessiterait donc des rappels fréquents.

 

Intérêt du vaccin dans le cadre du sevrage.

Ces vaccins sont développés afin de compléter l'arsenal thérapeutique du sevrage.

Cette recherche présente un grand intérêt. En effet, il existe des traitements permettant de se sevrer à la nicotine. Ceux ci ne suffisent pas toujours et de nombreux fumeurs restent en echec lorsqu'ils tentent d'arrêter de fumer. 

Au contraire, il n'existait jusqu'alors aucun traitement aidant au sevrage à la cocaïne. Le développement d'un vaccin "anti-coke" ou vaccin anti-cocaïne est donc un enjeu important en terme d'aide au sevrage des sujets cocaïnomanes. Ce serait le premier vrai traitement aidant au sevrage de cette drogue.

 

Les problèmes éthiques liés au développement de ces vaccins.

 Le principal problème posé par le développement de ces vaccins consiste dans le risque de vacciner préventivement, et peut être sans leur accord, des adolescents. En effet, si les premiers essais ne montraient pas un grand maitien dans le temps du taux d'anticorps, l'augmentation des dosages semblerait montrer que ces anticorps peuvent se maintenir assez longtemps pour autoriser une vaccination préventive. Cela n'est pas le but principal visé par les recherches en cours. Cependant, pourra-t-on empêcher les parents inquiets de solliciter leur médecin pour protéger leurs enfants?

Si le vaccin est utilisé pour un arrêt de consommation, un risque éthique peut se poser si un individu, assisté dans son sevrage par un tel vaccin, est tenté de se tourner vers d'autres drogues, celle contre laquelle il cherche à se séparer étant devenue inefficace. On pourrait également envisager la prise de doses abusives pour obtenir de maigres effets de la drogue. Quels risques seraient encourus par le consommateur?

 

Les problèmes biologiques posés par les vaccins.

La synthèse d'anticorps dirigés contre un substance psycho-active peut poser certaines questions. Une substance est psycho-active parce qu'elle possède des similitudes de structure avec des molécules biologiques.

Comment être sûr que les anticorps ne vont pas se lier avec la molécule biologique et neutraliser ainsi son action?

Si cette question n'est pas soulevé dans les documents se rapportant aux vaccins anti nicotine et anti cocaïne, elle l'est dans le cadre des recherches sur les vaccins anti-opiacées (sachant que les opiacées jouent un rôle de neurotransmetteur) ainsi que celui du vaccin anti-hypertension (dirigé contre l'angiotensine II).

 

 

Bibliographie

(1) Travaux sur les haptènes porteurs:

Hapten-carrier conjugates for use in drug abuse therapy and methods for preparation of same


 Elaboration d'un vaccin anti-nicotine: développement et synthèse de conjugués immunogèniques de dérivés de la nicotine

 

(2) Abstracts sur les essais cliniques des vaccins anti nicotine:

Cytos biotechnology

    Essais de phase I

http://www3.interscience.wiley.com/cgi-bin/abstract/110546352/ABSTRACT?CRETRY=1&SRETRY=0

    Essais de phase II

 

Nabi pharmaceuticals

    Essais précliniques

    Essais de phase I

    Une traduction d'un résumé anglais aujourd'hui introuvable

    Essais de phase II

 

 Celtic Pharma / Xenova

 Premier essai de phase I

 Deuxième essai de phase I

 

 (3) Abstracts sur les essais cliniques des vaccins contre d'autres drogues

Cocaine

 

 (4) Sites des laboratoires pharmaceutiques

Cytos biotechnology

Celtic Pharma

Nabi pharmaceuticals

 

( 5) L'immunisation passive contre la nicotine:

Passive immunization against nicotine attenuates nicotine discrimination
David H. Malina, , , Candice L. Alvaradoa, Katherine S. Woodhousea, Hilary Karpa, Evelyn Urdialesa, Diana Laya, Phillipa Applebya, William D. Moona, Sofiane Ennifarb, Lisa Bashamb and Ali Fattom