Le phénotype xerodermique
Xeroderma 
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Mise à jour : 23/10/2001

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Rédigé par J-Y. Dupont, IA-IPR, Orléans-Tours

Ce point scientifique est fortement inspiré de :

  • A. Stary, A. Sarasin :  Xeroderma pigmentosum.  La presse médicale n° 40, 20 décembre 1997).
  • S. Doumer Queille : Rôle des ultraviolets dans la carcinogénèse cutanée. Thèse de l'université Paris XI, Avril 2001.

Rayonnement solaire et rayons Ultra-Violets
 
Aux extrémités du spectre de la lumière visible, le rayonnement solaire comporte des infra-rouges et des ultra-violets. Le spectre UV est divisé en plusieurs régions : les UV de haute énergie (UVC) qui sont filtrés par la couche d'ozone, les UVB (qui représentent 0,3% du rayonnement parvenant à la surface de la Terre) et les UVA (0,1%).Toutefois, dans certaines régions du globe, la fragilisation de la "couche" d'ozone tend à élargir vers les UVC le spectre solaire parvenant à la surface de la terre .
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La peau
 
Elle est constituée de l'épiderme et du derme.
L'épiderme peut être subdivisé en quatre couches.
Des kératinocytes indifférenciés prolifèrent au niveau de la lame basale et migrent vers les couches supérieures en subissant des modifications morphologiques et biochimiques. La différenciation terminale est la transformation en cellules cornées, mortes, en fome d'écailles qui constituent la barrière protectrice.
D'autres types cellulaires sont présents dans l'épiderme : des mélanocytes, dans la couche basale, produisant les mélanines (protection contre les UV) et des cellules de Langerhans intervenant dans la réponse immune.
Le derme est constitué de fibroblastes. Il renferme aussi des adipocytes impliqués dans la régulation de la température.
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Peau et UV

Les UVC (haute énergie) pénètrent faiblement dans la peau. Les UVB (5% des UV) pénètrent plus profondément et atteignent la couche basale de l'épiderme. Les UVA (9,5% des UV) pénètrent jusqu'au derme.
L'agression de la peau par les UV peut induire des tumeurs cutanées :

  • les mélanomes malins qui sont des tumeurs malignes très agressives et métastasiques provenant des mélanocytes. Bien que n'étant pas particulièrement localisés sur les zones corporelles exposées au soleil, l'exposition semble impliquée dans l'induction de ces mélanomes.
  • les carcinomes cutanés qui peuvent avoir pour origine les cellules de la couche spineuse (carcinome spinocellulaire ou SCC) ou celles de la couche basale (carcinome basocellulaire ou BCC). L'âge moyen de la survenue est entre 50 et 60 ans. Les études épidémiologiques et expérimentales montrent que les carcinomes cutanés sont liés à l'exposition solaire : ils sont principalement localisés dans les zones photo-exposées ; il y a corrélation entre leur incidence et les faibles latitudes, la clarté de la peau,  la déficience de la réparation des photolésions chez certains sujets ( cas du xeroderma pigmentosum).
L'induction des carcinomes cutanés est liée à des photolésions du gène p53 induites par les UVB. Des mutations du gène ptch (gène suppresseur de tumeur) sont également associés au développement de certains carcinomes cutanés.
 

ADN et UV
Les UV peuvent causer des dommages sur l'ADN, les ARN et sur les protéines. Les effets majeurs sont cependant les modifications produites directement par l'absorption des photons (émis par les UVC et les UVB) par les bases de l'ADN.
 
L'énergie absorbée induit le plus souvent la formation d'une liaison covalente entre deux pyrimidines adjacentes sur un même brin formant un dimère de pyrimidine (DP).
On peut avoir 2 liaisons covalentes entre les C5 et les C6 de deux pyrimidines adjacentes. Cette dimérisation peut concerner les quatre types de séquences bipyrimidiques (TT,TC,CT,CC).
Une liaison peut également s'établir entre les C6 et le C4 de deux pyrimidines adjacentes plus fréquemment sur des sites TC (quelquefois CC et TT).

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Les dimères de pyrimidines ont pour conséquence une distorsion de la double hélice avec des répercussions sur la transcription, la réplication, la fixation des protéines qui se lient à l'ADN. Ces déformations sont de fortes courbures de l'ADN (7 à 44°).

Les mutations photo-induites

Certaines lésions de l'ADN peuvent bloquer la réplication. Toutefois certaines polymérases peuvent contourner la lésion. Dans ce cas , les mutations ponctuelles sont dues à l"incorporation d'une base incorrecte en face d'une lésion non réparée. La majorité des mutations sont des substitutions de bases : transition GC/AT, mutation en tandem CC vers TT.

Les cellules irradiées en phase G1 du cycle cellulaire ont le temps de réparer leur ADN si les lésions concernent le brin transcrit. Les mutations sont, dans ce cas, dues à la réplication des lésions situées sur le brin non transcrit. 

Une irradiation en phase S ne laisse pas le temps d'une réparation de l'ADN avant la réplication. Les mutations résultent alors de la réplication des lésions situées sur le brin transcrit.
 

La réparation de l'ADN

Plusieurs processus permettent de détecter et réparer les lésions induites sur l'ADN.

1 - La photo-réactivation
Elle est induite par la lumière et est catalysée par des ADN photolyases : l'enzyme provoque la cassure des liaisons C5-C6, C6-C6 ou C4-C6.

2 - La réparation par excision de bases (BER)
Elle consiste en un retrait des bases modifiées lorsque celles-ci n'entraînent pas de distorsion de la double hélice. Les bases modifiées sont purement et simplement enlevées par des glycosylases et des endonucléases.

3 - La réparation par excision de nucléotides (NER)
Elle est impliquée dans le retrait de lésions volumineuses qui provoquent une distorsion de la double hélice. Il existe deux voies de réparation : 

  • la réparation couplée à la transcription qui concerne la réparation rapide des lésions situées sur le brin transcrit et affectant des gènes en cours de transcription.
  • la réparation globale du génome qui concerne la réparation lente de l'ADN pour des gènes qui ne sont pas en cours de transcription.
Il y a une hiérarchisation selon trois niveaux : d'abord la réparation préférentielle et rapide sur du brin transcrit, puis la réparation du brin non transcrit, enfin la répartion lente des régions non actives.
 
La NER, chez les Mammifères, se déroule en 4 étapes :
1 - Recherche et reconnaissance de la lésion
2 - Ouverture de la double hélice au niveau de la lésion
3 - Incision de part et d'autre de la lésion puis excision pour éliminer le fragment d'ADN portant la lésion
4 - Resynthèse puis ligation.

Chez l'Homme, une trentaine de protéines sont impliquées. Seules certaines d'entre elles seront envisagées ici.

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  • La recherche et la reconnaissance de la lésion
La protéine xpC, associée à une autre protéine assurerait ce rôle de recherche et de reconnaissance. Elle intervient dans la fixation de la protéine xpA sur l'ADN endommagé. XpAest une protéine de 273 acides aminés à 4 doigts de zinc impliqués dans la liaison sur l'ADN. Elle participe au recrutement des autres protéines de la NER. Elle est codée par le gène xpA situé sur le chromosome 9. Le gène xpC est localisé sur le chromosome 3.
  • L'ouverture de la double hélice
L'ouverture de la double hélice, sur environ 25 paires de bases,  requiert l'intervention des hélicases xpD et xpB qui préparent les étapes d'incision qui suivent. La protéine xpD (ou ERCC2) comporte 760 acides aminés. Elle est codée par un gène situé sur le chromosome 19. La protéine xpB (ou ERCC3), comportant 782 acides aminés, est codée par un gène du chromosome 2.
  • L'incision de part et d'autre de la lésion et l' excision
Elle est catalysée par deux endonucléases xpG (ou ERCC5) et xpF (ou ERCC4) qui coupent respectivement en 3' et 5' de la lésion, incisant ainsi un fragment de 27 à 29 nucléotides. Elles clivent spécifiquement la molécule d'ADN au niveau où les deux brins se désolidarisent. La protéine xpG incise d'abord en 3' puis xpF en 5'. Les incisions n'interviennent que si la double hélice a été préalablement ouverte. xpG est une protéine de 1186 acides aminés, codée par un gène situé sur le chromosome 13 ; xpf a 916 acides aminés codés par un gène du chromosome 16.
  • La resynthèse puis ligation
Plusieurs protéines sont impliquées. Elles interviennent notamment dans le recutement des ADN polymérases qui "comblent la brèche". Les extrémités sont ensuite jointes par l'intermédiaire d'une ligase.

Dans le cas d'une réparation couplée à la transcription, c'est le blocage de l'ARN-polymérase au niveau de la lésion qui permettrait de recruter des protéines de couplage transcription-réparation (CS-A et CS-B) et déclencherait ainsi les mécanismes de réparation. Dans le génome inactif, c'est la protéine xpC associée à d'autres protéines qui assurerait ce rôle de recherche des lésions.



Le xeroderma pigmentosum (=XP)

C'est une affection génétique rare transmise sur le mode autosomal récessif avec une fréquence d'environ 1/106 en Europe et aux Etats Unis, de 1/10 au Japon et en Egypte. Dans ces derniers cas, 30% des parents de sujets atteints de XP sont consanguins et 21% cousins au premier degré.

Principales caractéristiques cliniques
 
  • Anomalies de la pigmentation de la peau : dans la forme commune du XP, les premiers signes apparaissent dès 1 à 2 ans. C'est d'abord une hypersensibilité aux rayons UV du soleil (érythèmes intenses), puis des altérations de la peau exposée (sécheresse cutanée, taches hyperpigmentées, kératoses).
  • Apparition de tumeurs : elles sont cutanées ou ophtalmologiques et apparaissent dès l'âge de 8 ans. La fréquence des cancers cutanés est multipliée par 4800 chez les sujets de moins de 20 ans par rapport à un groupe témoin.
  • Anomalies ophtalmologiques : ce sont des inflammations de la conjonctive et de la cornée qui se manifestent dès l'âge de 4 ans avec quelquefois des mélanomes sur les paupières.
  • Anomalies neurologiques : 20% des malades XP ont une perte progresive de neurones du cortex cérébral entrainant des troubles neurologiques sévères. Ceci s'expliquerait par un déficit de l'activité de la catalase (enzyme de détoxification cellulaire) des cellules nerveuses.
  • Evolution : l'espérance de vie des patients XP est réduite de 30 ans en moyenne par rapport à une population témoin.
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Les caractéristiques cellulaires
 
Les cellules cultivées in vitro provenant de malades XP ont, après irradiation aux UVC, une fréquence de mutations beaucoup plus importante que les cellules normales soumises aux mêmes agents. La présence de lésions non réparées provoque, lors de la réplication de l'ADN endommagé, l'insertion de bases anormales en face des lésions et induisent ainsi des mutations dans le génome des cellules filles.

La fréquence particulièrement importante de cancers cutanés dans les zones exposées au soleil est corrélée avec le taux élevé de mutations détectées sur plusieurs loci. 

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Le spectre de mutation particulièrement caractéristique de l'action des UVC (transition C vers T, double mutation CC vers TT) est retrouvé sur les oncogènes ras activés et sur le gène suppresseur p53 dans les cellules tumorales des patienst XP.

Les caractéristiques génétiques et biochimiques

Dans les cellules XP, une des premières étapes de la réparation par excision-resynthèse (NER) est déficiente. La plupart des gènes de réparation impliqués  ont été identifiés : les méthodes ont reposé le plus souvent sur l'introduction dans des cellules sensibles aux UV de fragments d'ADN restaurant chez ces cellules un comportement normal. Le clonage et séquençage de ces gènes ont permis de connaitre la séquence en acides aminés des protéines impliquées et ainsi de déduire la fonction de ces enzymes.
Au moins huit gènes seraient impliqués dans le syndrome XP.
 

Le diagnostic anté-natal
 
L'UDS (Unscheduled DNA Synthesis) est la méthode biologique la plus fréquemment utilisée. 
Des cellules préalablement irradiées aux UV sont mises en présence de thymidine tritiée. Une cellule normale incorporera d'autant plus de ce précurseur radioactif pour réparer son ADN que la dose d'UV reçue aura été plus importante. Une cellule XP, incapable de réparer correctement les dommages, n'incorporera que peu de précursseur marqué. 
La mesure est effectuée par autoradiographie en comptant le nombre de grains d'argent par noyau.


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Cette méthode est appliquée sur des cellules foetales cultivées in vitro provenant de biopsie de trophoblaste ou de liquide amniotique. L'efficacité de réparation de l'ADN est comparé à celle de cellules issues de biopsie de peau des parents normaux.

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Traitement
 
La prévention en mettant l'individu à l'abri de la lumière reste la meilleure solution thérapeutique.
On pratique l'ablation chirurgicale de tumeurs et l'utilisation de composés rétinoïdes pour empêcher la progression tumorale. On utilise également l'autogreffe d'une partie de la peau  non exposée au soleil.
L'identification des gènes impliqués a conduit à établir des protocoles de thérapie génique cellulaire : la culture in vitro de kératinocytes de patients atteints de XP permet de réaliser la "reversion phénotypique" de ces cellules par transfert des gènes déficients de réparation de l'ADN à l'aide de vecteurs retroviraux.

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Institut national de recherche pédagogique