Des gamètes prêts pour la fécondation

Rédigé par Françoise Jauzein, INPR Lyon, novembre 2004



I Des spermatozoides aptes à féconder

A. Les spermatides testiculaires

Ces cellules n'ont pas subi la phase de spermiogénèse au cours de laquelle l'empreinte parentale mâle est fixée.

Elles sont aptes à féconder un ovocyte mûr par fécondation assistée mais les embryons qui en sont issus se développent beaucoup moins longtemps que des embryons provenant de fécondation ICSI par spermatozoide.

B. L'acquisition de la fécondance

La fécondance du spermatozoide est complète lorsque ce dernier a acquis à la fois une mobilité fléchante (trajectoire rectiligne), et une capacité à se fixer à la zone pellucide.
 
 

Acquisition du pouvoir fécondant des spermatozoides au cours de leur progression dans l'épididyme.


Région de l'épididyme
rat, lapin, porc et bélier
hamster
Tête 
<1%
0%
Corps médian
5 à 10%
3%
Corps distal
25 à 30%
15%
Queue proximale
>50%
90%
Queue distale
>75%
90%
Sperme éjaculé
75 à 90%
100%
Représentation de l'épididyme et de ses relations avec le testicule
La tête de l'épididyme (en haut) est assez volumineuse, le corps de l'épididyme longe le testicule et la queue de l'épididyme est la zone où les spermatozoides son stockés.
D'après http://spermiologie.u-strasbg.fr
C'est seulement à partir du début de la queue de l'épididyme que les spermatozoides de la plupart des mammifères possèdent la double aptitude, mobilité et fixation à la zone pellucide.

Chez les mammifères, la durée de passage des spermatozoides dans l'épididyme est variable selon les espèces, elle est d'environ une dizaine de jours, chez l'homme. Le temps de séjour le plus long correspond au temps de résidence dans la queue de l'épididyme. Cette partie sert en effet de réservoir de spermatozoides entre deux éjaculations, et les spermatozoides peuvent y survivre plus de trois semaines.

Mobilité

Dans la tête de l'épididyme, le flagelle du spermatozoide est animé d'un mouvement purement vibratile. Même placé dans un milieu contenant de la caféine (élévation d ela teneur en AMPc), aucun déplacement linéaire n'est observé. Il faut ajouter des protéines dites "de mobilité", extraite de la tête de l'épididyme, pour induire une mobilité plus ou moins linéaire.

C'est à partir du corps de l'épididyme que les spermatozoides deviennent aptes à un déplacement linéaire, mais cette potentialité ne peut s'exprimer, à cause des caractéristiques du milieu épididymaire environnant.
En effet; le liquide épididymaire a une composition très particulière, son volume est fortement diminué suite à une intense réabsorption d'eau, sa pression osmotique est forte (400 mOsmol), ce qui permet l'immoblisation et la survie des spermatozoides. De plus, la forte différence de température de l'épididyme par rapport au corps (-7°C chez le rat) participe à la réduction de mobilité des spermatozoides.

Aptitude à se fixer à la zone pellucide

Des sécrétions épididymaires interviennent dans la différenciation post-testiculaire des spermatozoides.
Au cours du trajet dans l'épididyme, un certain nombre de protéines sécrétées par l'épithélium épidydymaire, sous dépendance de la testostérone, se fixent sur des régions précises de la tête et du flagelle du spermatozoide.

Cette aptitude, acquise au cours du passage dans l'épididyme, met en oeuvre des structures d'adhésion entre les glycoprotéines de la zone pellucide et des recepteurs spermatiques qui peuvent être des enzymes, ou de simples protéines. Elle est indépendante de l'acquisition de la mobilité.

La capacité à se fixer sur la zone pellucide dépend de protéines qui apparaissent au niveau de l'acrosome.
Certaines protéines indispensables à la fixation du speratozoide sur la zone pellucide existent déjà sur le spermatozoide, à la fin de la spermiogénèse. C'est le cas de la galactosyltransférase, qui reconnaît spécifiquement, chez la souris, l'extremité N-acétyl-glucosamine de la protéine ZP3 (zone pellucide), et assure la fixation. Cependant, comme les spermatozoides n'acquierent la possibilité de se fixer sur la zone pellucide qu'au cours du transit épididymaire, les sécrétions de cette structure interviennent donc dans sa maturation. Par exemple la déglycosylation de la protéine Spam-1 (souris) est nécessaire à sa fixation à la zone pellucide.

Aptitude à reconnaître l'ovocyte

Chez la plupart des mammifères, la reconnaissance ovocytaire apparait dans le corps distal et devient maximale dans la région caudale.Elle est dûe à la mise en place de récepteurs à la membrane plasmique de l'ovocyte, sur la région post-acrosomique du spermatozoide.
La protéine P34H (humaine), homologue (61% d'homologie) de la protéine P26h du hamster, est impliquée dans la fixation du spermaozoide à la membrane de l'ovocyte II. Cette protéine P34H fait actuellement l'objet de recherche en vue de la production d'un "vaccin contraceptif réversible" (un serum anti-P34H, a réitérer tous les mois par exemple).

Ainsi, à la fin de sa maturation, la membrane du spermatozoide est-elle organisée en cinq domaines principaux, caractérisés chacun, par un ou plusieurs types de protéines (on note une modification de la répartition de certaines protéines au cours de la maturation, par migration au sein de la membrane), et assurant une fonction spécifque:

C. La capacitation

C'est une transformation indispensable du spermatozoide, dans les voies génitales femelles. Cette capacitation ayant pu être obtenu in vitro, la FIV a, depuis plusieurs décennies, pu être pratiquée chez de nombreux mammifères.

Les sécrétions de l'épididyme protègent les spermatozoides durant leur transit dans les voies géniatles mâle. Une protection complémentaire leur est fournie par sécrétions des glandes annexes (vésicules séminales, prostate). Pour que la capacitation puisse se produire, il faut d'abord que ces sécrétions soient éliminées.
In vivo, c'est au cours du passage du col qu'elles le sont. In vitro (FIV), c'est par centrifugation douce ou migration ascendante spontanée des spermatozoides dans un dilueur que ce phénomène est obtenu.

La capacitation, elle-même, a lieu, in vivo, uniquement dans l'utérus et dans les trompes. Elle ne dépend pas de l'espèce. Elle est placée sous le contrôle des stéroides ovariens (elle ne peut avoir lieu pendant la phase lutéale). Elle met en jeu plusieurs mécanismes dont l'enlèvement de protéines liées à la membrane du spermatozoide, l'enlèvement du cholestérol libre et le remaniement de chaînes oligosaccharidiques de protéines intramembranaires du spermatozoide, par différentes sécrétions des voies génitales femelles, comme l'albumine (accepteur de cholestérol) ou des enzymes.

In vitro, la capacitation s'obtient notamment en présence d'albumine, et pour des concentrations élevées de spermatozoides (les enzymes acrosomiques libérées par les spermatozoides morts contribueraient à modifier les chaînes oligosaccharidiques des protéines membranaires des spermatozoides intacts)

Ces changements membranaires rendent apparents les récepteurs spermatiques assurant la fixation à la protéine ZP3, augmentent la perméabilité de la membrane du spermatozoide aux ions Ca++ (ces deux premiers changements rendent possible la réaction acrosomique) et provoquent un changement de la mobilité du spermatozoide qui devient "hyperactif " et perd sa progression linéaire au profit d'une nage circulaire.

D. Le contrôle de qualité des spermatozoides

Au cours de la spermatogénèse la spermatogonie subit une méiose qui l'amène à un stade haploide.
Un contrôle de cette étape a été mis en évidence en 1998 chez la souris (T Odorisio et al, Nature Genetics, 18, 257, 1998). Dans une lignée de souris chez laquelle les mâles ne possèdent dans leurs cellules somatiques, qu'un seul chromosome sexuel (suite à une fusion du X avec le Y), on observe un blocage de la méiose. Les cellules sexuelles dont la division est stoppée sont éliminées par apoptose. Ce programme d'autodestruction semble ici initié par un autre mécanisme que celui mis en jeu dans l'apoptose de cellules somatiques, et impliquant la protéine p53.
 
 

II Des ovocytes mûrs

L'ovogénèse se réalise en plusieurs étapes, entrecoupées de longues périodes de pause.Cette évolution a lieu à l'intérieur du follicule, dont l'ovocyte dépend entièrement, mais qui est est également, lui-même, dépendant de la présence de la cellule germinale.
 
Vue partielle d'un ovocyte au début de sa croissance, dans un follicule primordial.
On peut observer trois jonctions adhérentes (pointes de flèche) entre la membrane de l'ovocyte I et une cellule folliculaire aplatie. Cette cellule est entourée par une couche de collagène (étoiles) et séparée d'elle par une membrane basale (flèches), future séparation entre granulosa et thèques.
Microscopie électronique (x7500)

L'ovocyte reste bloqué en fin de prophase méiotique pendant toute la croissance folliculaire.
Il acquiert d'abord la compétence à reprendre sa méiose, il subit alors la maturation nucléaire, puis la maturation cytoplasmique lui permet d'acquérir sa compétence à assurer fécondation et développement.

A. La maturation nucléaire

La maturation nucléaire est, de loin, la mieux connue des deux types de maturation de l'ovocyte, jusqu'ici bloqué au stade de la prophase I (avant dernier stade: stade diplotène).
Evolution de l'ovocyte, au cours de sa maturation nucléaire.

 

Le premier signe visible de la reprise du processus de méiose est le plissement de l'enveloppe de la vésicule germinale. Ensuite les pores de cette enveloppe disparaissent et elle se rompt. La rupture de la vésicule germinative (GVBD: germinal vesicle breakdown) dure quelques heures.

La condensation des chromosomes a lieu parallèlement à ce phénomène membranaire, elle implique l'arrêt de la transcription.
Les microtubules s'organisent en fuseau et la plaque métaphasique (Métaphase I) se forme, cela prend une douzaine d'heure chez la souris. L'anaphase (qui voit la séparation de deux lots haploides de chromosomes à deux chromatides) et la télophase suivent rapidement. Il en résulte l'expulsion du premier globule polaire.
Du point de vue du cycle cellulaire, la reprise de la méiose correspond à un passage du stade G2 au stade M. La phase S a eu lieu à la fin des divisions des ovogonies, avant la différenciation des vogonies en ovocytes I, dans l'ovaire foetal.

Comme toute entrée en division, cette étape est contrôlée par le MPF (M-phase promoting factor). Cette molécule est un complexe de 2 protéines (P34cdc2 et cycline B) dont l'activité dépend de l'état de phosphorylation (le pré-MPF est à l'état phosphorylé, il doit être déphosphorylé pour devenir le MPF actif). Les mécanismes d'activation de cette molécule varient avec l'espèce de mammifère considérée, ceci explique les différences de latence entre le début des modifications de l'enveloppe nucléaire et la GVBD.

Le MPF activé présente notamment une grande affinité pour l'histone H1 et certaines protéines associées aux microfilaments. Il est ainsi considéré comme directement responsable de la condensation des chromosomes et des remodelages du cytosquelette. Etant responsable de la phosphorylation de l'ARN-polymérase II et de facteurs d'élongation, il est également considéré comme l'inducteur des néosynthèses protéiques observées lors de la reprise de méiose.

Après cette première division, le niveau de MPF actif baisse, mais pas suffisamment pour permettre la décondensation des chromosomes. Grâce aux néosynthèses (notamment de cycline B), l'activité du MPF reprend et les chromosomes s'arrangent de nouveau en plaque métaphasique (Métaphase II).
L'ovocyte II sera alors bloqué à ce stade à cause d'un facteur cytostatique (CSF: cytostatic factor), dont la nature n'est pas encore élucidée. Il se pourrait qu'une protéine du cytoplasme ovocytaire, produit du proto-oncogène cmos, en soit un des composants. Il est en effet indispensable à l'activation du MPF.

D'autre part on sait depuis longtemps que l'ovocyte, une fois sorti de son contexte folliculaire, reprend spontanément sa méiose. Il existe donc une substance inhibitrice de cette reprise (OMI: oocyte meiotic inhibitor), d'origine folliculaire.
Il se pourrait que ce soit l'AMPc, second messager des hormones gonadotrophines, dont le taux plasmatique est élevé en période pré-ovulatoire. En effet, chez les rongeurs, des molécules augmentant le niveau d'AMPc sont capables de prolonger le blocage méiotique in vitro.
Lors du processus d'ovulation, une rupture des jonctions perméables entre l'ovocyte et les pieds des cellules folliculaires et une expansion du cumulus se produisent (séparation des cellules du cumulus par rupture des jonctions perméables les unissant). Ceci entraîne la rupture de la transmission du signal OMI (l'AMPc?) vers l'ovocyte, et la reprise de sa méiose, avec expulsion du 1er GP. En effet l'AMPc contenu dans le liquide folliculaire lui-même ne peut bloquer la métaphase II, son action est véhiculée par les jonctions perméables des cellules de la corona avec l'ovocyte.
 
Vue partielle de l'ovocyte entourée de sa zone pellucide et connecté à trois cellules folliculaires. L'enveloppe nucléaire est encore intacte mais commence à se plisser (flèches noires).
Microscopie photonique (x1800)
Vue de la zone de contact entre la membrane de l'ovocyte (O) et les cellules de la corona (C). On note une jonction perméable (pointe de flèche) et plusieurs jonctions adhérentes (flèches).
Microscopie électronique (x37 000)

 
 
 

B. La maturation cytoplasmique

L'importance du cytoplasme ovocytaire dans la programmation du développement de l'embryon est bien mise en évidence dans le cas du clonage somatique, où le cytoplasme ovocytaire est capable de "commander" au noyau étranger , différencié, de repartir dans un cycle de développement embryonnaire.
Cette potentialité est le fruit d'une longue préparation de l'ovoyte, qui s'est déroulée au sein du follicule, tout au long de sa croissance et de sa maturation finale.

On désigne par
- acquisition de la compétence méiotique, l'ensemble des phénomènes cytoplasmiques précédant la reprise de méiose,
et par
- maturation cytoplasmique, ceux qui accompagnent le déroulement de la méiose, à la suite du signal ovulatoire de LH, et donnent à l'ovocyte sa compétence à assurer fécondation et développement..

La prépartion à la maturation commence par une croissance spectaculaire de l'ovocyte qui passe d'un diamètre de 20 à 30 micromètres à un diamètre de 120 micromètres environ (multipliant ainsi son volume par 300). Cette croissance s'opère principalement du stade de follicule primaire au stade de follicule pré-antral (80% de la croissance est réalisée à ce stade). Elle est dépendante des cellules folliculaires qui sont en relation étroite (jonctions perméables) avec la membrane cytoplasmique de l'ovocyte.
 
Croissance du follicule et de l'ovocyte.
La croissance du follicule (ligne pointillée, échelle à gauche), et celle de l'ovocyte (ligne continue, échelle à droite) évoluent parallèlement. La croissance ovocytaire est nulle durant le stade de follicule primordial, forte pendant le stade follicule primaire puis plus faible pendant le stade de follicule secondaire. A la fin du stade de follicule secondaire, le pic ovulatoire entraîne la reprise de méiose (GVBD).
Dès le début du stade follicule secondaire, l'ovocyte I présente une compétence à la méiose (CM), celle-ci est, in vivo, inhibée par le follicule environnant. Après le pic ovulatoire, l'ovocyte II a acquis la compétence à la fécondation et au développement, il a opéré sa maturation cytoplasmique (MCy).

Une différenciation du cytoplasme a lieu parallèlement.
Les mitochondries rondes s'accumulent d'abord dans le cytoplasme, au voisinage du reticulum endoplasmique rugueux, puis migrent dans le cortex ovocytaire durant la phase finale de maturation.
L'appareil de Golgi passe également par une phase d'activité intense, participant à la formation de la zone pellucide et des granules corticaux.Ces granules sont de petites vésicules (200 à 600 nm) qui se positionnent contre la membrane plasmique dans la phase finale de maturation de l'ovocyte. Ils joueront un rôle capital lors de la fécondation, en empêchant la polyspermie.
 
Vue parielle du cortex ovocytaire en contact avec quelques prolongements de cellules folliculaires.
Les granules corticaux migrent, dans les ovocytes de follicules préovulatoires, sous la membrane de l'ovocyte. De petits ponts (flèches) se forment entre la membrane de ces vésicules et la face interne de la membrane cytoplasmique de l'ovocyte. Ces éléments du cytosquelette seront impliqués dans les processus d'exocytose.
Microscopie électronique (x1800)

Par ailleurs, durant sa croissance, l'ovocyte accumule de grandes quantités d'ARN, augmentant d'environ 300 fois son contenu en ARN total. Les transcriptions, d'abord très intenses, diminuent fortement lorsque l'ovocyte a atteint 80% de sa taille définitive. Les 2/3 sont des ARN ribosomiaux, reflet de l'intense activité nucléolaire. Les ARN messagers représentent environ 10% des ARN totaux et ont une stabilité particulièrement élevée.
De même, la capacité de synthèse protéique de l'ovocyte est d'abord élevée, puis diminue au cours de sa croissance. Les trois types de protéines de la zone pellucide (ZP1, ZP2 et ZP3) représentent, à elles seules, 10% des synthèses protéiques totales de l'ovocyte.

L'ensemble des connaissances relatives à la maturation de l'ovocyte a permis de mettre au points des protocoles de maturation in vitro de l'ovocyte, porteurs de nombreux espoirs dans le domaine de la procréation médicalement assistée.




Bibligraphie:

Sauf indication contraire, les illustrations sont tirées de l'ouvrage: "La reproduction chez les mammifères et chez l'homme", C.Thibault, Ellipses INRA , avec l'aimable autorisation du regretté Pr Charles Thibault, pour les iconographies de la première édition de 1991.

P Mermillod et R Marchal, La maturation de l'ovocyte de mammifères, médecine/sciences 1999, 15, 148-156,