Un voyage ... de Dunkerque à Barcelone: L'aventure de Delambre et Méchain

par clea last modified 2010 Apr 15 14:06


"Par la volonté de Louis XVI, qui s'est rangé à l'avis de Lavoisier, l'unité de longueur sera la dix millionième partie du quart du méridien terrestre".

La mesure de l'arc de méridien Dunkerque-Barcelone, nécessaire à la fixation du mètre étalon, se déroule en pleine Terreur .. Un exploit digne d'admiration...

C'est seulement au cours de l'été 1792 que Jean-Baptiste Delambre et Pierre Méchain sont en possession de leur ordre de mission, le premier devant mesurer l'arc Dunkerque-Rodez. Il n'est évidemment pas question de déplacer des règles entre ces deux villes : outre que le travail aurait été fastidieux, la géographie ne l'aurait pas permis.
La méthode consiste à mesurer une base d'environ onze kilomètres entre Melun et Lieusaint. Delambre dispose à cette fin de quatre règles de platine, ces règles " numérotées " étant portées par des pièces de bois peintes de couleurs différentes avec des trépieds que des vis permettent de caler.
La base est alors l'origine d'une opération de triangulation. Ainsi, à partir des extrémités de cette base, Delambre vise Malvoisine. De la mesure des angles, il déduit la distance Lieusaint-Malvoisine et celle-ci constitue la base d'un nouveau triangle dont le sommet sera Montlhéry.

Des triangles formeront ainsi une chaîne ininterrompue le long de la méridienne...

 

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Mais leur création n'est pas un travail simple. Pour choisir les sommets, les scientifiques doivent se livrer à des explorations : ils se mettent en quête de clochers (ou de tours) caractéristiques élevés. Dans les villages, on voit arriver des hommes qui inspectent les bâtiments, se font des signes à grande distance, utilisant de curieux instruments. En un mot, ils inquiètent la population. Pour faciliter leurs visées, ils déploient des draps blancs sur les sites qu'ils ont choisis. Cela leur vaut de passer pour des agents royalistes : ne sont -ils pas porteurs d'un ordre que Louis XVI a signé le 24 juin 1792, quatre jours après avoir été contraint à se couvrir du bonnet phrygien, parce que sa signature était encore nécessaire à cette époque pour transformer les décrets en lois ?

A maintes reprises, les scientifiques sont arrêtés, considérés comme de dangereux comploteurs. Tel est le cas non loin de Lagny, où Delambre a repéré le château de Belle-Assise dont la géométrie en pyramide tronquée lui est apparue idéale pour servir de support à un signal. Mais la garde mobile confisque les instruments et oblige l'équipe à marcher à travers champs, six heures durant sous une pluie battante, pour être consignée dans une auberge sous la garde de deux fusiliers tandis. qu'un rapport est transmis à Meaux. La réponse ne tarde pas à arriver : Delambre a été investi d'une mission à laquelle l'Assemblée législative attache une priorité absolue,: ainsi le savant est-il relâché, libre de poursuivre son entreprise.

Le méridien étant mesuré seulement entre Dunkerque et Barcelone (ou plus précisément Montjuich, à proximité de Barcelone), une extrapolation sera concevable si l'on connaît très exactement la latitude de ces villes, afin de savoir quelle fraction du méridien cet arc représente. Or une latitude est révélée par la hauteur du Soleil au moment du midi local : on :mesure l'angle que fait la direction du Soleil avec la verticale locale, appréciée avec le fil à plomb.

Méchain a ainsi procédé, en plusieurs sites, au-delà des Pyrénées. Il trouve des résultats incohérents et conclut qu'il a commis une erreur. Pour ajouter à ses malheurs, les Espagnols - en guerre contre la France - lui confisquent son matériel et son argent. Méchain, dont la santé a été minée par sa détention et qui s'est cassé un bras, mourra de chagrin à Castella de la Plana, après être retourné en Espagne pour trouver la cause de son erreur, persuadé d'avoir échoué dans son entreprise. Aujourd'hui, nous avons la clé de l'énigme. A l'époque, on voyait dans les directions de la verticale données par des fils à plomb en des points différents, autant de droites qui convergeaient au centre du globe. Tel eût été le cas si la Terre avait été une sphère idéale. Or, les Pyrénées faussent la situation : leur masse écarte légèrement le fil à plomb. Non seulement Méchain n'avait commis aucune erreur, mais il avait découvert le phénomène de déviation de la verticale !

Les utilisateurs n'ont pas attendu l'ensemble des résultats de Delambre et Méchain pour créer un étalon. Le 6 juillet 1795, un mètre provisoire en laiton a été remis au comité d'instruction publique. Il mesure 0,512 907 toise. Il a été construit par Lenoir sur la base des mesures effectuées par La Caille, mesures qui assignaient 5 129 070 toises à la distance séparant le pôle de l'équateur. C'est le 9 juillet 1799 qu'un mètre peut être présenté au Conseil des Cinq-Cents, créé à partir du travail de Delambre et Méchain. Sa longueur est de 0,513 074 toises car, du calcul de la méridienne, il ressort que 5 130 740 toises doivent séparer le pôle de l'équateur.

L'épilogue se situe à l'age des satellites.

Cadastrant aujourd'hui la Terre avec une précision métrique, ils nous révèlent la valeur " réelle " de la distance pôle - équateur 5 129 568 toises. D'où ce résultat stupéfiant : la détermination de La Caille était meilleure que celle de Delambre et Méchain . Cela pour la raison que nous indiquions ci-dessus, à savoir une mauvaise détermination de la verticale près de Barcelone. Car, en dépit des conditions dans lesquelles les scientifiques avaient dû travailler, les triangulations ont été d'une qualité frisant l'incroyable. Une vérification de l'exactitude des mesures fut faite en additionnant les angles de 90 triangles : leur somme devait donner 90 fois 180". Or tel fut le résultat trouvé, à cinq secondes d'arc près...

 

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