Mission Santo
 
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Discours des élèves pour la Francophonie

A l'occasion de la célébration de la Francohonie, les élèves des établissements francophones de Santo se sont rassemblés pour présenter ce texte riche d'enseignement pour les élèves de France.

Le 20 mars 2006, plus de 300 écoliers et collégiens se sont retrouvés pour célébrer la francophonie. Là encore les enseignants ont fait un travail formidable pour faire découvrir la francophonie et l’œuvre de Senghor aux enfants. Et les élèves nous offrent à tous un très beau texte sur la place de la francophonie au Vanuatu, un texte plein de maturité, de profondeur et d’espoir !

Message du représentant des élèves, à l’occasion de la journée de la francophonie

Mesdames et Messieurs, les Principaux et Directeurs des écoles de Luganville et de SANMA,
Mesdames et Messieurs les Professeurs, et enseignants des collèges et écoles de Luganville et SANMA,
Mesdames et Messieurs, les hautes personnalités, de Luganville et de SANMA,
Les élèves des différentes écoles, aujourd’hui présente au Parc de l’Unité,
La jeunesse Francophone,
Les écrivains, les poètes, les amoureux de la langue française,
Chers concitoyens, et concitoyennes,


Chaque année, le 20 mars, le monde francophone, dans un même élan de fraternité, comme une même personne, aux quatre coins de la planète, célèbre la journée commémorative de la naissance de l’organisation internationale de la Francophonie.
La Francophonie est, pour reprendre les paroles que Léopold Sédar Senghor citait dans son allocution, le 19 septembre 1985, au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie : « l’usage de la langue française comme instrument de symbiose, par delà nos propres langues nationales ou régionales, pour le renforcement de notre coopération culturelle et technique, malgré nos différentes civilisations ». En un mot la francophonie désigne l’ensemble du monde francophone, c’est-à-dire les différents pays et régions où le français est langue maternelle ou seconde.
Nous avons toujours cru à tord, nous croyons toujours à tord, que célébrer la journée de la francophonie, est un signe de notre allégeance, à la République Française. Mais le 20 mars, n’est pas le 14 juillet. A ceux qui ont des préjugés sur ces idées, je voudrais prendre cet honneur pour les rectifier, le corriger, leur dire qu’ils se trompent d’interprétation. Le 14 juillet c’est la fête nationale Française. Car, c’est le 14 juillet 1789, que le dernier souverain français Louis XVI, fut arrêté et mis à mort. Le 14 juillet marque donc la fin de la royauté en France. Tous les Français de France et du monde célèbrent cette journée.
Mais nous, Ni- Vanuatu nous ne sommes pas Français, nous ne sommes plus Français depuis le 30 juillet 1980. Nous, nous sommes détachés de la tutelle franco-anglaise depuis cette date. Cependant, nous sommes francophones. Car nous communiquons en Français, nous apprenons en Français. Le Français aujourd’hui est une langue, que nous pouvons revendiquer, comme une langue nationale, au même titre que l’Anglais et le Bichelamar, et comme un héritage commun au même titre que le petit Canadien, le petit Suisse, ou le petit Sénégalais. La langue française, la francophonie n’est pas seulement une affaire de la France, mais du monde francophone. Et la journée du 20 mars, est pour nous une date historique. Car le 20 mars 1970, à Niamey, au Niger, en Afrique sous l’impulsion de trois chefs d’État des pays africains, Léopold S. Senghor, Hamani Diori et Habib Bourguiba, à été mis en place les fondements de cette organisation sous la dénomination, d’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), elle regroupait alors 21 États et gouvernements. Alors unique organisation intergouvernementale de la Francophonie, l’Agence est née d’un idéal : réunir autour d’un projet commun l’ensemble des pays ayant le Français en partage.
Notez ici, chers concitoyens et concitoyennes, que la France n’était pas présente ce jour là, et qu’elle rejoindra le groupe plus tard. Le 20 mars doit donc, avoir une signification particulière, pour nous, peuples du Vanuatu. Notre participation à la journée commémorative de la Francophonie montre notre appartenance aux valeurs universelles véhiculées par cet ensemble, notre foi aux valeurs de « cet humanisme intégral qui se tisse autour de la Terre, cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire » selon les paroles de Senghor.
Cette journée doit aussi être particulière, pour les francophones du Vanuatu, spécialement.
Notre pays s’est doté d’une constitution, qui prône le bilinguisme. Peut être, a-t-on trouvé que le bilinguisme est la voie incontournable, pour le progrès social et économique de notre nation. L’adoption du bilinguisme reflète aussi les valeurs de la Francophonie, qui défend « la diversité culturelle ». Notre diversité du à l’adoption des deux langues officielles en plus de nos langues vernaculaires, sont pour nous synonymes de richesses, et selon Senghor « Nos différences sont sources de richesses pour converger vers l’universel ».
Mais quel serait le bilinguisme au Vanuatu, sans la Francophonie ? Je répondrai ici que le bilinguisme ne saurait exister sans la Francophonie. Sans la langue française, il n’y a aurait pas de bilinguisme au Vanuatu. Et cet article de la constitution n’aurait de raison d’exister.
L’expérience l’a montré, la vie quotidienne le montre, encore : les vrais bilingues au Vanuatu, sont nous les francophones. De nombreuses hautes personnalités de notre pays sont des francophones. Nous apprenons mieux « l’autre langue », nous sommes plus ouverts, nous somme plus à l’écoute de l’autre, nous sommes moins égocentriques, que si et seulement si, nous sommes francophones.
Aussi, pour montrer notre reconnaissance, l’amour que nous éprouvons pour la langue française, nous nous joignons, nous les Ni Vanuatu, qui « sommes la figure de proue de la pirogue francophone de l’Océanie », aux autres peuples et nations francophones du monde, dans cet élan de fraternité pour chanter, et monter notre allégresse, pour avoir hérité de « ce trésor trouvé dans les décombres coloniales ».
Oui, vraiment la langue française, est un trésor, un outil de travail précieux, à l’aube de ce troisième millénaire, car c’est l’une des deux seules langues parlées dans tout les continents, la langue étrangère la plus apprise derrière l’anglais, et la neuvième langue la plus utilisé dans le monde. C’est une langue qui nous est chère et dont nous tenons à cœur, comme une bougie au creux de la main avec sa flamme vacillante certes, mais brillante d’une lumière de fraternité, d’amour et d’universalité, « une langue qui traduit mieux les rythmes de la poésie », selon Senghor, et par combien de qualificatifs pourrait-on comme lui, encore, le désigner : une langue dont les mots rayonnent de milles feux, comme un diamant, un halo de sève et de sang, des fusées qui éclairent la nuit », « une langue dont l’abstraction, la logique, la clarté, le goût, la grâce, le charme sont supérieures à celles de toutes les langues »., « le grec des temps modernes » par excellence.
Face à ces éloges de la langue française, nul ne peut être insensible et l’on ne peut qu’être fasciné, par ces glorifications.
Je voudrais profiter de cette occasion pour lancer un message, un appel solennel, au réveil des francophones. « Soyez fiers d’être francophone, et pour marquer cette fierté, ne tuez pas la langue française ! Ne blessez pas la langue française ! Au contraire, gardez- la jalousement comme un outils, un trésor »
Oui, mes amis francophones, nous blessons la langue française. Quotidiennement. Mais, me direz-vous : Comment peut-on spolier la langue française ?
On peut faire du mal à langue française en ne la parlant pas, en l’utilisant de moins en moins et le traitant de manière raciste. D’autre francophones du Vanuatu disent en effet : « A quoi vaut il la peine, d’apprendre, le Français qui est la langue du colonisateur, alors que nous avons notre Bichelamar ». Sachez cependant que le Bichelamar est aussi, la langue de l’oppression. C’est un créole à base lexicale majoritairement anglais. On l’appelle « Pidjin English » dans le Pacifique. Il faut savoir que les pays où l’on parle créole français, sont francophones. Ceux qui disent qu’il vaut mieux se concentrer sur notre Bichelamar devraient dire : laissons le français de côté et utilisons l’anglais, ou tout simplement, devraient dire, il vaut mieux être anglophone.
Car qu’est ce que le Bichelamar, si ce n’est de l’anglais simplifié ? Ne soyez pas surpris, si de plus en plus, le Vanuatu, et, le Bichelamar ‘s’anglophonisent’. C’est que nous l’aurons voulu ainsi. Alors mes chers concitoyens et concitoyennes, gardons ce trésor, et chérissons là, comme un bien précieux.
Mes chers amis, et concitoyens, ce n’est pas par hasard, si dans mon allocution, j’ai plusieurs fois cité Senghor. Cette année peut en effet, être perçue, comme une année à part pour la Francophonie. En effet, c’est pour saluer sa traversée glorieuse de tout un siècle, et dire sa gratitude, à l’un des pères fondateurs, de la case, « du Nakamal » de la francophonie, ce chantre de la négritude, ce défenseur des valeurs culturelles des peuples opprimés non seulement négro-africaines, mais aussi asiatiques et océaniennes, cet humaniste ; le monde francophone a déclaré l’année 2006, « Année Senghor ». Léopold Sédar Senghor, qui naquit au Sénégal dans le village de Joal, en 1906, mourût en 2001 dans sa propriété, à Vierzon en France, et, comme le citait l’actuel secrétaire générale de la francophonie, en la personne d’Abdou Diouf, « le poète aurait eu cent ans », cette année. Cependant, si le destin en a voulu autrement, son nom est inscrit à jamais, dans l’éternité, car étant le premier africain élu à l’Académie Française, il devint dorénavant immortel.
Aussi dans le cadre de cette journée, et peut être aussi, pour narguer le destin, nous voulons nous joindre aux autres, aux cent soixante quinze millions (175.000.000) de francophones du cercle de la terre, pour rendre hommage, à ce grand homme, qui fut l’instigateur de la francophonie.
Léopold Sédar Senghor nous a quitté, il y a quatre ans. Mais toujours, il vit à travers la Francophonie. Ces cendres continuent de nourrir les racines du banian, qu’il avait planté, il y a 36 ans, avec certains des pères de la communauté francophone. Cet arbre, est devenu, un « Nabanga », comme on dit chez nous, au Vanuatu. Un grand « Nabanga », majestueux, qui plonge ses racines dans le centre de la terre pour y puiser, les matières nourricières, et étend ses branches vers les différents points cardinaux, comme un appel, à « la symbiose culturelle ». Havre de quiétude et de félicité, des oiseaux d’horizons divers, viennent s’y nourrir, s’y reposer, y puiser de l’inspiration.
Nous sommes ces oiseaux. Ce banian, c’est la Francophonie. Nos compatriotes africains l’appellent baobab. Ces deux arbres sont des métaphores matérielles de la Francophonie. Car elles symbolisent tout ce que la Francophonie peut connoter. Et pour marquer notre allégresse, comme les oiseaux qui se disputent les fruits du banian, crions de vive voix : « Vive la Francophonie !!! » « Longue vie à la Francophonie !!! ». « Vive le Vanuatu !!! ».


Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite, bonne fête de la Francophonie.


Le représentant des élèves, Ingrid Tabiaga, élève de 13ème Littéraire au Collège de Luganville,

20 mars 2006.