Mission Santo
 
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L’extraction d’ADN

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Pour poursuivre les analyses moléculaires, l'ADN doit être extrait des tissus qui ont été récoltés sur le terrain, notamment lors de la mission Sanot 2006. Voici un petit résumé de la technique utilisée, avec la description de l'action des agents chimiques utilisés à chaque étape. Même si les techniques diffèrent, les étapes présentées ici sont les mêmes que celles du protocole d'extraction réalisé avec les lycéens.


La mission scientifique Santo 2006 a notamment permis de récolter de nombreux spécimens préservés en alcool pour pouvoir par la suite étudier leur ADN. Comme on l’a vu dans l’article « barcode », l’alcool permet de préserver l’ADN en remplaçant l’eau contenue dans les cellules, ce qui a pour effet d’inhiber les enzymes qui pourraient lyser les macromolécules, dont notamment l'ADN. Mais l’ADN n’est pas pour autant directement accessible et analysable. Les tissus doivent donc subir une série de traitements, dont l’objectif est d’isoler l’ADN contenu dans les cellules, de tous les autres éléments présents dans ces mêmes cellules.


Cette technique, appelée « extraction d’ADN », est couramment utilisée dans de nombreux champs scientifiques amenés à travailler avec l’ADN. En biologie évolutive, la phylogénie et la génétique des populations, les approches moléculaires nécessitent souvent de « lire » les séquences d’ADN afin d’inférer les relations entre et au sein des espèces. Ici, nous nous proposons d’expliquer les différentes étapes d’extraction de l’ADN, en précisant à chaque étape les différentes méthodes existantes. Ces étapes sont d’ailleurs identiques à celle utilisée pour l’extraction d’ADN proposée aux classes de seconde, même si la méthode et les produits utilisés peuvent varier. 


Petit rappel sur l’environnement de l’ADN :

Chez les procaryotes (les bactéries et les archéobactéries), l’ADN est simplement contenu dans la cellule, sans autre compartimentation. Par contre, chez les eucaryotes, dont font partie tous les spécimens récoltés à Santo, l’ADN est contenu par 3 types de compartiments à l’intérieur des cellules : le noyau et les mitochondries chez les animaux et les champignons, mais aussi les chloroplastes chez les plantes et les algues. Ainsi, pour accéder à l’ADN, la membrane cellulaire et une autre membrane (nucléaire, mitochondriale ou chloroplastique selon les cas) doivent être franchies. De plus, chez les organismes pluricellulaires, les cellules sont organisées en tissu qui doit être dissocié pour accéder à l’ADN.


La cellule
Organisation d'une cellule
1 : membrane cellulaire, 2 : noyau, 3 : mitochondries


Au niveau moléculaire, l’ADN est associé de façon plus ou moins directe à toutes sortes de molécules protéiques, glucidiques, et nucléiques. Ces interactions peuvent être particulièrement fortes, comme par exemple avec les histones, des protéines qui permettent à l’ADN de s’enrouler sur lui-même : ainsi, l’ADN est la plupart du temps sous forme compactée (sauf lors d’évènement particulier dans la vie d’une cellule, comme la mitose ou la méiose). D’autres molécules interagissent avec l’ADN, comme d’autres protéines et des acides nucléiques, liées à la régulation de l’expression des gènes, la duplication de l’ADN, sa transcription en ARN,…


Histone
L'ADN s'enroule sur lui-même, puis autour de petites billes protéiques (les histones) pour se retrouver sous forme compactée dans la cellule.


L’objectif de l’extraction  est donc d’isoler la molécule d’ADN, c’est-à-dire la séparer de tout les autres constituants d’un tissu, y compris les molécules fortement liées à l’ADN, et d’en obtenir un échantillon suffisamment pur et en quantité suffisante pour permettre toutes les manipulations de biologie moléculaire liées à la phylogénie et la génétique des populations. Une bonne préservation des tissus est donc indispensable : l’ADN d’un spécimen trop ancien aura pu se dégrader, ce qui rendra difficile son extraction.

 

I. Fragmentation des tissus

Les morceaux de tissus, prélevés directement sur les spécimens récoltés, doivent dans un premier temps être fragmentés, pour dissocier les tissus, les parois cellulaires, les membranes intracellulaires et les protéines qui entourent l’ADN. Une première étape mécanique peut-être nécessaire, comme dans le cas des arthropodes où les tissus sont à l’intérieur d’une « carapace » chitineuse. Cela peut être réalisé à l’aide d’une machine : un mouvement latéral rapide et répété entraîne le déplacement d’une bille de métal placée dans le tube contenant le tissu, ce qui a pour effet de broyer les tissus. Dans une seconde étape, les tissus sont placés dans une solution tampon qui contient notamment un détergent, qui a pour effet de dissocier les membranes (de nature lipidique, elles sont attaquées de la même façon que le liquide vaisselle attaque les graisses), et une enzyme, la protéinase, activée à 56°C. Au cours de cette étape qui peut durer plusieurs heures, l’enzyme va « digérer » les protéines contenues dans la cellule, et notamment celles qui sont liées à l’ADN.

 

Dans les protocoles proposés aux lycéens, la protéinase est absente du protocole. La méduse d’ADN observée à la fin de l’expérience contient donc l’ADN et les protéines qui y sont associées. Ces protéines posent problème, lorsque par exemple l’ADN sera séquencé. Les techniques que nous utilisons permettent donc en plus d’éliminer ces protéines pour permettre l’accès à l’ADN.

 

II. Séparation de l’ADN des autres constituants

L’ADN n’est donc plus maintenant associé aux autres constituants des cellules, mais reste mélangé avec ceux-ci dans le tampon d’extraction. Pour séparer l’ADN, plusieurs méthodes existent :

- différents agents chimiques peuvent permettre de séparer l’ADN des autres constituants, par exemple en obtenant 2 phases par ajout Chloroforme Iso-Amyle (CIA) et centrifugation, une qui contient l’ADN et l’autre les résidus que l’on veut éliminer. L’ADN est ensuite précipité, en ajoutant par exemple du NaCl (Chlorure de Sodium). C’est par ce procédé que l’ADN devient visible sous forme de « méduse ».

- la solution peut-être passée à travers une colonne chargée positivement qui agit comme un filtre en retenant l’ADN (chargée négativement) et en laissant passer les autres constituants.

 

III. Récupération de l’ADN

Encore une fois, selon la méthode employée à l’étape précédente, il existe plusieurs façons de récupérer l’ADN après nettoyage :

- après avoir ajouté les différents produits pour nettoyer l’ADN, le tube qui contient la solution et l’ADN est centrifugé. L’ADN se retrouve alors sous la forme d’un culot, c’est-à-dire un précipité solide collé au fond du tube qui contient le tampon. Il suffit ensuite d’évacuer le tampon sans faire tomber le culot, puis de laisser sécher l’ADN. L’ADN séché est ensuite élué dans un tampon adapté pour éviter sa dégradation

- l’ADN fixé à la colonne est ensuite « décroché » en ajoutant une solution qui inverse les relations d’affinité de la colonne pour l’ADN. Comme pour l’autre méthode, l’ADN est élué dans un tampon adapté

- dans le protocole proposé aux classes de seconde, la solution est simplement filtrée.


Méduse d’ADN
L'ADN sous form de méduse est ici bien visible



Pour plus d’information, et pour pouvoir consulter plusieurs protocoles d’extraction facilement réalisable avec des élèves, voici quelques liens :

http://webpublic.ac-dijon.fr/pedago/svt/dyn/article.php3?id_article=140

http://www.ac-versailles.fr/etabliss/lyc-lecorbusier-poissy/SVT/TP_2eme/ADN.htm

http://www.ac-creteil.fr/svt/labo/ADN/extr_adn.htm

 

 

Les spécimens récoltés lors de la mission Santo 2006 sont actuellement en cours d’analyse (voir blog). Les moyens mis en œuvre lors de cette mission ont permis de préserver correctement les tissus, puisque les premières extractions d’ADN permettent de récolter une quantité et une qualité d’ADN suffisante pour obtenir des séquences de qualité dans la très grande majorité des cas. Les techniques d’amplification et de séquençage de l’ADN, qui font suite à son extraction, seront développées dans un prochain article.

 

Article rédigé par Blogueur 4 et Nicolas Puillandre