
Une troisième personne est morte de la rougeole en 2018 : une jeune fille de 17 ans, qui a succombé à des « complications neurologiques » au CHU de Bordeaux, a annoncé vendredi 6 juillet l’agence Santé publique France.
Depuis novembre, 2 567 cas de rougeole ont été recensés par la direction générale de la santé. Des cas ont été observés dans 84 départements et où aucun département français n’atteint le taux de couverture vaccinal de 95 %, nécessaire à l’endiguement de la maladie.
La rougeole, qui touche habituellement les très jeunes enfants, concerne cette fois aussi des adultes. Le point sur l’épidémie actuelle, ses origines et la réponse des autorités sanitaires.
1. La rougeole, une fièvre très contagieuse
La rougeole a trop souvent l’image d’une maladie bénigne, alors qu’elle peut être très grave dans certains cas. La transmission se fait essentiellement par voie aérienne : éternuements ou persistance du virus dans l’air (le virus reste actif pendant deux heures). Le malade devient contagieux la veille de l’apparition des premiers symptômes (fièvre, fatigue, toux…) et le reste jusqu’à cinq jours après. Une personne malade peut à elle seule contaminer quinze à vingt personnes.
La plupart des morts sont dus aux complications de la maladie, explique l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :
« De sérieuses complications sont plus fréquentes avant l’âge de 5 ans ou chez l’adulte de plus de 30 ans. »
En effet, le virus peut avoir des conséquences neurologiques laissant de lourdes séquelles, comme une encéphalite (inflammation aiguë du cerveau). Il peut aussi causer des infections graves des poumons, et dans certains cas la cécité.
Au moins dix personnes sont mortes de la dernière épidémie de rougeole (2008-2012) : trois sujets vaccinables mais non vaccinés, et sept ayant des contre-indications – bébés trop jeunes, femmes enceintes ou personnes immunodéficitaires. En somme, des victimes dont la protection dépendait, de façon volontaire ou pas, de la vaccination des autres.
Or l’immunité de groupe, qui permet de protéger ces sujets vulnérables, n’est plus garantie quand la population passe sous un certain seuil de vaccination. Résultat, ces personnes ne sont plus protégées.
2. Pourquoi des gens ont arrêté de se faire vacciner
Au niveau national, le taux de la couverture vaccinale rougeole-oreillons-rubéole (ROR) était à peine au-dessus de 80 % en 2016. En fait, aucun département n’atteint 95 % de couverture vaccinale à 2 ans pour les deux doses de vaccin, rendant possible une propagation de l’épidémie à toutes les régions françaises.
Cette couverture vaccinale insuffisante peut notamment s’expliquer par la controverse provoquée par une étude parue en 1998 dans la revue The Lancet par le Britannique Andrew Wakefield, faisant le lien entre le vaccin ROR et l’autisme. Alors même que l’étude en question a été strictement contredite par tous les travaux de recherche ultérieurs, que la revue l’ayant publiée s’est rétractée, qu’elle était gravement entachée de manquements méthodologiques (elle était basée sur l’étude de douze patients seulement) et motivée par un financement de son auteur, l’impact médiatique qu’elle a eu sur l’opinion occidentale a alimenté une méfiance qui perdure.
La confiance dans les vaccins a été si émoussée qu’en 2016, 41 % des Français interrogés estimaient que les vaccins ne sont pas sûrs, un record mondial. Selon des résultats du Baromètre santé, publié en octobre, les Français sont favorables à 75 % à la vaccination. Mais cette proportion dépassait 90 % au début des années 2000.
3. Les autorités sortent l’artillerie lourde
La rougeole est devenue l’une des bêtes noires des autorités sanitaires françaises, qui doivent aussi affronter les campagnes antivaccins. La ministre de la santé Agnès Buzyn avait déjà affirmé, lors d’un point presse le 5 janvier :
« Quand on prend la décision de désinformer l’opinion publique, qu’on fait circuler des fausses informations et que des familles hésitent et ne font pas vacciner des enfants, et que ces familles perdent un enfant de méningite, aujourd’hui elles ne peuvent pas se retourner contre ces distilleurs de mauvaises informations. Et donc les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités. »
Dès que le diagnostic de rougeole est posé, les personnes non immunisées (non vaccinées ou ayant reçu une seule dose) peuvent éviter la maladie en se faisant vacciner dans les 72 heures suivant le contact, rappelle de son côté l’ARS.
Depuis le 1er janvier, quel que soit l’âge, les autorités imposent donc une obligation vaccinale (et les enfants non vaccinés ne seront plus admis dans les crèches et les écoles à partir du 1er juin) :
- une première dose du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole à 12 mois ;
- une seconde dose du vaccin entre 16 mois et 18 mois ;
- pour les enfants, adolescents et adultes nés depuis 1980 et n’ayant pas reçu les deux doses préconisées, un rattrapage peut se faire à n’importe quel âge.
La France n’est pas le seul pays concerné par cette résurgence de la rougeole. Le Centre européen pour le contrôle et la prévention des maladies recommande de vérifier sa couverture vaccinale avant de partir en vacances : plus de 3 000 cas ont été enregistrés en Roumanie (dont 18 morts), 2 000 en Grèce, 1 000 en Italie et autant en Russie, pays d’accueil de la Coupe du monde de football.
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