Les opsines
Opsines 
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Mise à jour : 17/09/2003 


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La famille multigénique des opsines

Jacques Barrère, Lycée Paul Louis Courier, Tours


Les Vertébrés ont deux types de cellules photoréceptrices, appelées bâtonnets ou cônes. Les cônes fonctionnent en pleine lumière et, étant de 3 types, sont à l'origine de la vision des couleurs, tandis que les bâtonnets fonctionnent en faible éclairement (très grande sensibilité) mais étant d'un seul type ils ne peuvent assurer la vision des couleurs. 

Une cellule en bâtonnet humaine peut être excitée par un seul photon. 

Quelle est la base moléculaire de cette photosensibilité ?

Le segment externe d'un bâtonnet est spécialisé dans la photoréception. Il contient un empilement de 1000 disques environ qui sont des sacs aplatis. Ces structures membranaires contiennent des protéines photoréceptrices. La membrane plasmique d'une cellule en bâtonnet contient des canaux spécifiques des cations : ces canaux sont ouverts à l'obscurité. A l'obscurité, les ions sodium pénètrent dans le bâtonnet en suivant le gradient électrochimique. Ce gradient est entretenu par une pompe Na+-K+ ATPasique. La lumière bloque ces canaux ioniques, le flux d'ions Na+ décroît alors provoquant une hyperpolarisation de la membrane. On peut dire que l'hyperpolarisation membranaire du bâtonnet est induite par la lumière. 

Un seul photon absorbé par un bâtonnet ferme des centaines de canaux ioniques et conduit à une hyperpolarisation transmise à d'autres neurones de la rétine. 

Comment la lumière conduit-elle à la fermeture de canaux membranaires ?

On trouve au niveau des disques des bâtonnets une molécule photosensible appelée la rhodopsine, constituée d'une protéine, l'opsine, et d'un groupement prosthétique, le 11-cis-rétinal lié à la lysine 216 de la protéine. Le précurseur du 11-cis-rétinal est le all-trans-rétinol (vitamine A). Un déficit alimentaire en vitamine A conduit à l'héméralopie.

La rhodopsine fait partie d'une famille de récepteurs couplés aux protéines-G (les RCPGs) : Il existe environ 200 types de RCPGs, sans compter les récepteurs olfactifs couplé aux protéines-G, dont le nombre est à lui seul estimé à 400-1000 récepteurs différents. Ces protéines présentent une structure commune à sept hélices alpha transmembranaires; le 11-cis-rétinal est situé dans une poche de la protéine, près du centre de la membrane. 

 
Ce modèle de la rhodopsine montre :
  • le récepteur membranaire comprenant 7 hélices colorées en jaune, 
  • les molécules lipidiques de la double membrane,
  • les molécules d'eau colorées en bleue,
  • le pigment coloré en rouge.
  • la lysine 116 en boules et bâtonnets colorés en pourpre

  • légendes on légendes off
    La rhodopsine est un RCPG un peu particulier, dans le sens où c'est un récepteur associé à son ligand. En effet, une molécule de 11-cis-rétinal est associée de manière covalente à la lysine 216 de l'hélice VII de la rhodopsine, et ce, par l'intermédiaire d'une base de Schiff. C'est l'isomérisation du 11-cis-rétinal en tout-trans-rétinal, induite par un photon, qui entraîne l'activation de la rhodopsine. La chaîne latérale d'un acide glutamique de l'hélice III constitue le contre-ion qui stabilise le 11-cis-rétinal. L'isomérisation en all-trans-rétinal provoque une rupture de cette liaison ionique qui, à son tour, entraîne un changement de conformation de la rhodopsine et une activation du récepteur.

    La vision des couleurs est liée à  l'existence dans la rétine de trois types cellulaires (les cônes) qui sont des photorécepteurs synthétisant trois pigments différents qui présentent des niveaux d'absorption différents suivant la longueur d'onde. Avec un seul des pigments, on ne voit pas les couleurs. 

    Les spectres d'absorption des trois opsines photoréceptrices ont été mesurées en éclairant des cônes avec un faisceau de lumière de 1mm seulement. Les réponses des différentes cellules en cônes montrent l'existence de trois groupes : certaines sont excitées au maximum par des longueurs d'ondes maximum de 437 nm, d'autres sont excitées des longueurs d'ondes maximum de 533 nm, et les dernières par des longueurs d'ondes maximum de 564 nm. La rhodopsine présente une bande d'absorption large dans la région visible du spectre avec un pic à 498 nm. 

    Les protéines photoréceptrices des cellules en cône sont, elles aussi, des récepteurs à sept hélices, les structures spatiales sont conservées; elles contiennent elles aussi le 11-cis-rétinal. Les séquences des aminoacides des protéines photoréceptrices absorbant le vert et des  protéines photoréceptrices absorbant le rouge dans les cellules en cônes chez l'homme sont très semblables. Trois résidus localisés près du rétinal déterminent la différence spectrale entre les récepteurs pour le vert et pour le rouge. Le remplacement d'un résidu polaire par un résidu non polaire (par exemple, la sérine par l'alanine) à chacune de ces positions déplace lmax vers le rouge d'environ 10nm. Trois acides aminés expliquent la majeure partie de la différence de 30 nm entre les maxima d'absorption. 

     
    Protéine photoréceptrice 
    absorbant le rouge
    Protéine photoréceptrice 
    absorbant le vert
    Protéine photoréceptrice 
    absorbant le bleu
    Ces protéines photoréceptrices montrent : 
  • un modèle transmembranaire comprenant 7 hélices,
  • le pigment coloré en rouge.
  • Les gènes des protéines photoréceptrices sont disposés sur les chromosomes X et n°7 

  • Localisation chromosomique des gènes codant pour les opsines humaines : 
    Légende : gène codant pour l'opsine "sensible au rouge" en rouge, "sensible au vert" en vert, "sensible au bleu" en bleu.

  • Les protéines photoréceptrices présentent de nombreuses similitudes : leurs propriétés et leurs structures se ressemblent

  • Les protéines photoréceptrices constituent une famille de protéines largement répandues. Elles sont toutes impliquées dans la conversion de la lumière en mouvement ionique puis en signal nerveux. Chaque molécule photosensible contient sept hélices alpha transmembranaires. De telles similitudes confortent l'idée d'une origine commune. 

    Les séquences nucléotidiques ou les séquences peptidiques des opsines humaines sont très semblables. Les opsines sont donc des protéines homologues ainsi que les gènes qui les codent. Tous ces gènes dérivent d'un même gène ancestral. 
    Les gènes des opsines forment une famille multigénique. 

       
      Séquences peptidiques des opsines humaines
      Alignement réalisé avec CLUSTAL W (1.81) multiple sequence alignment
      Fichier data/ops_pro.aln

      green           MAQQWSLQRLAGRHPQDSYEDSTQSSIFTYTNSNSTRGPFEGPNYHIAPRWVYHLTSVWM
      red             MAQQWSLQRLAGRHPQDSYEDSTQSSIFTYTNSNSTRGPFEGPNYHIAPRWVYHLTSVWM
      blue            ------MRKMS------------EEEFYLFKN-ISSVGPWDGPQYHIAPVWAFYLQAAFM
                            :::::            :..:: :.*  *: **::**:***** *.::* :.:*

      green           IFVVIASVFTNGLVLAATMKFKKLRHPLNWILVNLAVADLAETVIASTISVVNQVYGYFV
      red             IFVVTASVFTNGLVLAATMKFKKLRHPLNWILVNLAVADLAETVIASTISIVNQVSGYFV
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      green           LGHPMCVLEGYTVSLCGITGLWSLAIISWERWMVVCKPFGNVRFDAKLAIVGIAFSWIWA
      red             LGHPMCVLEGYTVSLCGITGLWSLAIISWERWLVVCKPFGNVRFDAKLAIVGIAFSWIWS
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      red             AVWTAPPIFGWSRYWPHGLKTSCGPDVFSGSSYPGVQSYMIVLMVTCCIIPLAIIMLCYL
      blue            IGVSIPPFFGWSRFIPEGLQCSCGPDWYTVGTKYRSESYTWFLFIFCFIVPLSLICFSYT
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      red             QVWLAIRAVAKQQKESESTQKAEKEVTRMVVVMIFAYCVCWGPYTFFACFAAANPGYAFH
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                      *:  *::*** **:** :*****:**:******: ::*.*: **: ** : . * .: :.

      green           PLMAALPAFFAKSATIYNPVIYVFMNRQFRNCILQLFG-KKVDDGSELSSASKTEVSSVS
      red             PLMAALPAYFAKSATIYNPVIYVFMNRQFRNCILQLFG-KKVDDGSELSSASKTEVSSVS
      blue            LRLVTIPSFFSKSACIYNPIIYCFMNKQFQACIMKMVCGKAMTDESDTCSSQKTEVSTVS
                        :.::*::*:*** ****:** ***:**: **:::. .* : * *: .*:.*****:**

      green           S--VSPA
      red             S--VSPA
      blue            STQVGPN
                      *:.*.* 

    Afin d'obtenir l'arbre de filiation des gènes de cette famille des opsines humaines, on construit une matrice des différences (matrice calculée avec le à partir de fichier opsines-HS-adn.aln ou opsines-HS-pro.aln fournis avec le logiciel Phylogène) : 

    On déduit de cette matrice l'arbre d'évolution probable des opsines humaines (construction effectuée avec le logiciel phylogène) :

    Chaque noeud de cet arbre correspond à une duplication génique, suivie d'une évolution indépendante des deux duplicata par fixation de mutations différentes (les mutations apparaissant au hasard). La première duplication est associée à une translocation, elle marque la séparation du gène codant pour l'opsine sensible au bleu du gène qui conduira à l'ensemble vert/rouge. La deuxième duplication est plus récente elle explique l'apparition de deux gènes l'un sensible au vert l'autre sensible au rouge. 
     

  • Les protéines photoréceptrices dans le règne animal :

  • L'arbre phylogénétique de quelques Primates permet de dater la dernière duplication à l'origine des gènes "rouge" et "vert" portés par le chromosome X.  On constate que l'être humain, comme les singes de l'Ancien Monde (Afrique, Asie et Europe) présente les gènes B, R et V. Les singes du Nouveau Monde (Amérique) possèdent le gène B et un seul gène codant pour une opsine sur le chromosome X. On en déduit que la dernière duplication ayant affecté le gène codant pour une opsine sur le chromosome X a eu lieu entre 40 Ma et 23 Ma.