Maladie la plus répandue dans le monde, le paludisme est une affection parasitaire due à un protozoaire, l’hématozoaire de Laveran, transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique du genre Anophèle. Chaque année, plus de 100 millions de personnes seront atteintes et des centaines de milliers mourront.
Le paludisme demeure la première cause " infectieuse " de mortalité :
– l’endémie palustre est souvent accrue
par la " mise en valeur " des régions chaudes ;
– les moustiques vecteurs sont devenus résistants
aux insecticides de contact ;
– les médicaments antipaludiques sont
mis en échec par l’acquisition de résistance chez le parasite.
L’agent pathogène
Trois espèces parasitaires sont pathogènes
pour l’homme :
– Plasmodium vivax (le plus fréquent),
– Plasmodium falciparum (le plus
dangereux),
– Plasmodium malariae (le plus
rare).
Tous subissent un cycle complexe et nécessaire
à leur survie :
– asexué chez l’homme ou schizogonie,
– sexué chez le moustique ou sporogonie
.
Chez l’homme, le parasite est inoculé dans le sang lors de la piqûre du moustique, et très vite il se réfugie et se multiplie dans les cellules de certains systèmes ou organes, le foie essentiellement. Là, deux des trois variétés, P. vivax et P. malariae , constituent des " dépôts parasitaires " prolongés par l’envahissement successif de plusieurs cellules. Une dizaine de jours après la piqûre, les trois espèces plasmodiales passent dans le sang, pénètrent dans les globules rouges (on les nomme alors schizontes) et s’y multiplient jusqu’à l’éclatement du globule hôte. Cette rupture détermine les accès fébriles et libère les parasites qui gagnent d’autres globules rouges. Plusieurs évolutions semblables se succèdent ainsi. Un cycle globulaire dure deux jours pour P. vivax et P. falciparum , et la fièvre est de type " tierce " avec un accès thermique tous les deux jours. Elle est de type " quarte " pour P. malariae dont le cycle globulaire exige un jour de plus, avec un maximum fébrile tous les trois jours seulement.
Certains parasites, issus des globules rouges, deviendront des gamétocytes mâles et femelles, inoffensifs pour l’homme.
La contamination du moustique se produit quand il pique l’homme. Lors de son repas sanguin, l’insecte absorbe les gamétocytes. Parvenus dans l’estomac de l’insecte, les gamétocytes femelles s’arrondissent et deviennent des gamètes femelles ; le gamétocyte mâle se divise et subit l’exflagellation qui donne plusieurs gamètes mâles mobiles. La fécondation de gamètes a lieu dans l’estomac et donne naissance à un zygote mobile qui se loge dans la paroi intestinale de l’insecte. Il donne naissance à des germes filamenteux, les sporozoïtes, qui gagnent les glandes salivaires du moustique, lequel devient infectant.
Le moustique
L’insecte vecteur, un diptère du genre Anophèle, est largement répandu dans le monde entier. Une vingtaine d’espèces sont dangereuses dont A. gambiae , A. funestus (tous deux en Afrique intertropicale), A. minimus (dans les montagnes de la péninsule indochinoise). C’est un insecte piqueur, hématophage ; il affectionne les régions chaudes et humides, aime peu l’altitude, et sa distance de vol ne dépasse pas un à deux kilomètres. Fait important, seule la femelle pique l’homme, et la nuit seulement ; son vol est silencieux et sa piqûre peu douloureuse ; le jour, elle se dissimule dans les endroits retirés et sombres, à l’intérieur des habitations humaines pour les espèces domestiques, à l’extérieur pour les sauvages. Un repas sanguin lui est nécessaire avant de pondre ses œufs isolément sur des surfaces liquides : eaux courantes ou stagnantes, limpides ou saumâtres ; chaque espèce a ses préférences. Leurs œufs donnent naissance à des larves aquatiques, puis à des nymphes et à l’insecte ailé.
Les manifestations cliniques
L’incubation dure en principe une à deux semaines, période nécessaire à la formation des schizontes intraglobulaires. Elle peut être beaucoup plus longue, et les premiers symptômes n’apparaissent alors que plusieurs semaines ou plusieurs mois plus tard.
Les premières manifestations cliniques du paludisme d’invasion sont souvent très banales et réalisent un état infectieux fébrile de type grippal ou typhoïdique. À ce stade, la maladie risque fort d’être méconnue si on n’y pense pas spécialement.
Au bout de plusieurs jours, le malade semble guéri, mais apparaissent alors de grands accès fébriles intermittents caractéristiques. L’accès de paludisme dure quelques heures et se déroule en trois phases très suggestives, avec la séquence " frissons-chaleurs-sueurs " ; d’abord de grands frissons avec froid intense et tremblement généralisé, ensuite un pic thermique à 40-41°C de deux à trois heures avec faciès congestif et peau brûlante, enfin sueurs profuses laissant le malade épuisé. Non traités, les accès se renouvellent, " tierces ou quartes " selon l’espèce parasitaire, encore qu’il ne s’agisse que d’un schéma susceptible de variantes. La rate augmente de volume et une anémie s’installe. Après plusieurs accès, même en l’absence de tout traitement spécifique, la fièvre tombe, mais la guérison n’est qu’apparente et des rechutes menacent à tout instant.
À ce stade de la maladie, deux éventualités sont à distinguer : si le malade reste en terre palustre, l’affection pourra durer fort longtemps, entretenue par des contaminations itératives, avec tous les dangers des complications viscérales du paludisme chronique ; si le sujet quitte la région impaludée, il ne court plus le risque de nouvelles infestations et la maladie s’éteint d’elle-même, en quelques mois pour P. falciparum qui ne possède pas de réserves tissulaires de parasites, en deux ou trois ans pour les autres espèces.
Si P. falciparum présente l’avantage d’une moindre persistance, il est par contre l’agent des formes graves, celui de la " tierce maligne ", par opposition à la " tierce bénigne " de P. vivax . Il est aussi le plus souvent à l’origine des deux accidents sérieux du paludisme : l’accès pernicieux palustre, véritable encéphalopathie comateuse ou délirante gravissime, et la fièvre bilieuse hémoglobinurique qui comporte une destruction massive des globules rouges, une hémolyse aiguë, aboutissant à une obstruction rénale justiciable parfois du rein artificiel.
Le diagnostic au laboratoire est tout entier fondé sur la recherche des hématozoaires dans le sang lors d’un accès fébrile. La morphologie des schizontes à l’intérieur des globules rouges permet de porter le diagnostic de paludisme et d’en déterminer la variété. Une précaution capitale est à observer ici : pratiquer cette recherche avant toute administration de médication antipalustre, qui fait disparaître transitoirement les hématozoaires, et retarde donc le diagnostic et un traitement suffisant.
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