L'équipe "algues" et ses recherches
L'équipe "algues" et ses recherches
Par Claude Payri, professeur à l'IRD (Nouméa) et responsable de l'équipe "algues" et Lucie Bittner, doctorante au Muséum et membre de cette équipe
Une grande partie des photos présentées dans cet article a été prise par Jean Michel Boré. Les autres clichés ont été réalisés par les membres de l'équipe 'algues' avec le matériel photo de l'IRD.
L’équipe « algues » a inauguré au mois d’août 2006 le module Biodiversité marine et la mission Santo. L’équipe se compose de 6 participants :
- Claude Payri, professeur à l’Université du Pacifique, et en détachement à l’IRD de Nouméa, phycologue et écologie des récifs coralliens, chef de mission
- Jean-Louis Menou, chef des opérations hyperbares, plongeur biologiste et photographe, Centre IRD Nouméa,
- Catherine Geoffray, plongeur biologiste centre IRD Nouméa,
- Gregory Lasne, chercheur indépendant rattaché à l’équipe paléotropique de L’IRD de Nouméa
- Lydiane Mattio, thèsarde (UMR7138) Phylogénie du genre Sargassum (Phaeophyceae, algues brunes) du Pacifique Sud,
- Lucie Bittner, débutant une thèse au MNHN (UMR7138) sur les Corallinacées (Rhodophyta, algues rouges encroûtantes) du Pacifique Sud.
L’équipe a quitté l’IRD de Nouméa le 7 août 2006, et a atterri le 8 août au matin à Lugganville.
vol Port Vila - Lugganville
L. Mattio est restée 17 jours, G. Lasne est resté 21 jours, C.Payri, JL.Menou, C.Geoffray et L.Bittner sont restés 4 semaines (28 jours).
Jean-Michel Boré (cameraman au service de la communication à l'IRD de Nouméa) a rejoint l’équipe pendant 20 jours du (15/08 au 2/09) , Napoléon Colombani (IRD de Nouméa, pilote de l’Aldric) pendant deux semaines.
En attendant l’arrivée de l’Aldric, l’équipe a bénéficié des moyens à la mer du VMC (EVOLAN et EMMNAO, sous le commandement des pilotes du VMC). Nous ont activement aidés sur place : Steeve VIRA (pilote de formation) qui a assuré entre autres le lien avec les communautés locales et la surveillance de surface des plongeurs, Faustin (‘homme de main’), Charles TARI (étudiant Vanuatais et volontaire pour participer au module biodiversité marine de la mission Santo) ainsi que les marins du Maritime College.
Steeve pilotant l'Evolan
Charles et Faustin
Charles, étudiant vanuatais, aide au tri et à la mise en herbier / Claude lui explique la démarche de l’équipe
Activités de l’équipe
1°) Le but de la mission :
- inventorier la diversité des algues benthiques et des phanérogames marines du sud de l’île de Santo (zones explorées en particulier : le canal du Second, le canal Bruat, les côtes des îles Aoré, Malo Nord, Tutuba, Abokissa, Palikulo Bay, Tuvana, et Urelapa )
Canal entre Aoré et Malo
Canal du Second, Vue de l'Evolan (Claude et Jean Louis à gauche / Steeve à droite)
- décrire les sites d’étude à l’aide de profil géomorphologique, de descripteurs de l’habitat (nature du substrat, caractères hydrodynamiques, description de la macrofaune d'invertébrés (incluant Spongiaires, Gorgones, Echinodermes) associée aux sites de récolte. Ces données sont essentiellement collectées par Jean-Louis Menou et Cathy Geoffray et iront compléter la base de données LAGPLON gérée par le service plongée de l'IRD.
- comparer la flore marine de Santo à celles des autres régions de l'Indo-Pacifique afin d' établir les affinités biogéographiques et de dégager les traits remarquables de la flore marine de Santo.
2°) Le choix des stations et les récoltes :
Les stations de récoltes sont choisies de manière à couvrir la plus grande diversité possible d'habitats dans la zone d'étude. Les secteurs sont déterminés à partir des supports cartographiques disponibles (cartes marines, topographiques, bathymétriques). Toutefois, l'expérience du terrain demeure essentielle pour guider ce choix, et les compétences des plongeurs biologistes sont capitales dans cet exercice. L'équipe a d'ailleurs bénéficié de l'expérience de Jean-Louis Menou acquise au cours de 3 missions de pharmacologie réalisées dans la zone quelques années plus tôt.
Au cours d’une journée type, 2 à 3 récoltes sont effectuées entre la surface et 60 m de profondeur ; les récoltes ont été réalisées principalement en scaphandre autonome à partir des embarcations appartenant au Maritime College puis de l’Aldric de l’IRD Nouméa. Les récifs frangeants peu profonds ont été prospectés à marée basse, à pied.
Départ de l'Evolan Départ de l’Aldric du ponton du Maritime College
Prospection en scaphandre autonome
Les interventions à pied sont en général faites depuis la route bordant le littoral (platiers à marée basse).
A chaque récolte correspond une station. Au cours de la mission, 45 stations ont été prospectées. Chaque station est géoréférencée (point GPS).
Prospection à pied, sur le platier de ST1015 (Maltinerava island), c’est à dire station numéro 1015, 15ème station du Vanuatu |
Au nord de la station ST1015
Dans chaque station, les spécimens rencontrés sont récoltés et si possible photographiés in situ. Les récoltes sont conservées le temps de la plongée dans des sachets ou dans de petits bocaux en plastiques. Lorsque les espèces sont rencontrées plusieurs fois, seule leur présence est notée.
3°) Le tri des échantillons :
De retour au laboratoire (hangar du Service des Pêches), les algues récoltées sont réparties dans des bassines avec de l’eau de mer ; elles sont triées par taxon.
Le "laboratoire" Tri des échantillons
Algue rouge (Predaea weldii)
4°) La mise en herbier / alguier :
Les espèces sont mises en herbier pour constituer une collection permanente qui sera déposée dans un ou plusieurs Muséum : mettre en herbier (ou en ‘alguier’), c’est étaler - par exemple - à l’aide d’ un pinceau et de pinces une algue sur un papier ad hoc (bristol) en lui conservant un aspect aussi caractéristique que possible (qui constitue ‘une planche d’herbier’).
Chaque feuille qui a reçu un échantillon est soigneusement annotée (numéro d’échantillon, numéro de station), elle est ensuite déposée sur un papier absorbant (feuille de journal) et l’échantillon d’algue est recouvert d’un tissu (pour éviter les adhésions) avant de déposer une nouvelle couche de papier absorbant et ainsi de suite, en prenant soin d’intercaler de temps à autre une feuille de carton pour faciliter la circulation de l’air durant le séchage.
Les feuilles ainsi empilées sont ensuite pressées soit entre des sangles soit sous un poids et exposées à une ventilation (ventilateur) pour accélérer le séchage. Les feuilles de papier absorbant et les morceaux de tissus seront changés chaque jour jusqu’à un séchage complet de la feuille d’herbier.
La mise en herbier
L’air ambiant étant très humide, l’utilisation de ventilateur est quasi indispensable afin d’optimiser le séchage et d’éviter le développement des moisisures sur des échantillons.
Une planche d’herbier correspond à un spécimen ou une colonie de spécimens d’une espèce récoltée à une station donnée. Chaque spécimen est identifié par un numéro de spécimen qui se rattache à un numéro de station géoréférencée, une date de collecte, une profondeur de collecte, un récoltant. Chaque station est décrite à part par l'ensemble des descripteurs visés plus haut, et compléter si possible par le nom usuel de la localité voire d'un lieu-dit.
Pour chaque spécimen mis en herbier on conserve un fragment (si possible fertile) dans une solution formolée à 5% en eau de mer tamponnée, pour des études histologiques différées. Pour certain groupe un fragment est conservé au silicagel pour l’étude en taxonomie moléculaire.
L’ensemble des ces données sont consignées dans un cahier de récolte, qui est organisé par jour et par station de récolte. La liste des spécimens récoltés est complétée par des listes d’espèces observées mais non récoltées.
Lydiane répertorie les échantillons | ||
Le cahier de récolte |
On peut noter également leur abondance. C’est ainsi qu’on estimera le nombre d’espèces dans chaque milieu, et qu’on évaluera la biodiversité du milieu.
1145 planches d’herbier ont été réalisées durant la mission.
La plupart des taxons sont représentés par plusieurs planches d’herbier. Au terme de l’étude les taxons seront répartis en trois collections qui seront déposées, dans les collections phycologiques de l’Université de Pacifique Sud à SUVA, Fidji, au MNHN (collection PC) et la troisième dans les collections du centre IRD de Nouméa (NOU-IRD).
Au cours de cette mission, des algues rouges calcaires à l’aspect pierreux ont été également récoltées : il s’agit d’algues rouges calcaires encroûtantes appartenant aux Corallinales (Corallinacées et Sporolithacées), dont la paroi s’imprègne de calcaire et qui forment une masse totalement calcifiée, pouvant être une croûte compacte à la surface lisse, ou au contraire verruqueuse, voire branchue. Pour les Corallinacées, les spécimens de référence sont des fragments de colonie conservés à sec dans des sachets, après un séchage à l’air libre. Pour chaque spécimen répertorié, une description initiale de la couleur (à l’aide d’un nuancier de couleur) et de la forme de la colonie est effectuée. Puis un morceau de croûte est prélevé et conservé dans du silicagel, pour l'analyse différée de l'ADN (ce fragment est choisi de préférence sans épiphyte et dans les zones de croissance). Un second prélèvement portant des organes reproducteurs et conservé dans du formol 5% eau de mer tamponnée, est destiné à l’étude morphologique. Au cours de cette mission, 380 spécimens d'algues rouges calcaires ont été récoltés, décrits, conservés dans le silicagel et le formol.
Lucie décrit les spécimens dans un cahier Exemple de Corallinacées
Les spécimens en herbiers et les spécimens de référence des Corallinacées ont été photographiés ex situ et avant leur mise en collection, par Gregory Lasne.
5°) Le conditionnement des spécimens récoltés :
Les planches d’herbier séchées sont ensuite regroupées par station et conditionnées par paquet étiquetés et entreposés dans du silicagel jusqu’à leur arrivée au laboratoire à IRD Nouméa.
Les échantillons d'algues rouges calcaires secs sont également conditionnés dans du silicagel et dans des sacs en plastiques soigneusement étiquetés. Un échantillon par sac.
Rappel : au total 1145 spécimens en alguier, et 380 algues rouges calcaires !
Lucie devant la malle contenant les 380 échantillons de Corallinacées conditionnées, séchées, emballées, étiquetées... |
6°) Préparation et entretien du matériel de plongée :
La préparation et l'entretien du matériel de plongée sont essentiels pour le bon déroulement des opérations. La diversité des récoltes ne pourrait se faire sans l’équipe de plongeurs et le matériel de plongée mis à disposition de l'équipe scientifique. Chaque jour au retour des récoltes, le matériel de plongée est rincé et méticuleusement révisé (rinçage des combinaisons, vérification du matériel comme les détendeurs, gonflage des bouteilles, etc... ). Le bateau (l’Aldric) doit aussi être entretenu.
Cathy et Napoléon s'occupent du gonflage des bouteilles, tandis que les combinaisons sèchent. |
Les pilotes des bateaux et les suveillants de surface récupèrent le matériel en fin de plongée |
7) Acquisition d'images :
- acquisition d'images des organismes in situ, par les plongeurs scientifiques :
Chaque fois que les conditions le pemettent, les organismes sont photographiés in situ pour documenter les spécimens récoltés ou pour renseigner sur la richesse de la zone étudiée. L'acquisition des images évite, dans un certain nombre de cas, le prélévement des organismes et constitue néanmoins des données de référence qui seront intégrées à l'étude. Les images légendées iront enrichir la base iconographique 'INDIGO' de l'IRD.
in situ (Jean-Louis Menou en plongée) ex situ (Gregory Lasne immortalise les planches d'herbier)
- acquisition d'images pour la communication :
Les chercheurs communiquent de manière académique en publiant les résultats de leur travaux dans des revues spécialisées. Toutefois, ces informations échappent au grand public et la vulgarisation de leurs travaux est une nécessité. Le Service Information Scientifique et Communication de l'IRD Nouméa participe activement à cette diffusion en confiant à Jean-Michel Boré la réalisation de reportages scientifiques et techniques.
Jean Michel Boré et son matériel
De gauche à droite :
- Charles, étudiant Vanuatais (Université du pacifique Sud), volontaire et bénévole sur la mission Santo2006, aide au module biodiversité marine (aide au tri de la récolte, conditionnement des algues, parfois aide à la récolte sur les platiers, mais aussi aide au transport du matériel, etc.)
- Richie, « homme de main » et aide aux opérations à terre (transport de matériel jusqu’au bateau)
- Napoléon Colombani, capitaine de l’Aldric (bateau de l’IRD de Nouméa), aide aux plongeurs et surveillant de surface, aide à l’entretien du matériel de plongée
- Steeve (au premier plan, assis au sol), pilote de bateau, rattaché au service des Pêches, aide aux plongeurs et surveillant de surface, aide à l’entretien du matériel de plongée et interprète (indispensable sur le terrain pour faciliter le contact avec les communautés locales)
- Patrick, capitaine et conducteur de bateau du Maritime college
- Gregory Lasne
- Lucie Bittner
- Claude Payri
- Catherine Geoffray
- Lydiane Mattio
- Jean-Louis Menou
- Jean-Michel Boré (auteur de la photo)
Pour voir le film réalisé par JM Boré (IRD) sur les travaux de l'équipe "algues", cliquer ici :
http://www.canal.ird.fr/canal.php?url=/sommaires/thema12.htm