La biologie d'une grotte anchialine : la grotte Loren
Rapport préliminaire sur la biologie d'une grotte anchialine : la grotte Loren
Préambule à l'article:
anchialine :
Trait d'une lagune, d'un lac, ou d'un étang côtier et des îlots de récif .
Eaux marines ou saumâtres sans connection superficielle à la mer,
habituellement situé près de la côte aux substrats rerméables et
qui indique des connections subsurf
Article de Geoff Boxshall, Damià Jaume et Franck Brehier
La grotte Loren est située sur la côte est du cap Queiros à 30 metres environs de la cote. L'entrée de la grotte, de 2m de largeur sur 1 m de heuteur, est divisée en deux par un gros bloc. Une pente argileuse mène à une grande salle dont le fond est rempli par une vasque d'eau douce très claire, bleutée. On peut contourner la vasque par la gauche et atteindre ainsi une salle exondée, en hauteur, dont la suite se perd entre les joints des strates. Au pied de la salle, un passage mène à une galerie de 5 à 6 m de profondeur où on retrouve l'eau.
Là débute le siphon 1 (S1). Le S1 a une longueur de 75 mètres environ et une profondeur maximale de 6 mètres. En exondé, deux conduits étroits peuvent se suivre sur 10 m pour l'un, et une vingtaine de mètres pour l'autre. Le S1 est constitué de petites galeries étroites se recoupant à angle droit. Au bout de 60 m, une étroitesse ponctuelle oblige à décapeler ((bien qu'il ait été élargi). Derrière, le conduit s'élargit et rejoint la surface. Derrière encore, une salle de 4 m sur 10 s'est formée à la faveur d'un effondrement. La galerie d'environ 1 mètre de largeur se poursuit sur une hauteur de 12 à 13 mètres dont 4 exondés. Sur le parcours, une autre petite salle. La galerie est longue d'environ 100 mètres après le S1 , elle débouche sur le siphon 2 (S2). Cette galerie est étroite au dessus de la surface et plus évasée en dessous. Les parois sont très corrodées avec peu de prise. Une autre galerie, "sèche" celle-ci, d'environ 150 m se termine d'un côté par un rétrécissement et de l'autre côté par un siphon qui est connecté au S2.
Le siphon 2 est long de 150 m et profond de 10 m. Il emerge par un puits d'air de 5 m.
Le siphon 3 commence juste après. Il a été exploré sur 190 m et jusqu'à une profondeur maximale de 28 m. L'exploration s'est arrétéer là, mais d'autres passages restent à explorer. En tout, plus d'1 km ont été explorés dont plus de 700 m en plongée. La possibilité de nouvelles découvertes reste importante.
La grotte Loren est une grotte anchialine:
La grotte Loren possède toutes les caractéristique d'une vraie grotte anchialine: l'eau en surface est douce. Cette couche d'eau douce de 6 mètres environ à quelques dizines de mètres de la mer est plus profonde à l'intérieur de la cavité. Elle se superpose à un fond d'eau de mer. L'eau a été échantillonnée selon une colonne et la salinité mesurée au moyen d'un testeur (Oaklon SaltTestr). Un premier gradient salin est observé dans les premiers mètres de cette colonne d'eau. Il dépend directement du niveau de la marée. Un second gradient est présent à une profondeur de -26 m, en dessous duquel la salinité est celle de l'eau de mer. Les mêmes gradients de températures sont observés. Il y a donc un effet direct de la marée - dont l'amplitude est d' 1 mètre environ selon nos estimations - sur la salinité de l'eau de la cavité. La circulation d'eau avec l'extérieur semble importante, ce qui rend instable le gradient salin dans la colonne d'eau. Une sortie d'eau, impénétrable, est bien différenciée en bordure. Cependant, il n'y a pas de courant notable dans la grotte. L'eau est très claire lors du passage du plongeur, les sédiments très fins se mettent en suspension et la visibilité est fortement réduite. Ensuite, les particules sédimentent très vite.
Creusées sur de grandes diaclases se recoupant à angle droit, les galeries ont en moyenne de 1 à 2 mètres de largeur et une douzine de mètres de hauteur. Elles sont rectilignes. En règle générale, les galeries sont plus larges à quelques mètres sous la surface, peut-être en raison du pouvoir supérieur de dissolution de l'eau oligohaline. Les parois sont très corrodées, il n'y a aucune trace de concrétion, ni en surface, ni sous l'eau. L'ensemble donne une impression d'un creusement en cours ou récent.
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La biologie de la grotte Loren
La vasque d'eau à l'entrée de la grotte est peu profonde et faiblement éclairée. Elle renferme des copépodes du genre Halicyclopes (de la famille des Cyclopidae) et au moins une espèce de copépode harpaticoïde. De grosse crevettes du genre Macrobrachium sont présentes ainsi qu'une espèce de petits poissons.
A l'intérieur de la grotte, dans le siphon S1, nous avons posé des nasses que nous avons fixées en position -5 à 6è mètres pendant 2 à 4 jours. Nous avons attrapé de nombreux décapodes crustacés: des petits crabes (identifiés provisoirement comme Orcovita sp. et Laubuanium trapezoideum par Peter Ng), des crevettes appartenant aux familles des Palaemonidae (deux espèces différentes) et des Atyidae (3 espèces). Nous avons capturé n crabe de terre (Discoplax longipes) à la main dans un passage à sec plus loin dans la cavité. Le passasge d'un filet à main dans l'eau du premier siphon a également permis de récolter d'autres spécimen de copépodes harpaticoïdes et cyclopoïdes (Halicyclopes).
A l'intérieur de la grotte, dans le siphon S1, nous avons posé des nasses que nous avons fixées en position -5 à 6è mètres pendant 2 à 4 jours. Nous avons attrapé de nombreux décapodes crustacés: des petits crabes (identifiés provisoirement comme Orcovita sp. et Laubuanium trapezoideum par Peter Ng), des crevettes appartenant aux familles des Palaemonidae (deux espèces différentes) et des Atyidae (3 espèces). Nous avons capturé n crabe de terre (Discoplax longipes) à la main dans un passage à sec plus loin dans la cavité. Le passasge d'un filet à main dans l'eau du premier siphon a également permis de récolter d'autres spécimen de copépodes harpaticoïdes et cyclopoïdes (Halicyclopes).
Au-delà du S1, des nasses ont été placées puis retirées par les plongeurs. Des crevettes et des crabes ont pu ainsi être capturés. Plusieurs specimens de Macrobrachium cf microps ont été remontés des couches d'eau les plus profondes c'est à dire les plus salées. Des échantillons ont également été récoltés à l'aide de filet à main jusqu'à une profondeur de 28 mètres, dans les couches les plus profondes au dessous du gradient salin. Ces prélèvements ont ramené deux superbes copépodes - appartenant à la faune anchialine classique restreinte à ce type d'habitat. Nous avons identifié un copépode calanoïde mâle (famille des Epacteriscidae). Ce specimen de 2 mm appartient vraisemblablement à une nouvelle espèce, probablement du genre Enantiosis (à confirmer). Nous avons remonté également un copépode misophrioïde femelle, ce qui représente une découverte importante. En effet, ce petit copépode, moins d'un millimètre, appartient à la famille des Speleophriidae, et représente sans doute une nouvelle espèce du genre Speleophria. Comme la plupart des crustacés des cavités, Speleophria ne possède pas d'yeux mais son système chemosensoriel est très développé, ce qui lui permet de trouver sa nourriture dans l'eau des grottes. Ces deux découvertes sont très intéressantes car elles soulèvent des questions notamment celle de comprendre comment ces copépodes aveugles sont capables de coloniser des réseaux de galeries aussi vastes à l'intérieur des grottes. Au cours de notre exploration de reconnaissance en 2005 et de notre tentative de première exploration des galeries les plus profondes, nous avions vu plusieurs amphipodes nageant dans la colonne d'eau, mais nous n'avions pas réussi à les capturer. Par contre un poisson de la même espèce que ceux vu dans la vasque de l'entrée, mais partiellement dépigmenté, a été relevé.
Une petite vasque est formée tout près de l'entrée de la grotte. Elle est alimentée par une source très active (S = 14°58,823' ; E = 167°03,536'). A marée haute, le flux d'eau provenant de la source se réduit et elle devient légèrement saumâtre (3,2 ppt). Cette vasque serait donc probablement connectée au système aquatique de la grotte Loren. Le passage d'un filet à main dans l'eau a permis de récolter un grand nombre de petits amphipodes de la famille des Sebidae. Ces specimens formeraient une nouvelle espèce du genre Seborgia; ils ressembelent beaucoup à d'autres Seborgia trouvés dans la grotte Lifou aux îles de la Loyauté (Geoff Boxshall et Damia Jaume). Nous avons trouvé de nombreux crustacés tanaides peuplent cette vasque. ils Ces crustacés vivent au milieu de l' épaisse couche noire faite d'un mélange algues/bactéries qui recouvre la surface des pierres immergés. Habituellement Les tanaides vivent dans les eaux marines, cette découverte est donc en soi tout à fait intéressante.