Un glossaire sur l'endémisme
GLOSSAIRE
Age and Area (théorie) : hypothèse explicative de la rareté d'une espèce. Selon cette théorie, une espèce naît sur une aire restreinte, elle s’étend au cours de son existence à partir de son aire d’origine et sa répartition actuelle dépend du temps dont elle a disposé pour s’étendre : entre deux espèces proches, la plus vieille sera celle qui se sera étendue le plus loin. Cette théorie s’applique bien aux espèces invasives, qui ont eu, au début de leur histoire, une aire géographique restreinte (et ont même pu à l’époque être cataloguées comme rares), puis se sont étendues par la suite au fil du temps.
endémisme : se dit d’espèces ou sous-espèces animales et végétales (ou de leurs populations) dont l'aire de répartition est limitée à une zone particulière. L'endémisme peut être décrit dans toute la série de l'échelle géographique : un organisme peut être endémique d'une montagne ou d'un lac unique, d'une chaîne de montagnes ou d'un bassin hydrographique, d'une île, d'un pays ou même d'un continent. Le terme est souvent utilisé au niveau de l'espèce, mais il peut également s'appliquer aux sous-espèces, aux genres, aux familles et aux autres groupes taxonomiques. En général, plus longtemps une région est restée isolée des autres régions similaires et plus sa proportion d'espèces endémiques sera élevée. Des îles très anciennes telles que Madagascar et la Nouvelle-Zélande ont un taux d'endémisme très élevé.
endémisme local et endémisme strict : on parle d'endémisme local (“confined to a special area”) pour des espèces que l’on ne retrouve que sur un type d’habitat très spécifique (par exemple les sommets montagneux, les prairies calcaires…) et jamais ailleurs : il s’agit du « narrow endemism » des biogéographes ; on parle d'endémisme strict (“confined to a small area”) pour des espèces endémiques que l’on ne trouve qu’en un seul endroit, d’aire très restreinte (par exemple une île perdue au milieu du Pacifique) et nulle part ailleurs. L’endémisme strict résulte principalement d’une restriction du spectre écologique (forte adaptation locale) d’une espèce en réponse à une intense compétition. Dans la pratique, les deux acceptions principales de l'endémisme ("confined to a special area” et “confined to a small area") sont bien souvent confondues.
endémisme relictuel (théorie) : théorie complétant la théorie "Age and Area". Selon la théorie de l'endémisme relictuel, la rareté d'une espèce peut s'expliquer par le fait que cette espèce est vieille et a vu son habitat se restreindre. On parle alors de paléoendémisme.
espèces endémiques et espèces rares : le terme "endémique" fait référence à l’habitat de l’espèce, qui présente au moins une des deux spécificités suivantes : habitat très localisé, (un seul endroit du globe) et /ou habitat caractérisé par des conditions environnementales particulières, spécifiques d’un type de milieu. Le terme "rare" qualifie en général des espèces qui vérifient au moins une des deux caractéristiques suivantes : de faibles effectifs et/ou une aire de dis tribution relativement restreinte. Une espèce endémique n’est pas nécessairement considérée comme rare : il suffit que son milieu de prédilection soit largement représenté sur Terre, ou de grande taille. Par exemple une plante spécialiste (donc endémique) des substrats sableux n’est pas « rare » à proprement parler, vu la quantité de tels milieux sur Terre. De même, une espèce qui serait endémique d’Australie ne serait pas forcément rare, vu la surface de ce pays. De plus, une espèce endémique peut présenter des effectifs élevés, si elle a eu la possibilité de bien se multiplier dans son habitat. A l’inverse, une espèce rare n’est pas nécessairement endémique, même si c’est le plus souvent le cas. On peut prendre l’exemple du loup : il se trouve à plusieurs endroits sur le globe, et ne vit pas sur un milieu hyperspécifique. Cependant, les actions de l’homme à son encontre l’on fait devenir rare dans certaines régions.
espèce invasive : espèce introduite de manière volontaire (horticulture, aquariophilie, élevage…) ou accidentelle (navires, avions, camions, rejets non contrôlés…) dans un écosystème, et susceptible de s'y multiplier jusqu'à nuire aux espèces autochtones.
Hot Spots (points chaud) : régions à fort taux d'endémisme (par exemple Madagascar pour les Lémuriens).
indice d'endémisme : rapport du nombre total de taxons (genres, espèces et sous-espèces) du peuplement insulaire par le nombre des taxons endémiques. Cet indice donne une idée de l'importance de l'endémisme végétal et animal, c'est-à-dire de l'isolement biologique, qui caractérise une île donnée.
maintien de l'endémisme (facteurs permettant le) : dans le cas d'une espèce endémique stricte vivant dans un habitat de type discret, les processus à l’origine de l’espèce (sélection d’individus possédant des allèles de résistance aux conditions contraignantes du milieu) ont restreint le pool génique de l’espèce (effet de fondation), ce qui fait que l’espèce a un pool génique trop faible et qu’elle ne peut casser la forte adaptation locale qu’elle a développée pour son habitat, ce qui l’empêche d’aller coloniser d’autres milieux avec des contraintes différentes (auxquelles elle a toutes les chances d’être mal-adaptée). Dans le cas d'une espèce endémique locale d’un habitat isolé, l’espèce a suffisamment de variabilité génétique pour « sortir » de la niche, s’adapter à des conditions environnementales différentes, mais d’autres facteurs empêchent la colonisation de nouveaux milieux : ils peuvent être extrinsèques (ex : trop grande distance géographique séparant les habitats favorables) ou intrinsèques (ex : faible pouvoir de dispersion des graines ). Ce peut être le cas d’une endémique insulaire où la dispersion a été contre-sélectionnée du fait de l’isolement géographique de l’habitat dans lequel elle se trouve.
néoendémisme (également appelé endémisme progressif ou endémisme par novation) : forme d'endémisme représenté par des espèces récentes, tout juste différenciées de l’espèce parente, et qui sont susceptibles d’étendre leur aire et leur pool génique. Dans ce cas, les sous-espèces ou les espèces naissantes (spéciation) ne diffèrent des formes ancestrales que par quelques caractères mineurs. On trouve des formes endémiques dans des genres en pleine évolution, phénomène favorisé par une barrièr e géographique ou biologique. Citons le cas de l'écureuil des îles Britanniques, récemment isolé, qui se distingue de ceux du continent par une fourrure plus claire. Les espèces néoendémiques vérifient la théorie Age and Area, puisqu’elles pourront potentiellement étendre leur aire au cours de leur histoire.
paléoendémisme : forme d'endémisme représenté par de vieilles espèces relictuelles, qui auraient été largement répandues auparavant. Le paléoendémisme serait le résultat d’une constriction progressive de l'habitat au cours du temps et/ou d'une concurrence d'espèces à pouvoir adaptatif et compétitif plus puissant. Les espèces concernées sont souvent en voie de disparition. Elles ont des caractères généralement primitifs et occupent des milieux isolés, protégés naturellement où la lutte pour survivre n'est pas trop ardue. Un des milieux naturels les plus favorables au paléoendémisme est constitué par les chaînes de montagnes isolées, telles que les monts intérieurs de la Chine, où se réfugie actuellement le ginkgo, qui couvrait tous les continents au Tertiaire, ou telles que la chaîne côtière californienne, où se trouve actuellement le séquoia, qui a jadis vécu en Europe. Citons également le cas des îles d'origine continentale, isolées depuis longtemps : l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les îles Hawaii, Madagascar, les îles Canaries, propices au développement de l'endémisme relique.
rareté (mesure de la) : la rareté fait intervenir deux grandes composantes : la fréquence et la densité. La fréquence est à relier à l’aire de répartition géographique de l’espèce, la densité se situe à l’échelle des populations locales de l’espèce en question. La fréquence est quantifiée de la manière suivante : « si les points d’échantillonnage sont répartis aléatoirement dans l’espace, et si l’on enregistre le nombre de points dans lesquels une espèce a été vue, alors la fréquence est le pourcentage de points d’échantillonnage où une espèce donnée a été vue » La densité est quantifiée par le nombre d’individus par unité de surface, dans une population. La combinaison de ces deux paramètres donne donc différents patterns de rareté, tels qu’une espèce à aire de répartition très restreinte mais localement abondante (faible fréquence, haute densité), ou encore une espèce à large aire de répartition, mais clairsemée partout (haute fréquence, faible densité).
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