Mise à jour : 13/12/2002
Glossaire
Téléchargements
|
Les innovations génétiques à l'origine de
la résistance des moustiques aux insecticides OP et aux carbamates
Les innovations génétiques
à l'origine d'une production accrue d'estérases
a ) Génome des moustiques sensibles
On connaît deux gènes, dont les loci sont situés sur
le même chromosome et espacés de 2 à 6 kb, qui codent
pour des estérases : Est 3 (codant pour l'estérase A) et Est2
(codant pour l'estérase B). Il existe un polymorphisme important pour
chacun de ces gènes. Ce polymorphisme est neutre, c'est à dire
sans conséquences sur l'activité enzymatique.
- Les estérases A et B hydrolysent toutes les deux des liaisons
ester, mais avec une spécificité relative à la position
des liaisons (dans le test au papier filtre présenté dans
ce dossier, le substrat chromogène est double : alpha naphtylacetate
et beta naphtylacetate, et est donc hydrolysé spécifiquement
par l'estérase A pour le premier et par l'estérase B pour
le deuxième) Dans un souci de simplification, ces gènes ont été
désignés par les lettres A et B dans la banque de données
fournies, et les allèles de chacun de ces gènes sont désignés
par des numéros (A1, A2, ... B2, B4, ....).
b) Génome des moustiques résistants
- Les moustiques dont la résistance est
due à une production accrue d'estérases ont un génome
caractérisé par une amplification des gènes Est3
(ou gène A) et Est2 (ou gène B) : chacun de ces gènes
est présent en de nombreux exemplaires. L'innovation génétique
consiste donc en duplications géniques. Tous les gènes
résultant de ces duplications sont identiques et s'expriment, ce
qui explique la production accrue d'estérases. On désigne par
"ester" le "supergène" résultant de l'amplification (ester
B pour le résultat de l'amplification du gène B, ester A-B
pour le résultat de l'amplification de l'ensemble des deux gènes
A et B).
Selon l'allèle du gène qui est amplifié,
on distingue plusieurs "supergènes ester" : ester B1 (plusieurs copies
de l'allèle B1), ester A2-B2 (plusieurs copies de l'ensemble des
deux allèles A2-B2), ....
- L'existence de plusieurs "supergènes ester" différents
(ester B1, ester B4, ester A2-B2, ester A4-B4, ....) indique que plusieurs
innovations génétiques à l'origine de la résistance
sont intervenues de façon indépendante dans les populations
de moustiques (duplications à partir de l'allèle B1, duplication
à partir de l'allèle B4, ...). Cependant, le polymorphisme des
gènes A et B est très nettement supérieur à celui
des "supergènes ester" ; cela indique donc que les mutations à
l'origine des "supergènes ester" sont relativement rares. D'autre
part, on a pu constater que des allèles ester apparus en premier dans
une région, se retrouvaient ensuite dans une autre région assez
éloignée ; cela s'interprète comme le résultat
de migrations des moustiques (par transport aérien ou maritime par
exemple) et non comme le résultat de deux mutations identiques indépendantes.
Le niveau d'amplification varie selon les allèles ester : il peut atteindre
100 copies du gène ou plus pour ester B1, tandis qu'il ne dépasse
pas quelques copies pour ester A4-B4. De plus, pour un même allèle
(exemple ester B1) le niveau d'amplification peut être variable selon
les individus au sein d'une population sauvage ou entre des populations différentes.
- Enfin, il existe un allèle ester A1 pour lequel la production
accrue d'estérases n'est pas due à l'amplification du gène
A1, mais à un changement dans la régulation de l'expression
de ce gène. Comme les processus de régulation génique
ne sont pas au programme de Tle S, nous n'avons pas retenu cet allèle
dans la banque de données.
Les innovations génétiques
à l'origine d'une ACE insensible aux insecticides OP
C'est en 1978 que sont apparus dans la région de Montpellier des
moustiques résistants aux insecticides OP, dont la résistance
est due à la production d'une AchE insensible. Ces moustiques sont
homozygotes pour un allèle mutant du gène qui code pour l'AchE.
Les séquences des allèles AchES (allèle présent
chez les moustiques sensibles) et AchER (allèle mutant présent
chez les moustiques résistants) viennent d'être publiées
(Nature, Mai 2003) . Leur comparaison révèle 28 substitutions
dont 27 sont muettes (aucune influence sur la séquence polypeptidique)
et une est à l'origine du changement d'un acide aminé (substitution
G/A en position 739 ; glycine 247 de l'AchE sensible remplacée par
une sérine dans l'AchE résistante). Cet acide aminé
est situé dans le site actif, près du site catalytique. Des
expériences de transgenèse (intégration de l'allèle
AchER dans des cellules de drosophile) ont permis de confirmer l'insensibilité
de l'AchE codée par cet allèle AchER.
Une mutation identique a été identifiée chez une autre
espèce, l'anophèle.
- En 1993, dans la région de Montpellier, est apparu un
nouvel "allèle" appelé AchERS (appelé AchE 93 dans les
données fournies sur ce site) ; il s'agit en fait d'un "supergène"
formé de deux copies en tandem du gène AchE : l'une de ces copies
est l'allèle AchES et l'autre AchER. Cette innovation génétique
résulte donc d'une duplication génique. L'interprétation
classique suggérée par le programme et utilisée pour
les familles multigéniques est la suivante : il y a eu duplication
de l'allèle AchES, suivie de mutations d'une des copies conduisant
à l'allèle AchER. Cependant, l'interprétation qui a
les faveurs des chercheurs est différente : chez un individu hétérozygote
AchES/AchER, il y a eu au cours de la méiose un crossing-over inégal
aboutissant à réunir sur un même chromosome les deux
allèles AchER et AchES. Un seul événement génétique,
une duplication génique, serait donc à l'origine de ce "supergène".
Ces moustiques produisent donc les deux types d'AchE, comme les hétérozygotes
AchER/AchES, mais cette capacité est transmise de génération
en génération à cause de la liaison très étroite
entre les loci des gènes AchER et AchES.
|