Mise
à jour : 17/04/2003
Glossaire
Téléchargements
|
Les mécanismes
de la résistance des moustiques
aux insecticides OP et aux carbamates
Les insecticides OP et les carbamates ont pour cible l'enzyme acétylcholine
estérase (Ace, présente au niveau des synapses cholinergiques
et ayant pour rôle l'hydrolyse du neuromédiateur acétylcholine)
qu'ils inhibent. Les anomalies de fonctionnement du système nerveux
qui en résultent entraînent la mort de l'insecte sensible.
Cependant, pour qu'un insecticide soit efficace il faut qu'il puisse
atteindre sa cible, c'est à dire ici l'espace synaptique. Il doit
donc pénétrer dans l'organisme de l'insecte et circuler dans
son milieu intérieur.
La résistance aux insecticides OP et aux carbamates peut donc
s'expliquer par des mécanismes qui empêchent ces insecticides
d'atteindre leur cible, ou par une sensibilité moindre de la cible
(Ace).
Les mécanismes qui empêchent les insecticides
d'atteindre leur cible
Les mécanismes qui rendent la cible moins sensible
à l'insecticide
1 - Les mécanismes qui empêchent
les insecticides d'atteindre leur cible
a) Rôle des estérases
b) Mise en évidence d'une production
accrue d'estérases chez les moustiques résistants
c) Localisation de la production d'estérases chez
les moustiques résistants
a) Rôle des estérases
Les estérases sont des enzymes naturellement produites par les
insectes ; elles hydrolysent les liaisons ester, notamment celles des molécules
des insecticides OP ; en revanche, elles sont sans action sur les carbamates
(comme le propoxur). Il existe chez le moustique 2 sortes d'estérases
appelées A et B.
Molécule de parathion, insecticide OP très toxique
:
Cette action permet d'empêcher l'insecticide de pénétrer
et de circuler dans l'organisme de l'insecte, donc d'atteindre sa cible.
Il s'agit ici d'un mécanisme de détoxication par métabolisation
de l'insecticide.
(le rôle physiologique des estérases est inconnu actuellement
et elles ne semblent pas indispensables à la survie de l'insecte
en milieu sans insecticide).
b) Mise en évidence d'une production
accrue d'estérases chez les moustiques résistants
La quantité d'estérases produite par un moustique peut
être évaluée par le test au papier filtre :
Principe du protocole expérimental appliqué à
la population de moustiques de la région de Montpellier (comprenant
des moustiques résistants et sensibles aux insecticides) : on écrase
des moustiques recueillis sur un papier filtre, puis on ajoute les réactifs
suivants :
-
un mélange de deux substrats sur lesquels l'estérase agit
en les coupant,
-
un réactif qui colore en rouge l'un des produits obtenus.
Les résultats obtenus sont présentés sur le document
ci-contre (chaque case correspondant à un moustique).
Réalisation du test au laboratoire
Le substrat chromogène est un mélange
de alpha-naphthyl acetate (alpha NA) et de beta-naphthyl acetate (bêta
NA). A la rigueur, un seul des 2 peut être utilisé, mais habituellement,
c'est un mélange des 2, dans un rapport 1:1.
L'estérase coupe ces deux substrats, en
libérant du alpha (ou beta) naphthol, qui se colore en présence
de Fast Garnet GBC (poudre à rajouter dans le tampon de coloration).
Le produit plus Fast Garnet donne un précipité rouge, qui
donne la coloration sur le papier filtre. Une fois le moustique écrasé
sur la papier, la révélation se fait entre 5 et 15 minutes,
si tous les réactifs sont prêts. Les estérases A utilisent
préférentiellement alpha NA, et les estérases B agissent
préférentiellement sur bêta NA. |
|
La production d'estérases par les moustiques sensibles est très
faible, insuffisante pour empêcher l'insecticide d'agir. Chez certaines
souches
résistantes, la production d'estérases en beaucoup plus grande
quantité est le mécanisme à l'origine de la résistance.
Il ne s'agit donc pas d'un changement qualitatif (effficacité des
estérases) mais d'un changement quantitatif (l'augmentation de la
quantité d'estérases produites peut être considérable,
jusqu'à représenter 6 à 10 % des protéines
totales de l'insecte).
c) Localisation de la production d'estérases
chez les moustiques
Les estérases peuvent être mises en évidence par
une technique d'immunofluorescence.
Les gènes codant pour les estérases ne s'expriment pas
dans tous les tissus de l'insecte ; cette expression a surtout lieu dans
la paroi du tube digestif, la zone cellulaire cutanée sous-hypodermique
et les ganglions cérébraux et thoraciques, les deux premiers
tissus constituant les principales voies de pénétration de
l'insecticide dans l'organisme, les derniers contenant la cible des insecticides.
2 - Les mécanismes qui
rendent la cible moins sensible à l'insecticide : les mutations
de l'acétylcholinestérase (ACE)
Certains moustiques doivent leur résistance aux insecticides
OP et aux carbamates à un changement de la structure spatiale de
leurs molécules d'Ace, cible des insecticides, changement qui insensibilise
l'Ace à l'action de ces insecticides.
Les différences dans les propriétés de l'Ace de
moustiques présentant cette forme de résistance et de moustiques
sensibles peuvent être détectées par le test suivant
:
-
protocole expérimental :
-
on broie le moustique (ou la larve) et le broyat est homogénéisé
dans un tube Eppendorf avec une solution tampon (20 mM tris, pH 7, contenant
1% de Triton X-100). Après centrifugation à 10 000g pendant
2 mn, le surnageant (qui contient l'ACE) est recueilli et réparti
dans les puits d'une plaque (100 microlitres dans chaque puits),
-
on ajoute alors dans chaque puits soit 10 microlitres d'une solution concentrée
d'insecticide (solution de propoxur à 10-2 M), puits B, soit 10
microlitres d'alcool, puits A. La plaque est laissée pendant 15
mn à température ambiante (ce temps est suffisant pour
permettre l'action éventuelle de l'insecticide),
-
détermination de l'activité catalytique de l'ACE : on ajoute
dans chaque puits 100 microlitres d'une solution contenant de l'acétylcholine
(2,5 mM) et 0,2 mM de DTNB (dinitro-2-benzoic). On
évalue l'intensité de la coloration par mesure de densité
optique (la densité optique augmente en fonction de la coloration)
: si l'enzyme est active, les produits de l'hydrolyse de l'acétylcholine
réagissent avec le DTNB pour donner une substance qui présente
un pic d'absorption pour des radiations de 412 nm. On peut donc suivre
le déroulement de la réaction par spectrophotométrie.
Les graphes ci-dessous traduisent l'évolution de la densité
optique pendant 10 mn dans chaque puits, pour 8 moustiques sensibles et
8 moustiques résistants (en ordonnée
: intensité de la densité optique; en abscisse :le temps)
:
-
analyse des résultats pour les moustiques sensibles : par
rapport aux puits témoins (A), l'évolution de la densité
optique des puits où l'on a ajouté de l'insecticide (B) est
quasi nulle (ligne presque horizontale). L'Ace a donc été
inactivée par l'insecticide.
-
analyse des résultats pour les moustiques résistants
: la pente des courbes traduisant l'évolution de la densité
optique est la même dans les puits avec ou sans insecticide. On peut
donc en conclure que l'ACE des moustiques résistants est totalement
insensible au propoxur. D'autre part, la pente de la droite traduisant
l'évolution de la densité optique en absence d'insecticide
est nettement plus faible chez les moustiques résistants que chez
les moustiques sensibles. L'Ace des moustiques résistants est donc
moins active, moins efficace, que celle des moustiques sensibles. La réduction
d'activité de l'enzyme résistante par rapport à l'enzyme
sensible est d'environ 60 %. C'est un aspect du coût de la résistance.
|