Mesure de l'acétylcholine
par luminescence
Rédigé par Jean-Pierre Ternaux, Laboratoire
de Neurocybernétique cellulaire - CNRS Marseille
I. Principe
L'acetylcholine (ACh)
est le neurotransmetteur des jonctions neuromusculaires chez le mammifère.
Chez l'animal adulte l'ACh est synthétisée au niveau des
motoneurones spinaux et du tronc cérébral. La synthèse
s'effectue dans les corps cellulaires et dans les terminaisons des axones
moteurs, au niveau de l'effecteur musculaire. Les motoneurones ne sont
pas les seuls neurones du système nerveux central qui possèdent
l'ACh comme neurotransmetteurs. Des interneurones localisés au niveau
du septum du striatum et du cortex sont eux aussi cholinergiques. Ces derniers
semblent être principalement impliqués dans les mécanismes
de dégénérescence qui caractérisent la maladie
d'Alzheimer.
La choline acetyl transférase
( ChAT) qui catalyse la transformation de la choline en ACh , en présence
d'un donneur de radical acetyl: l'acetyl Coenzyme A (ACoA), est une enzyme
cytoplasmique, synthétisée au niveau du corps cellulaire
des neurones cholinergiques et transportée par le flux axoplasmique,
jusqu'au niveau des terminaisons axoniques.
Le motoneurone lui même et l'élément post synaptique
de la jonction neuromusculaire synthétisent l'enzyme de dégradation
de l'ACh: l'Acetylcholine estérase (AChE). Cette enzyme catabolique
hydrolyse l'ACh libérée en choline et en acide acétique.
L' AChE cytoplasmique peut être libérée par les terminaisons
axoniques des motoneurones , elle est également présente
sous forme fixée à la membrane du motoneurone et de l'effecteur
musculaire. La choline qui résulte de l'hydrolyse de l'ACh par l'AChE
est recaptée par les terminaisons axoniques des motoneurones (recapture
à haute affinité) où elle sera utilisée, à
nouveau, comme précurseur de l'acetylcholine.
Choline + ACoA
ACh
ChAT
ACh
Choline + Acide acétique
AChE
Ces deux réactions existent donc au sein du motoneurone. La
choline peut être transformée en bétaïne en présence
de choline oxydase. Cette réaction s'accompagne de la formation
d'une molécule d'eau oxygénée qui en présence
d'une péroxydase et d'une molécule donneur de photons, comme
le luminol , donnera naissance à une émission de lumière
et à la production d'acide aminophtalique.
La mesure de l'ACh par
chimiluminescence est basée sur les réactions suivantes :
Réaction 1: Acétylcholine choline
+ Acide acétique
AChE
Réaction 2: CholineBétaïne
+ H2 O2
Choline oxydase
Réaction 3: H2O2
+ Luminol
hm
+ Acide Aminophtalique
Peroxydase
hm
: émission
de photons, lumière (avec le luminol, longueur d'onde de 450 nm)
Dans ces conditions,
la quantité de photons émis à la suite des trois réactions
est proportionnelle à la quantité d'ACh contenue dans l'échantillon
biologique.
II.
Méthodologie
La détection des
quantités d'ACh par chimiluminescence peut être éffectuée
sur des échantillons de tissus nerveux prélevés sur
des cerveaux frais adultes ou au cours du développement embryonnaire
ou post-natal, sur des cultures de cellules nerveuses, sur des cultures
de motoneurones purifiés ou sur des cultures organotypiques. Dans
ces conditions c'est le contenu endogène d'ACh qui est mesuré.
Le dosage de l'ACh peut être également effectué
sur des perfusats, lorsqu'une structure cérébrale est perfusée
par un liquide physiologique ou lorsque des cultures de neurones sont incubées
en présence de liquide céphalo-rachidien artificiel. Dans
ces conditions l'ACh mesurée correspond aux quantités libérées
par les éléments cholinergiques présents dans le tissu
ou dans les cultures. (voir également les méthodologies pour
la mesure de la libération des neurotransmetteurs).
FIGURE 1. Le tissu nerveux
est prélevé sur biopsies de cerveau maintenues dans un liquide
physiologique à 4°C (1) ou à partir de cultures. Les
prélèvements sont sectionnés en petits fragments d'environ
1 mm3 et transférés dans un microtube contenant
500 µl d'acide trichloracétique (2). Le liquide est soumis
aux ultrasons pendant 10 secondes de façon à homogénéiser
le tissu dans l'acide. Dans ces conditions toutes les protéines
sont précipitées. Le tube est centrifugé de façon
à obtenir un culot de protéines (3). La fraction soluble
est prélevée et le pH de la solution est ramené à
7, 4 à l'aide de NaOH (4). 5O µL de la fraction soluble sont
ajoutés au milieu réactionnel (500 µl) constitué
d'un tampon phosphate Na/ Na2, (pH: 7,4) contenant du luminol
et de la peroxydase (5). Le tube de milieu réactionnel est introduit
dans la chambre de lecture d'un chimiluminomètre (6). Les injections
d'enzymes peuvent être réalisées au travers d'un opercule
à l'aide d'une micro-seringue. Les photons émis frappent
la surface du photomultiplicateur qui transforme le signal photonique en
un signal analogique.
A. Mesure du taux
endogène d'ACh.
Un prélèvement de tissu est effectué au niveau
du système nerveux central (quelques mg de tissu) ou les neurones
d'une culture sont détachés de leur support d'adhésion
par un traitement léger à la trypsine. Le tissu est récupéré
dans un micro tube contenant de l'acide trichloracétique. Le tissu
est homogénéisé par une sonde à ultrasons.
Dans ces conditions les protéines sont précipitées.
Une centrifugation permet de séparer le culot de protéines,
d'une phase soluble contenant, en autres, l' ACh, mais aussi son précurseur,
la choline, résultant de la dégradation par l'AchE (voir
réaction 1)
FIGURE 2. Evolution
de l'émission de photons au cours du temps. 1: l'injection de choline
oxydase dans le milieu réactionnel induit la formation d'eau oxygénée
et de bétaine (réaction 2), une émission de photons
résultant de l'oxydation du luminol est alors instantanément
induite (réaction 3). Lorsque la choline de l'échantillon
est totalement oxydée, le tracé retourne à son niveau
de base. 2: l'injection d'AChE dans le milieu réactionnel provoque
alors le déclenchement des trois réactions successives, conduisant
à l'émission d'un pic de lumière qui correspond à
l'hydrolyse de l'ACh. 3: une nouvelle injection d'AChE permet d'estimer
la valeur du "blanc" du dosage. 4 et 5: des standards contenant des quantités
connues d'ACh et de choline sont ensuite injectés de façon
à calculer les quantités de ces deux substances présentes
dans l'échantillon. La valeur du "blanc" est systématiquement
retranchée à la surface des pics de lumière correspondant
à l'ACh et à la choline.
Un milieu réactionnel
est préparé dans un tampon phosphate de sodium, contenant
respectivement : du luminol, et de la peroxydase. Un prélévement
de 50 µL de la fraction soluble est introduit dans 500 µl du
milieu réactionnel. Après homogénéisation,
le tube est introduit dans la chambre d'un chimiluminomètre et la
lumière est mesurée. Aucune variation de lumière n'est
enregistrée puisque aucune des réactions enzymatiques n'est
déclenchée. L'injection de Choline oxydase dans le tube induit
la réaction 2 et la réaction 3. Dans ces conditions la choline
présente dans l'échantillon est oxydée et une émission
de lumière peut être enregistrée. Le pic de lumière
enregistré correspond à la quantité de choline présente
dans l'échantillon. Lorsque toute la choline a été
oxydée, la lumière retourne à son niveau de base.
A ce moment, l'injection d'AChE dans le milieu réactionnel induit
l'enclenchement des réactions 1, 2 et 3. Un nouveau pic de lumière
est enregistré dont la surface est proportionnelle à la quantité
d'ACh présente dans l'échantillon. Après retour à
la ligne de base, une nouvelle injection d'AChE est réalisée
de façon à vérifier que toute l' ACh présente
dans l'échantillon a été hydrolysée. Cette
injection provoque l'émission d'un petit pic de lumière appelé
"Blanc" du dosage qui est dû essentiellement à la présence
d'impuretés dans les préparations enzymatiques utilisées,
malgré leur purification. Enfin, l'injection d'une quantité
connue d'ACh dans le milieu réactionnel permet d'estimer la surface
du pic de lumière et de calculer la quantité d'ACh présente
dans l'échantillon. Les valeurs correspondantes au "Blanc" du dosage
sont soustraites aux surfaces des pics obtenu pour l'échantillon
dosé et pour les standards d'ACh. Des standards de choline peuvent
être également introduits dans le milieu réactionnel
pour estimer la quantité de choline présente dans l'échantillon.
La sensibilité de
ce dosage de l'ACh par chimiluminescence est de l'ordre de quelque picogrammes.
B. Mesure de l'ACh
Libérée
Le
principe de la mesure est identique. Les échantillons sont constitués
par du liquide physiologique (liquide céphalo-rachidien artificiel)
provenant soit de la perfusion d'une structure cérébrale
(cupule, push-pull canule, perfusion ventriculaire, tube à dialyse…)
ou de l'incubation ou de la perfusion d'une culture de neurones.
C. Instrumentation
La
lumière émise par les réactions enzymatiques est détectée
à l'aide d'un photomultiplicateur placé devant le tube contenant
le milieu réactionnel. Ce dernier est placé dans une chambre
noire, à l'abri de toute lumière et les injections d'enzyme
sont réalisées au travers d'un opercule pour éviter
toute propagation de photons provenant du milieu environnant. Le photomultiplicateur
transforme le signal photonique en signal analogique. Le photomultiplicateur
est relié à un enregistreur qui permet d'enregistrer, en
fonction du temps, le décours des variations de potentiel. Parallèlement
un intégrateur permet de calculer la surface des pics de lumière
obtenus.
D. Applications des techniques de chimi et de bioluminescence
au dosage d'autres molécules
Les
techniques de chimi et de bioluminescence (ces dernières utilisent
des donneurs de photons issus d'organismes biologiques comme le système
luciférine luciférase du ver luisant) sont applicables pour
mesurer les quantités endogènes et libérées
de diverses substances comme le glucose (utilisation d'une glucose oxydase),
l'ATP, mais aussi d'autres neurotransmetteurs comme le Glutamate et le
GABA. Ces méthodes de dosage peuvent être également
adaptées pour visualiser la présence de ces substances dans
des tissus vivants (caméra CCD ultrasensibles refroidies) ou pour
identifier l'expression de certains gènes au niveau cellulaire (insertion
du gène codant pour la luciférase et utilisation de la luciférine
comme substrat). Ces méthodes sont extrêmement sensibles et
tendent à se substituer à l'utilisation des techniques isotopiques
(utilisation de radioéléments) qui nécessitent la
mise en œuvre de règles contraignantes de radioprotection et une
élimination contrôlée des déchets radioactifs.
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