René Frydman, le «père» des bébés-éprouvette français, attend beaucoup de la maturation in vitro.
"Des piqûres quotidiennes durant une dizaine de jours, des
examens douloureux, des séances d'amour programmées, des
échecs parfois répétés: pour mener à
bien une fécondation in vitro (FIV), les couples doivent affronter
une série d'épreuves auxquelles ils ne sont pas toujours
préparés. L'annonce, la semaine dernière, de la naissance,
en France, d'un bébé conçu grâce au procédé
de maturation in vitro (MIV) va peut-être rasséréner
quelques-uns de ces couples.
Car la MIV présente de réels avantages. Il n'est plus
nécessaire, par exemple, que la femme soit soumise à une
stimulation ovarienne, lourde et contraignante, puis de ponctionner un
ovule. La MIV consiste, en effet, à prélever un ovocyte et
à le placer dans un milieu de culture adapté, une sorte de
solution très spécifique contenant, notamment, des hormones
et des facteurs de croissance. Ensuite, une fois fécondé
par le spermatozoïde, l'ovocyte sera réimplanté dans
l'utérus comme pour une FIV classique. Inutile, donc, de stimuler
les ovaires: l'équipe médicale agit en amont, lorsque l'ovocyte
est encore immature."
Extrait de L'Express du 26/06/2003: Gynécologie; Les nouvelles
voies de la FIV par Vincent Olivier
Les premières FIV ont été faites au cours
de cycles naturels, mais pour augmenter le rendement de cette technique,
des protocoles permettant
d'augmenter le nombre d'ovocytes mûrs recueillis ont rapidement été
mis au point.
Au cours d'un protocole de FIV, on applique un traitement
inhibiteur des sécrétions de gonadotrophines hypophysaires
qui place la femme dans une situation équivalente à la ménopause,
ses fonctions ovariennes sont stoppées. Le traitement de stimulation
de l'ovulation a pour but de reproduire le cycle naturel, avec l'énorme
avantage d'obtenir un grand nombre d'ovocytes et de maîtriser la
date de l'ovulation. Dans ces protocoles de FIV conventionnelle (FIVc),
sous l'effet de l'administration quotidienne de FSH, plusieurs follicules
finissent leur croissance et non un seul. Après injection d'un analogue
de la LH (hCG), les ovocytes de ces follicules reprennent leur meiose,
émettent le premier globule polaire et terminent leur maturation
cytoplasique.
Ils sont alors ponctionnés (sur le nombre important d'vocytes
recueillis en cours de FIV il y a toujours environ 15% d'entre eux qui
n'ont pas terminé leur maturation). Ils sont mis en présence
de spermatozoides et fécondés.
La fécondation peut être spontanée, sans micro-manipulation,
ou "assistée", on parle alors d'ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection).On
suit alors la fécondation d'après l'évolution nucléaire
(apparition du 2ème GP et formation de deux pronoyaux), et le début
de développement embryonnaire, par la segmentation.
Deux à trois jours après la ponction, les embryons (stade
4 cellules) sont replacés dans la cavité utérine de
la patiente (dont la muqueuse a été préparée
par une combinaison d'oestrogène et de progestérone).
La MIV consiste à mener in vitro la transformation de l'ovocyte immature en ovocyte mature. Cette technique de procréation avait largement été éprouvée chez l'animal, notamment la souris et les bovins, chez qui elle avait permis d'obtenir des petits, avant d'être appliquée à l'homme.
La description qui suit correspond au protocole utilisé dans l'essai clinique pilotée par Catherine Poirot, impliquant l'hôpital de la Pitié -Salpétrière et l'hopital Jean Verdier de Bondy, ayant vu la naissance d'un petit garçon en septembre 2003 et encore en cours aujourd'hui (décembre 2004).
Nombre moyen d'ovocytes par ponction |
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Taux de maturation |
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Nombre d'ovocytes ayant subi une ICSI |
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Taux de fécondation après ICSI |
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Nombres de zygotes obtenus |
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Nombres d'embryons obtenus |
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Nombre moyen d'embryons replacés (une patiente n'a pas eu d'embryon) |
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Utilisation des ovocytes immatures
Dans tous les cycles stimulés, une certaine fraction des ovocytes
(15%) correspond à des ovocytes n'ayant pas terminé leur
maturation. On peut ainsi proposer d'augmenter le nombre d'ovocytes mûrs
susceptibles d'être micro-injectés (ICSI) en faisant terminer
leur maturation à ces cellules, par MIV.
Intérêt humain et financier
Les protocoles de stimulation utilisent maintenant, en grande majorité,
des hormones recombinantes (FSHr et hCGr). Ces hormones sont très
onéreuses. Dans le cas de MIV, le coût est donc fortement
abaissé, tout comme l'est, pour la patiente, le poids du protocole
de FIV, dont parle René Frydman (en introduction à cette
page).
Cette technique pourrait donc être appliquée aussi aux
femmes normo-ovulantes qui demandent une FIV pour d'autres raisons qu'une
défaillance ovarienne (notamment oligospermie du conjoint nécessitant
une ICSI).
Intérêt pour le don d'ovocyte
Le don d'ovocyte, en France, n'est possible que dans deux cas: celui
de couples où la femme est donneuse d'ovocyte et celui de couples
receveurs d'embryon.
La possibilité de prélever les ovocytes immatures d'une
donneuse, sans stimulation lourde préalable, en vue d'une fécondation
par les spermatozoides du conjoint de la receveuse, faciliterait donc le
processus du don d'ovocyte.
Intérêt éthique
Sans stimulation par la FSH, le nombre d'ovocytes (immatures) recueillis
par ponction est plus faible. Après MIV et ICSI, le nombre final
d'embryons obtenu n'est pas très élevé, il y a moins
d'embryons surnuméraires ainsi produit, ce qui diminue le nombre
d'embryons à stocker, congelés.
Des études actuelles visent à améliorer les protocoles de congélation d'ovocytes. La congélation d'ovocyte II est pour l'instant plus prometteuse que celle d'ovocyte I, mais donne néanmoins un très faible taux de grossesse après MIV et transfert. Si cette technique est maîtrisée on pourra congeler des ovocytes, c'est à dire des cellules (diploïdes ou haploides) ne pouvant être considérées comme des individus potentiels, ce qui pose beaucoup moins de problèmes éthiques pour leur conservation que pour celle des embryons.
Des études à poursuivre
Actuellement la MIV ne donne pas, en terme de
taux de grossesses, d'aussi bons résultats que la FIV conventionnelle.
Des progrès dans les connaissances sont encore à faire pour
différentes étapes et notamment celle de la maturation cytoplasmique
de l'ovocyte. Si la maturation
nucléaire de ce dernier est assez bien connue dans ses mécanismes
(reprise de méiose après levée d'inhibition par l'AMPc,
rôle du MPF) et facile à suivre (disparition de la vésicule
germinative et apparition du premier globule polaire), les processus de
maturation cytoplasmique sont mal connus car difficiles à apprécier
morphologiquement. Le seul critère d'ovocyte mûr est "l'aptitude
à être fécondé et à assurer un développement
embryonnaire complet".
Analyse cytologique comparative d'ovocytes obtenus par maturation
in vitro et in vivo
(Michelle Plachot, "Congélation des ovocytes et maturation
in vitro:les nouveaux outils de l'AMP", 1999)
Les ovocytes immatures sont décumulisés et incubés
dans un milieu permettant leur maturation.
Ceux qui atteignent le stade MII sont fixés et observés
au microscope.
Ils sont comarés à ceux ponctionnés après
une maturation in vivo (echecs de fécondation après ICSI).
Maturation in vivo | Maturation in vitro | |
Nombre total d'ovocytes analysés | 179 | 149 |
Nombre d'ovocytes caryotypés | 96 | 75 |
Ovocytes diploïdes | 6 (3,4%) | 6 (4%) |
Ovocytes aneuploïdes | 22 (23%) | 15 (20%) |
Cassures chromosomiques | 41 (29%) | 13 (11%) |
Séparation prématurée des chromatides | 2 (1%) | 12 (8%) |
Une différence significative est observée pour les deux
derniers critères.
Les ovocytes issus de MIV présentent un plus garnd taux de séparation
prématurée des chromatides.
A l'inverse, ils présentent moins de cassures chromosomiques
(mais les cassures observés dans les ovocytes mûris n
vivo
sont peut-être imputables au processus d'ICSI n'ayant, par ailleurs,
pas abouti).
D'autres paramètres, comme le profil protéique
ou les signaux calciques lors de la fécondation ont été
étudiés:
-dans les ovocytes issus de MIV, on note une réduction importante
du taux de plusieurs proéines de 10 000 à 120 000 kDa
-après MIV, la pénétration du spermatozoide déclenche
effectivement un pic de calcium intra-cellulaire,
mais celui-ci n'est pas suivi d'oscillations importantes comme cela devrait
être le cas.
Enfin il a été noté un ralentissement
des divisions mitotiques lors de la segmentation
d'embryons issus d'ovocytes mûris in vitro,
pouvant aller jusqu'à un arrêt complet avant le stade blastocyste.
Actuellement les résultats cliniques de la MIV de l'ovocyte humain sont proches de ceux obtenus chez des animaux comme les bovins, avec un taux de naissance qui ne dépase pas 8% des ovocytes traités..
En Corée, en 1991, une équipe a réussi à obtenir la naissance d'un enfant après une MIV d'ovocytes obtenus sans stimulation ovarienne (Cha).
En 1994, on voit la première grossesse et naissance après MIV dans le cas d'ovaies polykystiques (Trouson)
En 1997, deux cas de grossesse après MIV sont rapportés
chez des femmes n'ayant pas reçu, volontairement ou involontairement
d'hCG lors d'un protcole de FIV.
Liu et coll. rapportent le cas d'une patiente ayant oublié de
faire l'injection et chez qui une grossesse a été obtenue
par transfert d'une embryon congelé-décongelé provenant
de la fécondation par ICSI d'un ovocyte ayant réalisé
sa maturation in vitro en présence de FSH et d'hCG.
Jaroudi et coll.réalisent la MIV d'une patiente présentant
une hyperstimulation ovarienne : 40 follicules à l'écran
et un taux d'oestradiol à 14 000 pmol/l ! La MIV était la
seule alternative à l'arrêt du cycle. Une grossesse a été
obtenue , mais s'est interrompue à 14 semaine après rupture
prématurée des membranes.
Actuellement, dans le monde, une centaine d'enfants sont nés selon cette technique ( jusqu'en avril 2003: 224 gorssesses avec 17% de grossesses multiples, et 12% de fausses-couches spontanées) grâce au travail, notamment, d'équipes implantées au Canada, en Corée et au Danemark.