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Présentation de la campagne 'SantoBoa'

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Dans le module marin, une équipe de scientifiques s'est intéressée à un écosystème méconnu : les bois coulés. Article rédigé par Sarah Samadi.

La présence des bois coulés, déjà signalée par Brunn (1957) à la suite de l’expédition de la «Galathea » dans les zones tropicales (Salomon, Philippines) est très générale. Les débris végétaux coulés sont partout, et à toutes les profondeurs, avec de plus fortes densités devant les estuaires et dans les bassins d’accumulation sédimentaires. Une faune spécifiquement associée à ces substrats a été mise en évidence : les organismes associés à ces substrats sont des mollusques gastéropodes, polyplacophores et bivalves, des crustacés décapodes et péracarides, des polychètes et des échinodermes (Cayré et Richer de Forges 2002). Les rares études disponibles sur ces organismes ont montré les affinités de cette faune avec celle des sources hydrothermales suggérant l’hypothèse d’une relation phylogénétique entre certains taxons des sources hydrothermales et/ou suintement froid et celles associées aux bois coulés ou aux carcasses de baleine.


montage photos bois coulés (Sarah Samadi)

Montage photo Sarah Samadi, à partir des photos de Bertrand Richer de Forges, Sarah Samadi, Takuma Haga, Joëlle Dupont, Magali Zbinden. Légendes dans le sens de la lecture : moule associée à une noix de coco (mollusque bivalve), galathées utilisant probablement le bois comme habitat (crustacés décapode), moules associée à une noix de nippa (mollusque bivalve), lucine associée aux fibres de palmes (mollusque bivalve), pectinodonta se nourrissant sur le bois (mollusque ressemblant à une patelle), chiton sur une noix de coco (mollusque polyplacophore), étoile de mer strictement inféodée aux bois coulés (échinoderme), pagure symétrique utilisant le bois comme habitat (crustacé décapode), « ver » se nourrissant dans le bois (échiurien), cocculine associée aux bois coulés (mollusques en forme de patelle), oursin associé aux bois coulés (échinoderme), bivalve taraudeur (mollusque), micro gastéropodes (mollusques), champignon ascomycètes, cocculine sur une feuille (mollusque en forme de patelle).


Nos précédentes campagnes ont montré que pratiquement tous les milieux organiques en milieu bathyal sont susceptibles d'héberger une faune associée : bois et débris végétaux, écailles de tortue, becs de céphalopodes, tubes de polychètes Hyalinoecia, oothèques de sélaciens, arêtes de poissons et os de mammifères, etc. De telles faunes ont été longtemps considérées comme de simples curiosités écologiques, mais on s'aperçoit aujourd'hui qu'elles présentent de grandes analogies, aux plans des affinités taxonomiques et de l'écologie, avec celles associées aux sources hydrothermales et aux suintements froids. La plupart de ces milieux sont très anciens (depuis le Paléozoïque ou le Jurassique) et ils existent à l'état diffus, mais prédictible, dans tout le bathyal (et de manière moins prédictible aux profondeurs abyssales du Pacifique central oligotrophe). Ces faunes associées aux substrats organiques pourraient constituer le stock, ou un des stocks, à partir desquels se sont diversifiées les faunes plus spécialisées associées à l'hydrothermalisme.


L’objectif de la campagne SantoBoa était donc d’échantillonner les communautés associées aux bois coulés. Ces échantillons visent non seulement à mieux connaître la biodiversité de cet écosystème peu exploré (objectif général de Santo2006) mais aussi à répondre à deux grandes questions scientifiques :

(i) Quels sont les mécanismes qui permettent dans l’océan profond la dégradation et la mobilisation dans le réseau trophique de la matière organique du bois ?

(ii) Quelles sont les relations évolutives entre les organismes spécifiquement associés à ces substrats et ceux de la faune des sources hydrothermales ?



Le contexte écologique :


L’appauvrissement en nourriture est peut-être le facteur le plus important qui conditionne l’organisation écologique des environnements de profondeur. Une grande partie du domaine océanique est privée de lumière et donc de producteurs primaires photosynthétiques. Cependant, l’absence de production primaire in-situ en profondeur n’est pas universelle. En effet, dans les sources hydrothermales et les suintements froids, une production significative de composants organiques a lieu grâce à des bactéries autotrophes chimiosynthétiques et permet le développement d’un riche cortège de métazoaires hétérotrophes.


Donc, en dehors des couches superficielles et des sources hydrothermales et des suintements froids, les organismes des zones profondes de l’océan (privées de lumière ou de fluide réducteurs) sont dépendants des apports organiques en provenance des couches superficielles. Les organismes inféodés à des milieux profonds dépourvus de productions primaires propres sont donc soit prédateurs soit détritivores.


Sur la plus grande partie du domaine océanique profond, l’apport organique se fait sous la forme d’une « neige marine » constituée d’une agglomération de cellules phytoplanctoniques, de fèces et autres matières en suspension collectées lors de la chute dont se nourrissent les détritivores. Cette ressource est permanente et prédictible.


Une autre source de matière organique moins prédictible et plus transitoire est constituée par les cadavres d’animaux marins. Cette matière organique animale est rapidement consommée par des charognards. Dans le cas des carcasses des grands vertébrés marins des études récentes ont montrées qu’après un nettoyage des parties molles par un cortège de charognards, se développe un écosystème complexe et relativement durable. La dégradation de la matière organique des os par des micro-organismes produit des dégagements de sulfures qui sont utilisés par des bactéries autotrophes chimiosynthétiques. La dégradation de la matière organique des os est donc à l’origine d’une production primaire de matière organique qui peut perdurer bien après la dégradation complète de la matière organique de la carcasse. Cette production primaire permet l’installation d’un cortège de métazoaires spécialisés dont certains sont apparentés avec la faune hydrothermale et des suintements froids.


En zone tropicale, le couvert végétal est abondant et soumis à d’importantes intempéries, ce qui conduit en bordure d’océan au charriage de grande quantité de matériel végétal dans le milieu marin. En fonction des reliefs sous-marins et des courants, ce matériel organique peut s’accumuler dans des zones profondes de l’océan et constitué un apport important en matière organique. Cependant, les macromolécules du bois (notamment cellulose et lignine) ne sont utilisables par les métazoaires qu’après intervention de micro-organismes (bactéries ou champignons) possédant un arsenal enzymatique adapté. Cette matière organique végétale, qui s’accumule de façon durable et prédictible dans certains bassins profonds et qui nécessite l’intervention d’organismes spécialisés dans la dégradation du bois, abrite une faune complexe et diversifiée qui reste peu étudiée. Il a été suggéré que ces accumulations de bois, mêlées à des boues, pourraient être, comme dans le cas des carcasses de vertébrés, à l’origine d’un milieu réducteur réunissant les conditions nécessaires à une production primaire chimiosynthétique. Ces substrats végétaux d’origine terrestre pourraient permettre le développement d’écosystèmes “ durables ” (Cayré et Richer de Forges 2002) et jouer un rôle écologique majeur dans le domaine profond.


Les travaux développés au cours de SantoBoa :


Afin de mieux comprendre le fonctionnement et l’origine évolutive de cet écosystème des travaux ont été entrepris et des scientifiques ont participé à la campagne Santo Boa. Un film a été réalisé par Jean-Michel Boré (IRD) et sera visible prochainement sur Canal IRD [http://www.canal.ird.fr/]


Thématiques de recherche des scientifiques présents sur SantoBoa :



(i) Recherche de la présence de champignons. Dans les milieux terrestres, mais également dans les milieux marins peu profonds (mangrove notamment), les champignons sont des éléments majeurs dans la dégradation du bois.

voir http://www.ird.fr/recherche/santo2006/blog/(à la date du 16 octobre)


(ii) Recherche chez les métazoaires spécifiquement associés aux bois coulés de symbiose avec des bactéries permettant soit la dégradation de la matière organique du bois (à l’instar des bactéries de la mycoflore des termites ou des ruminants) soit de bactéries chimiosynthétiques assurant une production primaire de matière organique.
(disponible prochainement)

(iii) Analyse du réseau trophique.

(disponible prochainement)


(iv) étude des relations évolutives avec les organismes des autres milieux réducteurs profonds.

voir le blog (en date du 14 février)


Les techniques mises en œuvres sur le terrain :


  • le dragage des zones profondes

http://santo.ens-lyon.fr/donnees/biodivmarine/blog-des-chercheurs-du-module-biodiversite-marine-1/blog/

 

  • les casiers

http://www.ird.fr/fr/actualites/journal/33/sas33_recherches_7.pdf