Mission Santo
 
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L'équipe "Rivières" et ses recherches à Santo

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Clara Lord présente l'équipe "rivières" dont elle fait partie et les objectifs de travail de ces chercheurs à Santo. Elle précise ensuite son projet de recherche sur les gobies d'eau douce et la technique de pêche électrique, qui sera employée par l'équipe pendant la mission (mois de novembre).

L'équipe "Rivières" et ses travaux à Santo

 

par Clara Lord, doctorante au Muséum

 

Notre équipe « rivières » compte 5 membres :

-Donna Kalfatak, membre de l’Environment Unit est originaire du Vanuatu, elle y vit et va nous accompagner sur le terrain afin de nous aider lors de nos récoltes ;

-Philippe Gerbeaux est membre de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), il a une formation en ichtyologie (étude des poissons) et sera présent pour aider à l’identification des espèces de poissons d’eau douce ;

-le Dr. Arnold Staniczek fait partie du Staatliches Museum für Naturkunde à Stuttgart en Allemagne, il est spécialiste en entomologie (étude des insectes) et va s’intéresser aux insectes d’eau douce ;

-le Professeur Philippe Keith, du Muséum National d'Histoire Naturelle et responsable de l'équipe 'rivières', est spécialisé dans l’étude des poissons et des crustacés décapodes d’eau douce, c’est lui qui va nous permettre d’identifier tous les spécimens que nous allons récolter ;

-quant à moi, Clara Lord, j’ai une formation de biologiste et d’écologiste, je commence une thèse au Muséum national d’Histoire naturelle sous la direction de Philippe Keith.


Nous restons trois semaines à Santo, nous allons faire le tour de l’île en bateau en passant par trois villages (Tasmat, Pénaorou et Piamatsina). Nous resterons cinq jours dans chaque village autour desquels nous irons prospecter le plus de rivières possible.
Le but principal de cette expédition scientifique est de permettre à cette équipe de faire un inventaire des crustacés décapodes et des poissons d’eau douce présents dans les rivières de l’île de Santo.

 

Mon travail sur les gobies d'eau douce :

En plus de cet inventaire de la biodiversité dulçaquicole, je vais pouvoir échantillonner du matériel d’étude pour mes futurs travaux de thèse. En effet je travaille sur les gobies d’eau douce.
Ces gobies ont un cycle de vie assez particulier qui s’est adapté aux caractéristiques particulières de ces milieux, pauvres en éléments nutritifs et soumis à de fortes variations saisonnières climatiques et hydrologiques. En effet, les adultes vivent et se reproduisent en eau douce, après l’éclosion, les larves dévalent les rivières jusqu’à la mer où elles mènent un vie planctonique de plusieurs mois, après quoi elles reviennent en eau douce pour se nourrir, grandir et se reproduire. Les juvéniles et les adultes possèdent sur le ventre un ventouse qui leur permet de s’accrocher au substrat et de migrer en amont de la rivière, à plusieurs centaines de mètres d’altitude, et d’échapper ainsi à une trop forte concentration de prédateurs. Nous connaissons peu les modalités qui ont régi la mise en place d’un tel cycle biologique et les paramètres qui ont conduit à l’évolution de ce groupe, mais ces Gobiidae constituent la biodiversité la plus importante dans les rivières ainsi que le taux d’endémisme le plus grand.

Je vais plus particulièrement travailler sur deux espèces de gobies : (1) Sicyopterus lagocephalus, qui est une espèce ubiquiste c’est-à-dire qui a une très vaste répartition mondiale, en effet, on le retrouve longitudinalement de l’ouest de l’Océan indien (Comores et Mascareignes) à l’Indonésie et dans tous les archipels de l’Océan Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Marquises, Polynésie Française, Vanuatu…) ; et latitudinalement du Japon à l’Australie ; et (2) Sicyopterus aiensis, qui est endémique du Vanuatu, c’est-à-dire que c’est une espèce qui n’est trouvée qu’au niveau de cet archipel.

Sicyopterus lagocephalus :

Sicyopterus lagocephalus (photo de Clara Lord - tous droits réservés)

 

Alors que ces deux espèces ont le même cycle vital, nous ne comprenons pas pourquoi l’une des deux est capable de se disperser sur plus de 18 000 kilomètres et que l’autre reste cantonnée au Vanuatu. C’est une question à laquelle nous allons tenter de répondre au travers de mes travaux de thèse. Pour cela j’ai besoin de récolter des morceaux de nageoires sur chacun des poissons récoltés pour réaliser une étude de génétique des populations. Une fois le tissu prélevé, le poisson est remis à l’eau et la nageoire repousse, comme pour la queue d’un lézard.

 

La technique de la 'pêche électrique' :

Les poissons et les crustacés sont récoltés par pêche à l’électricité. Pour ce type de pêche un appareil portable est utilisé.

Il s'agit d'échantillonner en pêche électrique un grand nombre de points répartis de façon aléatoire dans le cours d'eau. Il faut veiller à limiter les perturbations du milieu par une approche la plus discrète possible, afin de "surprendre" le poisson. La pêche électrique se pratique à pied, en remontant la rivière de façon à ce que l'eau reste claire devant le pêcheur. La pêche consiste à approcher des abris dans lesquels se tiennent les animaux, une électrode de pêche créant autour d'elle un champ électrique dit "attractif". Le rayon actif de ce champ est de l'ordre du mètre dans des conditions moyennes. L’électricité agit sur le système nerveux du poisson (et des crustacés) ; un poisson qui se trouve dans le champ électrique sera d’abord immobilisé puis subira une nage forcée en direction de l’anode, il peut ainsi être pêché avec l'aide d'une épuisette. En général, une personne se place en aval du pêcheur avec une épuisette, tous les poissons et crustacés perturbés par le champ électrique y sont amenés par le courant.

Cette technique d’échantillonnage, utilisée dans la majorité des régions du monde pour assurer le suivi des populations piscicoles, est sans danger pour celles-ci. Après détermination, les poissons et crustacés sont remis à l’eau.


Nous prendrons bien sûr de nombreuses photos pour illustrer nos résultats et pour monter au public la beauté de certains de ces spécimens. En voici quelques unes, en avant-goût :

Stiphodon rutilaureus (photo de Clara Lord - tous droits réservés)  Stiphodon rutilaureus (gobie) 

Macrobrachium lar de face (photo de Clara Lord - tous droits réservés)Macrobrachium lar entier (photo de Clara Lord - tous droits réservés)

Macrobrachium lar (face / profil)