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Mise à jour : 13/02/2006
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  • Evolution des connaissances sur les Freemartins

    Rédigée par Françoise Jauzein, Lycée Berthollet, Annecy 

    Qu'est-ce qu'un freemartin ?

    Chez les Bovins, lorsque deux ou plusieurs foetus de sexe différent se développent simultanément dans l'utérus maternel, les femelles sont généralement stériles et montrent des organes génitaux internes plus ou moins normaux. Dans d'autres espèces, le freemartinisme n'est pas fréquent mais peut néanmoins se rencontrer chez le mouton, le porc et la chèvre.

    Les termes employés par les éleveurs pour désigner ces animaux varient selon les pays et les régions : "vache-boeuf", "vache-mule", "taure",  "gelin" ou "boubic" en France, "bouquetin" en Belgique, ou  encore "Zwicken" en Suisse. Les scientifiques utilisent le terme de free-martin (ou freemartin) issu vraisemblablement du dialecte écossais ferry = stérile et mart = animal impropre à la reproduction, ou animal destiné à la boucherie et vendu à la foire de la Saint Martin.

    Plusieurs anomalies sexuelles caractérisent ces animaux à la naissance :

    - gonades de taille réduite et dépourvues de cellules germinales, renfermant parfois des structures tubulaires analogues à des tubules séminifères stériles (on parle alors d'inversion sexuelle) ;
    - toutes les voies génitales dérivant des canaux de Müller sont interrompues ou même absentes ;
    - les canaux déférents et les glandes accessoires mâles (en particulier les vésicules séminales et la prostate) sont souvent présents ;
    - les organes génitaux externes sont de type femelle avec parfois un clitoris plus ou moins hypertrophié.
    Rappel de l'évolution normale des deux types de canaux de Müller et de Wolff dans les deux sexes

    [Document 2  : vue macroscopique des organes génitaux externes et internes de trois foetus de veau]

    A l'âge adulte, ces animaux peuvent présenter un poitrail de type mâle et un arrière train de type femelle.

    [Document 1 : dessin d'un freemartin par J.Hunter, 1779]

    Historique des idées

    Les premières recherches sur les freemartins datent de 1779, période à laquelle l'anglais Hunter décrivit les organes génitaux de trois cas de freemartins agés de trois à sept ans.

    Ce travail fut suivi au XIX° siècle par une série de publications concernant de nouveaux cas, également étudiés après la naissance, et quelques tentatives d'interprétation.

    C'est en 1843 que Numan considéra, le premier, ces freemartins comme des femelles et fit le rapprochement entre ce phénomène et la présence d'un jumeau mâle. Mais son interprétation ne fut guère suivie. En effet, à la suite de la mise en évidence de structures analogues à des tubes séminifères dans les gonades de certains de ces freemartins par Siegelberg en 1861, la plupart des auteurs considérèrent ces animaux comme des "mâles imparfaits".

    En 1910, s'appuyant sur l'hypothèse Mendélienne de l'hérédité, Hart suggéra que le freemartin et son jumeau devaient provenir du même oeuf, génétiquement mâle, et ayant subi au cours de sa segmentation une répartition inégale de ses déterminants sexuels ; le jumeau mâle recevant la fraction dominante fonctionnelle et le freemartin la fraction récessive non fonctionnelle.

    En 1916 et 17, deux équipes (Keller et Tandler en autriche, Lillie et Chapin aux USA) apportèrent les données indispensables à la compréhension du phénomène en étudiant des portées multiples. 

    1) les freemartins et leurs jumeaux mâles sont des faux-jumeaux (2 oeufs distincts, ou 2 corps jaunes visibles sur les ovaires) 
    2) dans les portées gémellaires de même sexe (mâle ou femelle) il n'y a pas d'anomalie de type freemartin 
    3) lorsque, dans les portées gémellaires hétérosexuées (mâle et femelle) il n'y a pas d'anastomose vasculaire, le foetus femelle est normal.
    Ils conclurent qu'une hormone secrétée par les testicules du jumeau mâle, véhiculée par le sang à travers les anastomoses sanguines jusqu'au jumeau femelle, devait être responsable de la "masculinisation" des organes génitaux internes des freemartins.

    [Document 3 : les observations de Keller, Tandler, Lillie et Chapin]

    Cependant, en 1945, Owen suggéra l'éventualité d'échanges cellulaires entre les freemartins et leurs jumeaux mâles, grâce aux anastomoses sanguines. Cette idée était née de l'observation des groupes sanguins des freemartins et de leurs jumeaux ainsi que des possibilités particulières de greffe entre eux. Elle fut appuyée dans les années 60 par l'observation des chromosomes de ces animaux. Ainsi, à la fin des années 60, certains auteurs supposèrent que le freemartinisme s'expliquait plutôt par les échanges cellulaires et le chimérisme XX/XY que par la théorie classique du passage d'une hormone.

    [Document 4 : les observations de Owen et document 5 : le chimérisme chromosomique]

    Connaissances actuelles sur l'effet freemartin

    Aujourd'hui, l'hypothèse du rôle du chimérisme chromosomique a été totalement abandonnée, en particulier grâce à une expérience de section utérine entre les jumeaux mâle et freemartin.

    La transformation du foetus de veau femelle est entièrement due à son environnement hormonal.

    Dans l'effet freemartin, on peut distinguer deux phases successives bien distinctes :

    1. Il existe un premier phénomène d'inhibition des canaux de Müller et des ébauches ovariennes ainsi que de leurs ovogonies, qui concerne tous les foetus freemartin et a lieu au moment de la régression des canaux de Müller du foetus jumeau mâle, les deux processus étant sous le contôle de la même hormone, l'hormone anti-Müllérienne (AMH) secrétée par les testicules du jumeau mâle. En effet, à ce stade (cela commence vers 50 jours post-coïtum), la gonade des freemartins ne produit pas d'AMH. Pendant cette première période de l'effet freemartin, il y a peu ou pas d'androgène chez les foetus freemartins, ce dont témoigne l'absence de masculinisation de leurs organes génitaux externes, alors qu'à ce stade les foetus femelles sont sensibles aux androgènes (on peut masculiniser un foetus bovin femelle en administrant de la testostérone à la vache gestante entre 45 et 60 jpc, période qui correspond à la mise en place du fourreau pénien et du tubercule génital chez le foetus de veau mâle, au delà, les androgènes n'ont plus d'effet). L'absence de testostérone d'origine mâle chez le freemartin n'est pas totalement élucidée (peut-être cette hormone est-elle entièrement transformée en oestrogène par l'aromatase placentaire ou hépatique du freemartin ?).

    2.  
    3. Un phénomène plus tardif de masculinisation de la gonade et des voies génitales internes n'affecte que la moitié environ des foetus freemartin et débute seulement vers 90 jpc. 

    4. Chez ces foetus freemartins, au moment de la folliculogénèse, s'édifient des cordons epithéliaux ressemblant à des cordons séminifères, en lieu et place de follicules ovariens. La cause exacte de cette inversion sexuelle de la gonade n'est pas connue, une des hypothèses pouvant être la disparition des cellules germinales sous l'effet de l'AMH (on sait que la présence de cellules germinales est indispensable à la formation des follicules). Expérimentalement, quand on cultive des ébauches ovariennes, à long terme, les cellules germinales dégénèrent et des cordons épithéliaux se différencient à la place de follicules.

      A ce stade, après 90jpc, les gonades masculinisées de ces freemartins produisent de l'AMH, mais celle-ci n'a aucun effet sur leurs canaux de Müller étant donné que la période de sensibilité de ces canaux à l'AMH est passée.

      Cependant l'AMH produite par le jumeau mâle (associée ou pas à celle du freemartin) a une action inhibitrice sur la synthèse de l'enzyme aromatase (hormone qui assure la transformation des androgènes en oestrogènes). Ainsi la testostérone produite par les ovaires des foetus freemartins n'est plus transformée en oestrogènes et masculinise plus ou moins complètement les voies génitales internes du foetus freemartin (présence de canaux déférents, de vésicules séminales et de prostate) dont la période de sensibilité est tardive et plus prolongée que celle des organes génitaux externes. Cette hypothèse actuelle est validée par le fait que ce sont les freemartins dont les gonades sont les plus masculinisées qui présentent également les voies génitales internes les plus masculinisées.


    Institut national de recherche pédagogique