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Proposition pédagogique

Par salame — Dernière modification 25/11/2018 16:15

 

1 - Chauve-souris et souris : comparaison des membres antérieurs

Ce document permet d'insister sur l'homologie des membres antérieurs de la souris et de la chauve-souris avec notamment la reconnaissance des 3 mêmes segments (stylopode, zeugopode, autopode).

En admettant que le membre antérieur de la souris représente l'état ancestral des membres antérieurs des mammifères, il conduit à dégager les états dérivés des membres antérieurs de la chauve-souris : allongement général du membre, surtout du zeugopode et de l'autopode, avec existence d'une membrane alaire soutenue par le doigt II et surtout les doigts III, IV et V (ces doigts ne sont donc pas libres). S'agissant de l'autopode l'allongement est considérable au niveau des métacarpiens et des phalanges des doigts II, III, IV et V.

Cette comparaison permet d'introduire le problème à résoudre, celui de la nature des innovations génétiques qui ont conduit à cet état dérivé. Seul est abordé dans ce dossier le problème de l'allongement du squelette du membre antérieur.

2 - Comparaison du développement embryonnaire des membres antérieurs de la chauve-souris et de la souris

 

Dans l'enregistrement fossile, les premiers chiroptères sont datés de 50 MA avec une morphologie très proche de celle des chauve-souris actuelles, notamment des membres antérieurs adaptés au vol. On ne connaît donc pas pour le moment de fossile présentant des étapes de l'évolution d'un membre antérieur vers une aile. La paléontologie ne fournit donc pas d'éclairage sur ce processus. Les chercheurs se sont alors orientés vers la biologie du développement, comparant notamment le développement des membres antérieurs de la souris et de la chauve-souris. Les différences dans les mécanismes du développement de ces organismes actuels seront supposées être acquises au cours de l'évolution des membres antérieurs des chauve-souris à partir de leurs ancêtres.

Les premiers stades du développement des membres antérieurs est très semblable chez la souris et la chauve-souris. Ils apparaissent comme des bourgeons sur les flancs des embryons qui croissent dans le sens proximo-distal jusqu'à l'ébauche des 3 segments. Aux deux derniers stades représentés, des différences apparaissent nettement dans l'allongement des segments et en particulier de l'autopode (surtout si l'on tient compte de l'échelle qui est au dernier stade double chez la souris par rapport à la chauve-souris). Cet allongement est confirmé par les données numériques fournies (rapport LM/LC).

On peut alors préciser la question : quelle est l'origine de l'élongation différentielle du membre, notamment des doigts à partir d'un certain stade du développement.

3 - L'allongement des doigts chez la chauve-souris et rôle du gène BMP2

 

- Le gène BMP2 et la croissance des doigts

L'expérience de culture in vitro des métatarses foetaux montre qu'au bout de 3 jours la croissance des métatarses dans les milieux de culture où la concentration de BMP2 est de 100ng et 1000ng est respectivement 2 à 4 fois supérieure à la croissance des témoins. Non seulement BMP2 agit sur la croissance mais son action est fonction de la concentration. Ce qui confirme l'hypothèse émise.

- Comparaison de l’expression du gène Bmp2 au cours du développement embryonnaire des métacarpes et phalanges de la souris et de la chauve-souris

L'expression du gène BMP2 est révélée par la présence et l'abondance de sa protéine dans les métacarpes foetaux. La coloration rouge est nettement plus importante dans les métacarpes de la chauve-souris que dans ceux de la souris et que dans les métatarses de la chauve-souris. Cela indique que le gène BMP2 s'exprime plus dans les métacarpes de la chauve-souris que dans ceux de la souris. Cela est d'ailleurs confirmé par les données relatives à l'ARNm de BMP2.

On peut donc supposer que cette plus forte intensité d'expression du gène BMP2 qui est à l'origine de forte croissance des doigts chez la chauve-souris.

- Action de la protéine BMP2 sur la croissance des doigts d’un embryon de chauve-souris

L'hypothèse précédente a été testée par des cultures de métacarpes et de phalanges de chauve-souris. On constate une nette croissance des métacarpes placés dans un milieux enrichi en BMP2, croissance supérieure à celle du témoins. Ces données confirment celles obtenues avec la souris.

En conclusion, on peut supposer qu'une augmentation de l'expression du gène BMP2 au cours du développement des os de la main des ancêtres de la chauve-souris a été un facteur qui a contribué à la morphologie des doigts des chauve-souris.

Les banques de données fournissent la séquence complète de la protéines BMP2 chez la souris et une séquence partielle chez la chauve-souris. La comparaison de ces séquences avec Anagène ne révèle qu'une seule différence sur le segment comparé. Il semble donc que les protéines BMP2 des deux espèces soient très semblables ce qui n'explique pas la différence dans l'expression du gène. On peut donc penser à une mutation au niveau d'une séquence régulatrice de l'expression du gène.

4 - L'allongement des membres

 

-  Photos des membres avant et arrière de souriceaux à la naissance chez lesquels le gène Prx1 est non fonctionnel

Le document montre qu'en l'absence de protéine PRX1 fonctionnelle, les os de l'avant-bras (radius et cubitus) de la souris sont réduits de 1/4 par rapport au témoin normal. Le gène PRX1 semble donc impliqué dans la croissance de certains os longs. Cela a conduit les chercheurs à émettre l'hypothèse que des différences dans l'expression de ce gène au cours du développement des membres antérieurs pourraient être, au moins en partie, responsables des différences dans l'allongement de ces membres au cours de leur développement.

- Expression du gène Prx1 au cours du développement embryonnaire des membres antérieurs de la chauve-souris et de la souris

·         Au début du développement des membres antérieurs, le gène Prx1 est exprimé de la même façon chez la chauve-souris et la souris. Puis, à partir du stade E12, on constate que le territoire d’expression du gène est plus étendu (voir flèches sur le document) chez la chauve-souris. Cela est net aussi au stade 12,5 dans l’ébauche de la main.

·         Il existe donc une corrélation entre les différences dans l’expression du gène dans les membres antérieurs embryonnaires et la croissance différentielle de ces membres chez la chauve-souris et la souris. Cette corrélation laisse à penser qu’au cours de l’évolution des chauves-souris, une extension, une plus forte expression du gène prx1, ont pu contribuer à l’allongement des membres antérieurs.

·         La comparaison des séquences codantes nucléiques du gène Prx1 de la chauve-souris et de la souris avec Anagène montre un petit nombre de différences. Surtout, si on traduit ces deux séquences et qu’on compare les deux séquences protéiques, on constate qu’elles ne diffèrent que par deux acides aminés. En outre le logiciel indique que les acides aminés différents sont très ressemblant pour l’un et ressemblant pour l’autre. Cela conduit à supposer, comme le disent d’ailleurs les chercheurs, que les deux protéines sont fonctionnellement identiques et donc non en cause dans les différences d’expression du gène.

En revanche, la comparaison des séquences d’une région régulatrice de la transcription du gène Prx1 chez les deux espèces, révèle de nombreuses différences. Même si l’homologie des séquences est nette (80 % de similitude), cela conduit à l’idée que les différences dans la région régulatrice sont à l’origine de celles dans l’expression du gène.

- Résultats de l’expérience de transgénèse

Par rapport aux souris témoins (+/+), les membres antérieurs des  souris transgéniques (BatE/BatE)  ont une longueur de 1% à 2% supérieure au stade 15,5 jours, et de 6% supérieure au stade  18,5 jours. En outre, la quantité d’ARN messager de Prx1reflétant l’intensité de la transcription du gène est 70% plus forte que chez les témoins. Il semble donc que la séquence régulatrice de la chauve-souris remplaçant celle de la souris fait que le gène Prx1 soit davantage transcrit et que cela entraîne une croissance plus forte des membres.

Conclusion

Il est possible qu’au cours de l’évolution des chauve-souris, des mutations dans la séquence régulatrice du gène Prx1, en provoquant une augmentation de l’expression du gène Prx1, aient contribué à l’allongement des membres antérieurs.

Bmp2 et Prx1 sont deux gènes du développement dont des changements dans l’expression au cours de l’histoire évolutive des chauves-souris ont participé à l’allongement des membres antérieurs, et cela sans que les protéines codées par ces gènes soient modifiées. Mais rien ne dit qu’ils soient les seuls gènes en jeu.