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Exploitation pédagogique HAR2

Par salame — Dernière modification 18/07/2016 16:39

1 - HAR2 : Une séquence très conservée et à évolution accélérée dans la lignée humaine

Comme pour HAR1, la découverte de la séquence HAR2 découle de la comparaison des génomes de plusieurs espèces à l’aide de programmes informatiques de façon à détecter des séquences très conservées dans les différentes lignées (séquences très semblables) mais ayant eu une évolution accélérée dans la lignée humaine (de nombreuses différences entre les séquences de l’Homme et du Chimpanzé).

HAR2 est une séquence de 546 pb dont la partie la plus significative est une région de 81 pb qui sera seule considérée dans la suite.

On peut demander aux élèves d’utiliser les fonctions d’Anagène pour comparer les séquences de HAR2 de plusieurs organismes et de traduire leurs résultats sous forme d’une matrice des distances. Un travail complémentaire consiste à indiquer le nombre de mutations (substitutions) intervenues sur chaque branche d’un arbre phylogénétique des espèces envisagées. Cela doit leur permettre de justifier le nom de HAR (Human accelerated region) donné à cette séquence.

matrice-Phylogène-HAR2.jpg

Mutations-HAR2.jpg

On peut préciser que l'ancêtre commun aux 3 Primates et à la Souris est daté de 110 MA environ. Celui commun aux 3 Primates de 25 MA environ, et celui commun à l'Homme et au Chimpanzé de 6 MA environ. Ces indications peuvent contribuer à quantifier la vitesse d'évolution de la séquence dans ces lignées et donc de justifier le nom de HAR donné à cette séquence.

A noter que le nombre de mutations indiquées sur les branches menant à l'Homme au Chimpanzé et au Macaque est certain. En revanche, le nombre des mutations (5) indiquées sur la branche de la Souris n'est qu'une possibilité. Il est possible en effet qu'une ou plusieurs de ces 5 substitutions aient eu lieu dans la branche menant à l'ancêtre commun aux 3 Primates.

On peut s'étonner enfin que la matrice des distances n'indique que 16 différences entre la séquence de l'Homme et de la Souris alors qu'on s'attendrait à en trouver 18. Ceci est dû au fait qu'une des mutations intervenue dans la lignée de la Souris (la première) est identique à celle intervenue dans la lignée humaine (convergence).

Cette accélération de l’évolution de la séquence HAR2 dans la lignée humaine laisse à penser que les mutations ont réussi à se fixer en conférant aux organismes qui les possédaient un avantage sélectif (sélection positive).  Elle a pu contribuer à l’acquisition de phénotypes propres à l’espèce humaine. Pour préciser cette idée, il faut déterminer le rôle de cette séquence, sa fonction.

2 - Les conséquences de l’évolution d’une séquence régulatrice

La séquence HAR2 n’est pas transcrite (on n’a pas mis en évidence d’ARN correspondant) et n’est donc pas un gène codant pour une protéine. Les chercheurs ont pensé que c’était une séquence régulatrice c'est-à-dire une séquence qui en association avec les facteurs de transcription qui s’y fixent, contrôle l’expression de gènes, soit en stimulant leur transcription, soit en la réduisant. Pour tester cette idée, ils ont  réalisé des expériences de transgénèse en utilisant la méthode du gène rapporteur.

Un gène rapporteur est un gène étranger au génome de l’organisme chez lequel on l’a introduit, qui  code pour une protéine qui peut être facilement visualisée dans les tissus. On peut ainsi savoir si ce gène s’exprime dans l’organisme, dans quels tissus et à quel moment du développement. Dans l’expérience de transgénèse réalisée par les chercheurs, le gène rapporteur utilisé est un gène qui code pour une enzyme, la bêta galactosidase. Celle-ci agit sur un substrat, le X-gal et le produit de la réaction est de couleur bleue.

Les chercheurs ont réalisé des constructions géniques associant le gène rapporteur LacZ codant pour la bêta galactosidase, à la séquence HAR2 soit de l’Homme, soit du Chimpanzé, soit du Macaque. Ils ont introduit ces constructions dans des œufs de souris, puis, en sacrifiant les embryons à 11,5 jours de gestation, ils ont recherché la présence de la bêta galactosidase dans les tissus de l’embryon. Les clichés ci-dessous indiquent les résultats obtenus.

On peut préciser que si on réalise une transgénèse avec le gène rapporteur seul (sans HAR2), ce dernier n’est pas exprimé chez la souris transgénique.

Expression-HAR2-Gène rapporteur.jpg

En haut, territoires de l'embryon de Souris où le gène rapporteur s'exprime. En dessous, les clichés illustrent le degré d'expression du gène rapporteur chez les embryons de Souris en fonction de l'origine de la séquence HAR2 présente dans le transgène (HAR2 de l'Homme, du Chimpanzé et du Rhésus). Trois essais de transgénèse sont présentés. HACSN1 (Human Accelerated Conserved Non-Coding Sequence) est une dénomination ancienne de la séquence HAR2.

 Cliché main.jpg

Expression du gène rapporteur avec HAR2 humaine chez un embryon de Souris à 13,5 jours, dans l'ébauche de la main.

La première conclusion à dégager est que la séquence HAR2 humaine augmente considérablement l’expression du gène rapporteur et se comporte donc comme une séquence régulatrice stimulant l’expression de ce gène ; elle stimule notamment son expression au niveau des membres et plus particulièrement dans le territoire du poignet et du pouce.

La deuxième conclusion est que les séquences HAR2 du Chimpanzé et du Macaque entraînent une expression du gène rapporteur nettement plus faible que ne le fait la séquence humaine.Celle-ci a donc des propriétés régulatrices différentes chez l'Homme.

3 – Bilan

Les différences entre les séquences HAR2 de l’Homme et du Chimpanzé indiquent que cette séquence a beaucoup évolué dans la lignée humaine, contrairement à ce qu’on constate dans les autres lignées de primates et plus généralement de mammifères. Cela signifie que de nombreuses mutations de HAR2 ont réussi à se fixer dans la lignée humaine, ce qui suggère qu’elles devaient conférer aux organismes qui les possédaient un avantage sélectif (sélection positive). On peut faire l’hypothèse que cette évolution accélérée de la séquence a débouché sur l’acquisition de nouvelles propriétés dans la lignée humaine et finalement chez l’Homme.

La séquence HAR2 n’est pas une séquence codante. Les expériences de transgénèse avec gène rapporteur montrent que c’est une séquence régulatrice qui stimule l’expression du gène rapporteur dans plusieurs territoires de l’embryon en développement, notamment les membres. Au cours du développement, elle doit stimuler l’expression de gènes cibles intervenant dans la construction des membres.

La séquence HAR2 humaine a une action stimulatrice plus importante que celle du Chimpanzé. Contrairement à cette dernière elle exerce son action dans les territoires du poignet et du pouce en développement. On peut penser que cela se traduit par l’acquisition de caractéristiques propres à la main humaine. En extrapolant, des chercheurs comme Katherine Pollard vont jusqu’à penser que l’évolution de HAR2 « pourrait expliquer des modifications morphologiques survenues dans la main humaine et qui ont conféré à l’Homme la dextérité nécessaire à la fabrication et à l’utilisation d’outils complexes ». Mais il s’agit à d’une extrapolation et il faudrait d’abord connaître les gènes dont l’expression est contrôlée par la séquence régulatrice HAR2. Néanmoins, c’est un exemple qui illustre l’importance des mécanismes intervenant sur l’expression de gènes de développement dans l’acquisition de spécificités humaines.