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L'adaptation à l'altitude des Tibétains

Par salame — Dernière modification 31/12/2021 10:30

Introduction

L’évolution ayant conduit à la diversité des populations humaines après la sortie d’Afrique des sapiens et la conquête des diverses régions du monde, résulte en grande partie des mécanismes classiques : genèse de nouveaux allèles à la suite de mutations, expansion de ces nouveaux allèles ou d’allèles préexistants sous l’effet de la sélection naturelle et de la dérive génique (en particulier pour les populations de faible effectif). Ces mécanismes ont permis l’adaptation des populations de sapiens aux caractéristiques des divers environnements rencontrés.

Les données récentes résultant de la comparaison des génomes entiers des sapiens avec ceux d’autres Homo comme les néandertaliens et les denisoviens, ont montré qu’il y avait eu des hybridations entre les sapiens et ces Homo désignés, souvent à tort, comme archaïques. (cf Origine génétique des homo sapiens).

Ces métissages ont donc affecté le génome des populations de sapiens et il semble qu’ils ont eu lieu assez tôt après la sortie d’Afrique. Une question récemment abordée par les généticiens est de voir si cette introgression d’ADN d’autres Homo dans le génome des sapiens a contribué à l’adaptation des populations de sapiens aux divers environnements rencontrés.

Le génome de néandertalien ou de denisovien intégré dans celui de sapiens contribue-t-il aux caractéristiques biologiques de ces sapiens ? Un cas récemment étudié est celui de l’adaptation à l’altitude des Tibétains.

L’adaptation à l’altitude des Tibétains.

  • Le problème posé par la vie aux altitudes élevées pour des personnes habitant habituellement à basse altitude

La pression en dioxygène et l'altitude

Des populations, comme celles des plateaux Tibétains, andins et éthiopiens, vivent en permanence à des altitudes élevées, jusqu'à 4000 - 4500 mètres pour certaines. Le principal problème associé à la vie à ces altitudes est la diminution de la pression en dioxygène. Elle est causée par la baisse de la pression atmosphérique avec l’altitude, le pourcentage de dioxygène dans l’atmosphère restant le même : 21%.

 Variation de la pression atmosphérique-2.jpg

  Pression atmosphérique et pression partielle en oxygène en fonction de l'altitude.

D'après  http://www.secours-montagne.fr/IMG/pdf/Physioalti-Riedmatten.pdf

Les conséquences sur le transport du dioxygène vers les tissus

Or la fixation du dioxygène par le sang au niveau des alvéoles pulmonaires dépend de la pression en dioxygène de l’air alvéolaire. Aux altitudes élevées, la quantité de dioxygène transportée par l’hémoglobine du sang artériel est donc plus faible. Il en résulte un moindre apport de dioxygène aux tissus. 

Saturation artérielle en O2.jpg

Transport de l'oxygène par le sang artériel en fonction de l'altitude.

100% SaO2 = sang artériel saturé en O2. c'est à dire : sang dont l'hémoglobine des hématies ne peut transporter d'avantage de O2.

(figure d'après http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/diumedvoyages/Richalet.pdf).

Conséquences au niveau de la santé

Cela se traduit souvent par des symptômes, désignés sous le nom de « mal aigu des montagnes » : maux de tête, vomissements, essoufflement, grande fatigue, etc.

Fréquence du mal de montagne.jpg

MAM = Mal aigu des montagnes

(figure d'après http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/diumedvoyages/Richalet.pdf).

Conséquences sur l'activité physique

La Vo2max diminue donc en fonction de l'altitude. Comme la capacité de faire des efforts intenses dépend de la Vo2max, ceux-ci sont impossibles aux altitudes élevées.

Variation de la Vo2max atmosphérique.jpg

 Pb = Pression atmosphérique. Vo2max = consommation maximale d'oxygène par l'organisme.

(figure d'après http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/diumedvoyages/Richalet.pdf).

Une acclimatation à l'altitude

Au bout de quelques jours de séjour en altitude, ces symptômes disparaissent. Cela s’accompagne de modifications physiologiques, en particulier du nombre d’hématies, provoqué par une augmentation de leur production par la moelle osseuse. Cela entraîne une augmentation de la quantité d’hémoglobine du sang, et donc une meilleure capacité de transport du dioxygène compensant la baisse de la pression de O2 dans l’air alvéolaire.

Concentration de l’hémoglobine.jpg

(figure d'après http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/diumedvoyages/Richalet.pdf).

Une conséquence à terme : le mal chronique des montagnes

Lorsqu’une personne séjourne longtemps en altitude, elle éprouve souvent des symptômes désignés sous le nom de maladie chronique des montagnes, liée notamment à une forte polyglobulie qui entraîne une plus grande viscosité du sang.

Hematocrite-Altitude.jpg

D'après Zubieta Calleja et al. : Altitude adaptation through hematocrit changes.

Cela augmente le risque d’accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque, ainsi que d’œdème pulmonaire. En outre la vie permanente en altitude des gens issus de régions de basse altitude a des répercussions sur la reproduction notamment sur le développement des fœtus qui ont un poids plus faible à la naissance. La mortalité infantile est accrue par rapport à celle des personnes restées à basse altitude.

  • Les caractéristiques biologiques des Tibétains vivant en permanence à 3000-4500 mètres d’altitude

Les Tibétains vivant en permanence à 3000-4500 mètres d'altitude sont capables de faire des efforts intenses et ne souffrent pas du mal chronique des montagnes.

Comparaison de la concentration d'hémoglobine chez les Tibétains et les Chinois Hans vivant à 4000m d'altitude

La figure renseigne sur la concentration d’hémoglobine trouvée chez les Tibétains des hauts plateaux (4000m) par rapport à celle de Chinois Hans établis au Tibet aux mêmes altitudes depuis plusieurs années.

Concentration HB Tibetains-Han.gif

D'après Wu et al. : Hemoglobin levels in Qinghai-Tibet: different effects of gender for Tibetans vs. Han.

Les Chinois Hans et les Tibétains sont 2 populations très proches. Aussi bien chez les hommes que chez les femmes la concentration d'hémoglobine est plus faible chez les Tibétains que chez les Hans. Cette concentration de l'hémoglobine est en relation avec le nombre de globules rouges qui est plus faible chez les Tibétains que chez les Hans vivant en altitude.

Cumulative frequency distribution.jpg

 Fréquence cumulée de la concentration d'hémoglobine dans 3 populations : résidents US vivant au niveau de la mer, Tibétains et Boliviens Aymara vivant à 4000m.

 D'après Wu et al. : Hemoglobin levels in Qinghai-Tibet: different effects of gender for Tibetans vs. Han.

Ce document indique aussi bien pour les Hommes que pour les Femmes que la concentration en hémoglobine chez les Tibétains est inférieure à celle des boliviens Aymara vivant en altitude. En outre, les variations de la concentration d'hémoglobine dans la population tibétaine sont quasiment identiques à celles d'une population d'américains vivant au niveau de la mer. L'originalité des Tibétains réside dans le fait que contrairement aux autres populations vivant à haute altitude, ils n'ont pas de polyglobulie. En conséquence le mal chronique des montagnes lié à la polyglobulie n'existe pas ou est très rare chez les Tibétains. Malgré cela ils sont capables d'activités intenses ce qui implique une capacité plus performante à utiliser le dioxygène.

Comparaison des poids à la naissance entre les Tibétains et les Hans

 

Poids à la naissance.jpg

Le poids à la naissance diminue avec l'altitude mais de façon plus importante chez les Hans que chez les Tibétains. Cela est associé à une mortalité plus forte chez les Hans que chez les Tibétains.

D'après Petousi : Human adaptation to the hypoxia of high altitude: the Tibetan paradigm from the pregenomic to the postgenomic era. J Appl Physiol (1985). 2014 Apr 1; 116(7): 875–884.