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La méthylation de l’ADN et la différenciation phénotypique reine-ouvrière

Par salame — Dernière modification 29/09/2017 13:37

Problématique

Un même génome peut conduire à deux phénotypes différents en fonction de l’alimentation de la larve d'abeille. Cela implique deux patrons de développement différents et donc une expression  différentielle de gènes impliqués dans le développement. Cela laisse supposer que des marques épigénétiques différentes se mettent en place en fonction de la nature de l’apport alimentaire, marques qui agissent sur l’expression des gènes.

La méthylation de l’ADN est un mécanisme épigénétique très fréquent et les chercheurs ont fait l’hypothèse qu’il était impliqué dans la genèse du polymorphisme reine-ouvrière. Les expériences suivantes permettent de tester cette hypothèse.

A - Effet de l'inhibition d’un gène qui code pour une enzyme, la méthyltransférase3

Protocole expérimental

En 2008, Kucharski et all. soumettent des larves nouvellement écloses, à un traitement reconnu pour bloquer spécifiquement, au moins en partie, un gène, le gène DNMT3 qui code pour une enzyme assurant la méthylation de l’ADN au cours du développement. L’élevage de ces larves s’effectue au laboratoire et elles ne reçoivent pas de gelée royale à partir du troisième jour.

Résultats

L’histogramme ci-dessous indique la quantité d’ARNm du gène DNMT3 présente chez les larves traitées, 23h et 48h après le début du traitement. Cette quantité est quantifiée par rapport à l’expression d’un gène de référence (d’où les valeurs indiquées en pourcentage).

Effet traitement DNMT3.jpg

Les chercheurs ont essayé de voir si le traitement subi par les larves avait effectivement affecté la méthylation de certains gènes. Pour cela ils ont étudié en particulier la méthylation d’un gène, le gène dynactin p62, connu pour s’exprimer au cours du développement de la larve (sans qu’on sache s’il est impliqué dans la création du polymorphisme reine- ouvrière). Comme pour la plupart des gènes étudiés, les sites méthylés chez l’Abeille sont situés dans les exons. Les chercheurs ont comparé la méthylation de 10 sites CpG des exons 4, 5 et 6 du gène dynactin p62 chez des larves en fin de stade L3 : larves d’ouvrières et de reines de la ruche, larves d’ouvrières élevées au laboratoire chez lesquelles on a inactivé le gène DNMT3, et larves d'ouvrières non traitées.

Kucharski-F3.large.jpg

 RNAi = Larves traitées. Le pourcentage de méthylation de chaque site CpG est indiqué dans une boîte et la moyenne pour les 10 sites indiquée au milieu.

D'après : Nutritional Control of Reproductive Status in Honeybees via DNA Methylatio. R. Kucharski, J. Maleszka, S. Foret, R. Maleszka. Science
Vol. 319 no. 5871
pp. 1827-1830. Modifié

Remarque : La recherche des CpG dans la séquence du gène dynactin p62 montre qu'ils sont positionnés dans les exons 4, 5 et 6 comme illustré sur le graphique ci-dessus et non dans les exons  5, 6 et 7 comme indiqué dans l'article de Kucharski et all.

Fichier Dynactine p62.edi pour Anagène

Phénotypes des abeilles issues de ces larves traitées et non traitées

L’histogramme suivant illustre de façon quantitative ces phénotypes.

Effects DNMT3 RNAi.jpg

 RNAi = Larves traitées.

D'après : Nutritional Control of Reproductive Status in Honeybees via DNA Methylatio. R. Kucharski, J. Maleszka, S. Foret, R. Maleszka. Science
Vol. 319 no. 5871 pp. 1827-1830 


 

B – Action de la gelée royale sur la méthylation de l’ADN

Le document La nutrition des larves mentionne une expérimentation où les larves de 3 jours ont été élevées au laboratoire avec un régime de gelée royale pendant des durées variables. Les chercheurs ont déterminé l’expression du gène DNMT3 chez les larves des trois lots au 6ème jour de vie larvaire.

DNMT3 Activity-New.jpg

De gauche à droite, activité de l'enzyme DNMT3 en mmol/min chez des larves nourries respectivement pendant 3, 4 et 5 jours de gelée royale.

D'après :Diet and cell size both affect queen-worker differentiation through DNA methylation in honey bees (Apis mellifera, Apidae)PLoS One. 2011 Apr 26.

Ils ont aussi étudié la méthylation du gène dynactin p62 à 14 sites répartis dans 7 des 9 exons du gène comme l'illustre la figure ci-dessous.

Sites CpG 8 exons dynactine.jpg

CpG Exon 1
TCCAAAATTCGTTGCGGATATTGTGTCTGTCAA
CpG Exon2
CATCATCAGAAGTTCGTCTTAAAAAAAACAA
CpG Exon 3
AATTGTTTCAAATGTCCGTGTTGCTTTCAAACA
Cpg Exon 4.1
TACAAACCGGA
CpG Exon 4.2
ATTTCGACCAAAGCGTCCTT
CpG Exon 5
CTGCTATGGTTCGTAAACGTATTGGACATCCT
CpG Exon 7
GTGAACCACTTCGTCCAGGTAA
CpG Exon 8.1
TATCGTGCGACA
CpG Exon 8.2
AAACGAAATC
CpG Exon 8.3
TAGCGCTC

Fragments du gène Dynactin p62 (intégrés dans le fichier Anagène) correspondant aux CpG étudiés par les chercheurs. Les notations 4.1, 4.2, 8.1, 8.2, 8.3 désignent les différents petits bouts des exons indiqués séparés dans le document précédent par des points de suspension.

Le tableau suivant précise le pourcentage de méthylation de ces sites chez les larves des trois lots.

% de méthylation  sites CpG.jpg

D'après :Diet and cell size both affect queen-worker differentiation through DNA methylation in honey bees (Apis mellifera, Apidae)PLoS One. 2011 Apr 26.


 

C - La découverte d'une conséquence de la méthylation des exons chez l'abeille

Chez les mammifères c’est la méthylation des sites CpG des séquences régulatrices des  gènes qui affectent l'expression de ces derniers, une forte méthylation inhibant celle-ci. Chez l’Abeille cela ne semble pas être toujours le cas puisque la méthylation touche surtout les exons. On a alors fait l’hypothèse que chez l’Abeille la méthylation des exons pouvait affecter l’épissage des gènes. Cela a été testé notamment sur le gène GB18602 qui code pour une protéine transmembranaire.

On dispose :

- de la séquence complète du gène en ADN (brin non transcrit) ;

- de la séquence de l'ARN-prémessager ;

- Des séquences de deux ARNm résultant de la transcription du gène suivie de deux épissages différents de l'ARN pré-messager ;

- des séquences strictement codantes des 2 ARNm.

 Fichier GB18602-ARN.edi

A partir de là on peut rechercher en quoi diffèrent les épissages conduisant à 2 ARNm à partir de la même séquence du gène. Pour cela on peut comparer les 2 ARNm.

La conclusion tirée de cette comparaison peut aussi être testée à l'aide du dotplot.

DotPlot-ARNm-GB18602.jpg

Afin d'avoir une vue d'ensemble de la structure du gène, on peut comparer l'ARN-prémessager avec chacun des ARNm des variants d'épissage.

DotPlot-PreARNm-ARNm-X1-GB18602.jpg

 

DotPlot-PreARNm-ARNm-X2-GB18602.jpg

On peut enfin comparer les 2 protéines et rechercher comment les différences dans les épissages des 2 ARNm entraînent les différences au niveau protéique.


 On dispose aussi du profil de méthylation du gène GB18602 chez les ouvrières et la reine (ce qui permet de voir s’il y a une corrélation entre méthylation et épissage).

Position CpG méthylés - épissage-New.jpg

Enfin on dispose de l’expression relative des deux ARNm transcrits chez l’ouvrière et la reine.

Expression ratio.jpg

D'après : The Honey Bee Epigenomes: Differential Methylation of Brain DNA in Queens and Workers. Lyko et al. Plos November 2, 2010.

 Expression des variants S et L chez les reines/ouvrières.

En ordonnée on a le rapport  : expression du gène chez la reine / expression du gène chez les ouvrières des variants d'épissage court et long du gène 18602.