Hérédité de l’albinisme
Hérédité de l’albinisme
1. Intérêt et objectif de l’étude
Comme pour l’hérédité des rétinites pigmentaires, l’objectif est d’amener les élèves à réinvestir les raisonnements appris dans l’interprétation de données sur un phénotype héréditaire, le phénotype albinos. C’est un exemple classique dans les apprentissages en génétique humaine. Il ne s’agit pas toutefois de faire une étude exhaustive de l’hérédité de l’albinisme. L’accent est mis sur l’interaction entre deux gènes dans la réalisation d’un phénotype. C’est différent de l’hérédité des rétinites pigmentaires. Dans ce dernier cas, il y a bien plusieurs gènes pouvant être à l’origine des rétinites mais on n’envisage pas les conséquences phénotypiques de leurs interactions.
Comme pour les rétinites, les documents remis aux élèves comportent :
- des informations générales sur les mécanismes de la pigmentation ;
- des données sur les phénotypes albinos ;
- des informations sur les gènes dont les mutations peuvent affecter la pigmentation de la peau, des cheveux et des yeux ;
- un arbre généalogique relatif à deux familles dont certains membres ont le phénotype albinos ;
- les séquences des allèles possédés par des membres des familles relatifs à des gènes dont des mutations sont à l’origine du phénotype albinos.
2. Pigmentation et phénotypes albinos
La pigmentation de la peau dépend de la synthèse d’un pigment, la mélanine, à partir d’un acide aminé la tyrosine, dans des cellules de la peau : les mélanocytes. Les mélanosomes, organites des mélanocytes où a lieu la synthèse de mélanine, sont ensuite transférés aux kératinocytes, cellules épidermiques de la peau.
Plusieurs gènes interviennent dans ce mécanisme complexe.
- Un gène crucial est celui codant pour l’enzyme tyrosinase qui, dans les mélanocytes, catalyse plusieurs étapes de la biosynthèse de la mélanine. Son locus est sur le chromosome 11. La plupart de ses mutations entraînent un albinisme oculo-cutané (OCA1) caractérisé par une absence totale de pigmentation de la peau, des cheveux et des yeux.
- Un deuxième gène, OCA2, n’intervient pas directement dans la synthèse de mélanine mais code pour une protéine P qui conditionne le transfert de l’acide aminé tyrosine, précurseur de la mélanine, du cytoplasme vers les mélanosomes. Ce gène est situé sur le chromosome 15. Ses mutations sont à l’origine de l’albinisme oculo-cutané de type 2, marqué par un déficit net de la pigmentation, avec toutefois une légère pigmentation à la naissance, notamment des cheveux, qui augmente un peu par la suite.
L’OCA1 et l’OCA2 sont différenciés par le test du bulbe pileux.
Ce test consiste à incuber des bulbes pileux prélevés chez un individu albinos dans une solution de tyrosine pendant 24h à 37°. Si la pigmentation redevient normale, on conclut à un albinisme de type OCA2 (tyrosinase active).
Il existe également un gène situé sur le chromosome X dont les mutations sont cause d’un albinisme oculaire mais n’affectant pas la peau et les cheveux.
3. Analyse généalogique et analyse génotypique
a - Sur l’albinisme oculo-cutané
Arbre généalogique de la famille Antoine
Dans cette famille, individu II2 : test du bulbe pileux négatif ; individu II3 : test du bulbe pileux positif.
Généalogie famille Antoine - Tyrosinase.edi
Généalogie famille Antoine - OCA2.edi
Une proposition d’activité
- Discuter de la dominance ou de la récessivité du phénotype albinos en considérant uniquement les deux premières générations, puis uniquement les deuxième et troisième générations.
- Rechercher une explication à la non concordance entre les deux conclusions en tenant compte d’une part des précisions sur les phénotypes de II2 et II3, d’autre part des informations sur les gènes dont les mutations peuvent engendrer le phénotype albinisme.
- Tester l’explication à l’aide des fichiers de séquences.
- Déterminer à l’aide des fichiers de séquences les génotypes des individus III1, III2 et expliquer les mécanismes qui font que le couple d’albinos II2 - II3 ait pu avoir des enfants avec ces génotypes.
b. Sur une autre forme d’albinisme
Arbre généalogique de la famille Claude
Source : T Rosenberg, M Schwart : X-linked ocular albinism: prevalence and mutations--a national study. Eur J Hum GenetNov-Dec 1998;6(6):570-7.
Sur cet arbre, les conjoints des femmes, qui avaient tous une pigmentation normale des yeux, ne sont pas représentés.
Génalogie famille Claude OA1.edi
Une proposition d’activité
- A partir de la seule analyse de l’arbre généalogique et en appliquant les raisonnement appris lors de l’étude d’autres arbres généalogiques, expliquer les phénotypes des garçons de la cinquième génération alors que dans cette famille Claude, le seul autre individu atteint d’albinisme oculaire se trouve dans la troisième génération. Tester si les données sur les génotypes sont en accord avec l’explication.
- En cas d’union entre la femme III3 de l’arbre précédent et l’homme VI1 de cet arbre, calculer la probabilité que ce couple a d’avoir un enfant albinos quel que soit le phénotype albinos.
3. Les raisonnements que les élèves doivent tenir
a - A propos de l’arbre généalogique de la famille Antoine
- Puisque II2 et II3 ont le phénotype albinos alors que leurs parents ont une pigmentation normale, cela Indique que le phénotype albinos est récessif. Dans ce cas, II2 et II3 ne possèdent que des allèles mutés ne permettant pas la synthèse de mélanine.
Si on ne considère que les deuxième et troisième générations, le phénotype albinos est dominant. Leurs enfants ayant une peau pigmentée, cela signifie qu’ils ont dans leur génotype des allèles permettant la synthèse de mélanine. Mais cela ne se traduit pas dans leur phénotype puisqu’ils sont albinos.
Il y a donc une contradiction dans les conclusions relatives à la dominance ou la récessivité des allèles à l’origine de l’albinisme. Si le phénotype albinos est récessif le couple II2-II3 ne peut avoir des enfants dont la peau, les cheveux et les yeux sont pigmentés. - La contradiction trouve son explication en considérant les informations sur les phénotypes de II2 et II3. En particulier le test au bulbe pileux de II2 est négatif ce qui signifie qu’il ne synthétise pas l’enzyme tyrosinase qui catalyse la synthèse de mélanine dans les mélanosomes. En revanche, le test au bulbe pileux de II3 est positif ce qui indique qu’elle synthétise une tyrosinase fonctionnelle. L’albinisme de II2 est dû à des allèles mutés du gène de la tyrosinase ce qui n’est pas le cas de II3. Les informations sur les gènes intervenant dans la pigmentation de la peau signalent qu’un autre gène que celui codant pour la tyrosinase intervient dans la pigmentation de la peau, le gène OCA2. On peut penser que l’albinisme de II3 est dû à des mutations de ce gène.
- Si on revient à la dominance ou la récessivité des gènes, les allèles mutés du gène de la tyrosinase sont bien récessifs, comme le sont les allèles mutés du gène OCA2.
- En revanche le phénotype normalement pigmenté de III1 et de III2 ne permet de dégager aucune conclusion sur la dominance ou la récessivité des gènes en cause. En effet, le phénotype « pigmentation normale » de III1 et III2, apparemment récessif, résulte d’une interaction entre deux gènes intervenant dans la synthèse de mélanine, le gène « Tyr » et le gène « OCA2 » .
- Les séquences relatives à ces deux gènes corroborent cette explication
- En ce qui concerne le gène qui code pour la tyrosinase
Il est bon de comparer en premier les séquences des allèles Tyrcod1 et Tyrcod2. Elles diffèrent au codon 192 : TCT pour Tyrcod2 ; TAT pour Tyrcod1. La tyrosinase résultant de l’expression de Tyrcod1 a, en position 192, l’acide aminé tyrosine, alors que celle codée par Tyrcod2 a l’acide aminé sérine. Malgré cette différence, ces deux tyrosinases ont la même activité enzymatique. Une des séquences dérive sans doute de l’autre par mutation sans qu’on puisse dire laquelle est celle qui est mutée. Ces deux allèles ont pu par la suite muter.
Dans l’analyse des séquences des allèles à l’origine du phénotype albinos, les élèves ne devront pas prendre en compte les différences au codon 192, c’est-à-dire les considérer comme des mutations causes de l’albinisme.
I1 et I2 sont hétérozygotes pour le gène Tyr. Ils possèdent un allèle « normal » et un allèle muté. I1 possède l’allèle muté « TyrAlb4 » et II2 l’allèle muté « TyrAlb3 ». En outre l’allèle non muté est pour I1 et I2, Tyrcod2. Ces génotypes confirment la récessivité des allèles mutés du gène de la tyrosinase puisque les hétérozygotes ont un phénotype « pigmentation normale ».
L’allèle « TyrAlb3 » diffère des allèles de référence par une substitution au nucléotide 533 (G533A) et donc au niveau codon par TGG178TAG. Le codon TAG est un codon stop ce qui entraîne un arrêt de la synthèse de la tyrosinase. Celle-ci est donc raccourcie (177 acides aminés au lieu de 529) et non fonctionnelle.
L’allèle « TyrAlb4 » diffère des allèles de référence par une substitution au nucléotide 242 : C242T, cela entraîne une mutation au codon 81 : CCT81CTT. La tyrosinase mutée diffère de la tyrosinase fonctionnelle par une substitution d’acide aminé Pro81Leu. Cette seule différence suffit pour rendre la tyrosinase inactive.
Les génotypes de I3 et I4 sont respectivement Tyrcod1//Tyrcod1 et Tyrcod1//Tyr cod 2. Ces personnes synthétisent donc uniquement une tyrosinase fonctionnelle, en accord avec le test du bulbe pileux.
- En ce qui concerne le gène OCA2
I1 et I2 possèdent les deux allèles de référence de ce gène codant donc pour une protéine fonctionnelle.
En revanche I3 et I4 possèdent un allèle muté du gène OCA2, l’allèle OCA2 m3, et un allèle « normal ».
- En considérant les deux gènes :
- les génotypes de de II2 et de II3 sont :
Génotype de II2 : TyrAlb3//TyrAlb4 ; OCA2 norm//OCA2norm
Génotype de II3 : Tyrcod1//Tyrcod2 ; OCA2 mut3//OCA2mut3
- Les génotypes de III1 et de III2 sont :
Génotype de III1 : Tyrcod2 //Tyralb4, OCA2 norm//OCA2mut3
Génotype de III2 : Tyr cod1//TyrAlb3, OCA2 norm//OCA2mut3
- Les deux gènes sont situés sur des chromosomes différents (11 et 15). On peut alors interpréter la descendance de II2 et II3 par le brassage inter-chromosomique ce qui amène à indiquer les types de gamètes produits par chacun d’entre eux :
TyrAlb3/OCA2norm, et TyrAlb4//OCA2norm pour I2
Tyrcod1//OCA2mut3 et Tyrcod2//mut3 pour II3
Il reste à faire l’échiquier de croisement prévisionnel de la descendance pour trouver les génotypes possibles, parmi lesquels on trouve ceux de III1 et III2.
Par suite de la récessivité des allèles mutés des 2 gènes, aucun descendant albinos ne peut naître de cette union.
b - A propos de l’arbre généalogique de la famille Claude
C’est un exercice de synthèse où les recherches à faire ne sont pas détaillées. L’élève doit :
- discuter de la récessivité ou de la dominance des allèles du gène à l’origine de l’albinisme oculaire ;
- argumenter en faveur de l’idée que dans cette famille, l’albinisme oculaire s’explique sans difficulté par les mutations d’un gène situé sur le chromosome X et qu’il est peu probable qu’il s’agisse d’une hérédité autosomale ;
- repérer que dans cette famille l’allèle en cause se transmet de génération en génération par l’intermédiaire des femmes qui doivent être hétérozygotes (un allèle « normal » du gène en cause et un allèle muté récessif) ;
- expliquer que l’absence de garçon ayant le phénotype « albinisme oculaire » dans les générations III et IV est dû au hasard de la rencontre des gamètes au cours de la fécondation.
- En confrontant ces conclusions avec les informations sur les gènes dont certaines mutations engendrent le phénotype albinos, l’élève doit supposer que le gène OA1 est situé sur le chromosome X.
- L’analyse des séquences indique que les hommes ayant le phénotype « albinisme oculaire » possèdent tous un allèle muté du gène OA1 et que les hommes ayant une pigmentation normale ont un génotype sans cet allèle muté, avec un allèle normal. Cette corrélation est une relation de cause à effet démontrant que dans cette famille le gène OA1 est bien impliqué dans l’albinisme oculaire. Le fait que les hommes n’aient qu’un seul allèle confirme que le gène en jeu est situé sur le chromosome X.
- Les femmes assurant le lien entre les générations successives ont un génotype avec un allèle normal et un allèle muté du gène OA1. Cela confirme leur rôle dans la transmission de l’allèle muté au fil des générations. Elle produisent deux types de gamètes avec la même probabilité ; c’est par le hasard de la fécondation que les femmes V1, V4 et V6 n’aient eu que des garçons ayant un albinisme oculaire.
- Prédiction de la descendance du couple III3-famille Antoine et VI1-famille Claude
Trois gènes sont en jeu : Tyrosinase, OCA2, OA1
On ne dispose pas d’informations sur les allèles du gène OA1 possédés par la femme III3. On admettra que ce sont des allèles normaux.
On ne dispose pas non plus des séquences des allèles possédés par l’homme VI1 en ce qui concerne les gènes Tyrosinase et OCA2. On admettra que ce sont des allèles « normaux ».
Le génotype de III3 relatif à ces trois gènes serait :
Tyrcod//TyrAlb3, OCA2norm//OCA2mut3, XOA1norm/XOA1 norm.
Le génotype de VI1 relatif à ces trois gènes est :
Tyrcod//Tyrcod, OCA2norm//OCA2norm, XOA1mut//Y
Les 3 gènes étant sur trois chromosomes différents, on peut appliquer la notion de brassage interchromosomique pour indiquer le type de gamètes produits par chacun d’eux.
- III3 produit 4 types de gamètes :
Tyrcod/OCA2norm/XOA1norm ;
Tyrcod/ OCA2mut3/XOA1norm/ ;
TyrALB3/OCA2norm/XOA1norm/
TyrALB3/OCA2mut3/XOA1norm/
- VI1 produit deux types de gamètes :
Tyrcod/OCA2norm/XOA1mut /
Tyrcod/ OCA2/norm/Y/
Il ne reste plus qu’à faire l’échiquier de croisement pour identifier les génotypes possibles des descendants et, en tenant compte de la dominance et de la récessivité des allèles des gènes, leurs phénotypes. On arrive à la conclusion qu’aucun descendant ne souffrira d’une forme quelconque d’albinisme.