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L’épigénétique dans les programmes actuels du second cycle

Par salame — Dernière modification 21/12/2017 00:30

Analyse par Jean-Claude Hervé (Ex IA-IPR de l'Académie de Versailles)

Introduction

Les programmes du second cycle des années 90 et de la première décennie du 21ème siècle ne font pas allusion à l’épigénétique. Néanmoins, ils ont eu le mérite de placer les notions de biologie moléculaire dans la perspective de la façon dont le génotype, en interaction avec l’environnement, déterminait le phénotype d’un organisme. Cela est en  accord avec le sens premier du terme d’épigénétique, dû à Waddington, et ce d’autant plus que ces programmes ont introduit l’étude des gènes de développement et notamment des gènes homéotiques. Cependant, ces programmes restaient uniquement axés sur la façon dont l’ADN des gènes déterminait les caractéristiques phénotypiques et mettaient très peu l’accent sur la régulation de l’expression des gènes, point crucial de l’épigénétique.

Dans les programmes en vigueur depuis le début des années 2010, on ne trouve pas non plus le terme d’épigénétique. Cependant une lecture attentive montre que dans les programmes de première et terminale, la notion est parfois sous-jacente, sans que toutefois les bases essentielles de l’épigénétique soient clairement exprimées. Cela est si vrai qu’un sujet de bac de juin 2013 porte sur un des modèles les plus classiques de l’épigénétique, celui du phénotype variable du pelage de la souris agouti

 

Sujet Asie 2013

Le développement qui va suivre a pour objectif de préciser ce qu’on pourrait faire à partir des programmes actuels, pour introduire clairement les notions de base d’épigénétique et surtout en faire saisir les implications. Ensuite, en s’appuyant sur le phénotype diabétique on envisagera des supports pour introduire ces notions d’épigénétique.

Le programme de première et l'épigénétique

Le programme de première comme les programmes précédents aborde la réplication de l’ADN et la mitose, les modalités de l’expression du patrimoine génétique, les mutations et la variabilité génétique. Il n’y a rien de nouveau si ce n’est l’introduction de la notion d’épissage alternatif avec la structure en exons et introns des gènes.

En prolongement de l’étude de l’expression de l’information génétique, le programme demande d’envisager l’étude, désormais classique, des différentes échelles d’un phénotype (moléculaire, cellulaire, biochimique et  macroscopique) et de différencier les rôles de l’environnement et du génotype dans l’expression du phénotype. Il ne s’agit pas de voir comment l’environnement influence l’expression de gènes, mais de voir comment un phénotype à déterminisme génétique affirmé, comme celui du Xeroderma pigmentosum, par exemple, peut ne pas apparaître si on modifie l’environnement (dans ce cas en faisant que l’individu ne soit pas exposé aux rayons UV).

L’originalité de cette partie du programme de 1ère S  réside dans l’alinéa  sur la diversité des phénotypes cellulaires d’un organisme, où on précise bien que l’ensemble des protéines qui se trouvent dans une cellule dépendent de la nature des gènes qui s’expriment sous l’influence de facteurs internes et externes variés. L’idée présente est que la diversité des phénotypes dépend de l’expression différentielle des gènes, avec des gènes actifs dans un type cellulaire et à l’origine de ce phénotype, et muets dans d’autres types cellulaires. C’est donc l’existence de mécanismes de régulation de l’expression des gènes qui est sous-jacente Malheureusement, dans les limites du  programme, il est indiqué que  l’étude de la différenciation cellulaire n’est pas à envisager.

Donc rien sur la régulation de l’expression des gènes et sur l’existence de régions promotrices et régulatrices de leur expression. Sans mésestimer l’importance de l’épissage alternatif et la possibilité d’obtenir plusieurs protéines à partir de l’expression d’un gène, il est curieux de ne pas envisager la notion plus fondamentale de régulation de l’expression génique. Cela l’est d’autant plus que c'est une notion nécessaire en terminale pour la compréhension des mécanismes évolutifs.

Cette absence dans les programmes résulte sans doute du fait que les mécanismes de régulation de l’expression sont perçus comme trop complexes pour des élèves de lycée. Cela n’est pas vrai si on se borne à envisager l’existence de zones régulatrices sur lesquelles viennent se fixer des facteurs de transcription, produits de l’expression d’autres gènes, et que cette liaison influe sur l’expression du gène. Ce qui est complexe et hors de portée des élèves ce sont les mécanismes moléculaires par lesquels s’effectuent l’activation et la répression des gènes. D’ailleurs, alors que cette notion de régulation n’est pas explicite dans le programme de terminale, on constate l’existence de sujets de bac qui la mobilisent.

Sujet de bac sur les épinoches de Polynésie juin 2014

Puisque l’épigénétique a trait à l’expression des gènes, l’acquisition de notions élémentaires sur leur régulation est un préalable. Cela est d’autant plus nécessaire que ce sont les régions promotrices et régulatrices d’un gène qui sont le support des marques épigénétiques (par exemple la méthylation). Pour introduire l’épigénétique, il faut développer l’idée que les marques épigénétiques acquises par les gènes au cours du développement dans une cellule, et maintenues ensuite grâce à leur héritabilité mitotique dans les cellules qui en dérivent, sont le support de la différenciation cellulaire. Cela  met l’accent au niveau cellulaire sur une double hérédité : une hérédité génétique qui est la transmission intégrale au cours de la mitose de l’information contenue dans la séquence d’ADN d’un gène sur la protéine à synthétiser, et une hérédité épigénétique qui est la transmission des marques qui régissent l’expression d’un gène et ne reposent pas sur sa séquence codante.

Chaque type d’hérédité peut changer, muter. En parallèle avec la notion de mutation génique, on parle de mutation épigénétique (ou épimutation) pour désigner un changement héritable dans le marquage épigénétique d’un gène.

Dans la partie « Variation génétique et santé », à propos des maladies plurifactorielles, on insiste à la fois sur les facteurs génétiques (il existe des gènes dont certains allèles rendent plus probable le développement d’une maladie) et environnementaux (en général, les modes de vie et le milieu interviennent également).

Ce qu’apporte l’épigénétique, c’est une perspective nouvelle sur la façon  dont l’environnement et la génétique interagissent.

L’environnement peut entraîner des changements dans le marquage épigénétique de certains gènes, des épimutations qui, en affectant l’expression de ces gènes, peuvent être causes de maladies. C’est semble-t-il le cas dans le diabète de type 2 par exemple. Et chose remarquable, des épimutations acquises tôt dans la vie peuvent avoir des conséquences beaucoup plus tard chez l’adulte du fait du caractère héritable des marques épigénétiques. Contrairement aux mutations géniques, les mutations épigénétiques ont une certaine réversibilité de sorte qu’en agissant sur l’environnement, on peut espérer agir sur la maladie.

Toujours dans la partie, « Variation génétique et santé », on trouve aussi l’étude du processus de cancérisation où il est dit : « Des modifications somatiques du génome surviennent par mutations spontanées ou favorisées par un agent mutagène ». L’accent est donc mis sur les mutations des  gènes intervenant dans la cancérisation comme les oncogènes ou les gènes suppresseurs de tumeurs. Sans remettre en cause l’importance des mutations affectant ces gènes, les recherches récente, focalisent sur l’épigénétique. Par exemple, l’acquisition sous l’influence de facteurs d’environnement de marques épigénétiques (méthylation par exemple) par des gènes suppresseurs de tumeurs, peut bloquer leur expression et favoriser l’apparition de cellules cancéreuses.

En conclusion, ce programme de première dans son libellé actuel, peut permettre l’introduction des notions de base de l’épigénétique et surtout contribuer à une meilleure compréhension des  relations entre notre génome et notre environnement dans la réalisation de ce que nous sommes.

Le programme de terminale et l'épigénétique

Le terme d’épigénétique n’est pas présent. Cependant, dans la partie « Diversification génétique et diversification des êtres vivants », il est indiqué :  « S’agissant des gènes impliqués dans le développement, des formes vivantes très différentes peuvent résulter de variations dans la chronologie et l’intensité d’expression de gènes communs, plus que d’une différence génétique ». On trouve là sous une autre forme les caractéristiques de l’épigénétique qui sont des changements dans l’expression des gènes qui ne résultent pas de modifications de la séquence de l’ADN.

Mais on peut s’interroger sur la pertinence de ce libellé dans cette partie du programme sur l’évolution. En effet, il suppose que les marques épigénétiques sont susceptibles d’être  transmises aux générations suivantes par la reproduction sexuée, et d’être stables dans ces générations. C’est bien loin d’être prouvé. D’ailleurs dans le sujet de bac sur la souris agouti, il s’agit simplement de la façon dont un changement dans la nutrition maternelle durant la vie fœtale modifie les caractéristiques phénotypiques des descendants (pelage et obésité) via un changement dans la méthylation d’une séquence régulatrice de l’allèle Avy. On n’envisage pas la transmission de cet état de méthylation à la génération suivante.

Ce libellé est donc ambigu.  D’une façon plus rigoureuse, il s’applique aux changements phénotypiques dus aux mutations géniques affectant les séquences régulatrices d’un gène (et non la séquence codante) et à travers elles l’expression de ce gène. Le sujet de bac sur l’épinoche correspond mieux à la problématique du programme. Cela étant, l’implication de l’épigénétique dans l’évolution est l’objet de vifs débats car on y retrouve le problème de l’hérédité des caractères acquis.