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Datation de la Terre par la méthode Pb-Pb

Par ftrouillet — Dernière modification 19/09/2017 09:50

 

Merci à Gérard MANHES et Christa GÖPEL, chercheurs CNRS du Laboratoire de Géochimie et de Cosmochimie de l’Institut de Physique du Globe de Paris pour leur aide précieuse à l’élaboration de cette démarche.

 

Une peu d'histoire ...

Quel est l’âge de la Terre ? Déterminer l'origine du monde est d'abord lié aux croyances et aux religions. On retrouve déjà des estimations de cet âge dans l'Antiquité puis au Moyen Âge. En 1655, l'archevêque anglican James Ussher calcule l’âge de la Terre en se basant sur les textes de l'Ancien Testament : elle s'est formée en 4004 avant J-C. Il donne même le jour et l'heure de sa création !

 

james_usher.jpg

Vers 1755, Georges Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), réalise des expériences sur la durée de refroidissement de sphères métalliques de différents diamètres. Il propose alors un âge de la Terre de 10 millions d'années (Ma) environ, pourtant il n'annoncera que 74 000 ans pour être, selon ses notes, compris de ses lecteurs ! Cette estimation est certes erronée, pourtant elle marque un tournant dans l’histoire des Sciences : c’est la première fois que l’on fonde une estimation sur des données expérimentales et non sur une croyance.

 

Buffon.jpg

Fin XVIIIe, des fossiles s’amassent dans les cabinets de curiosités ; des hommes observent les phénomènes géologiques et s’interrogent. Comment, en si peu de temps, autant de restes d'êtres vivants ont-ils pu être accumulés ? Comment, en aussi peu de temps, autant de sédiments ont-ils pu se déposer ? On remet en question l’idée d'un monde jeune et on affirme que l'âge de la Terre devrait être nettement supérieur à celui énoncé auparavant.

Le XIXe siècle est de fait marqué par de nombreuses querelles entre scientifiques au sujet de l'âge de la Terre. Vers 1860, le physicien anglais Lord Kelvin, propose un âge de 100 millions d’années à partir d’expériences basées sur les lois de la  thermodynamique. Les géologues, dont Charles Lyell et Charles Darwin sont les chefs de file, estiment cet âge beaucoup trop faible. La querelle entre les géologues et les physiciens fait rage !

C'est la découverte de la radioactivité naturelle par Henri Becquerel en 1896 et le développement de son application à la datation qui y mettra fin. En 1906, les premières méthodes de radiochronologie sont expérimentées par Ernest Rutherford. En 1915, la méthode Uranium-Plomb, mise au point par Bertram Boltwood, permet d'attribuer un âge de 1,3 milliard d'années (1,3 Ga soit 1 300 Ma) aux plus vieilles roches terrestres. En 1938, Alfred Nier propose une approche isotopique de la datation radiométrique. Il mesure la composition isotopique du plomb (rapport 207Pb/206Pb) présent dans les galènes et trouve, pour les plus vieux échantillons de roche, des âges de 2,5 Ga. A la même époque, l'astronome Edwin Hubble avait estimé l'âge de l'univers entre 1,8 Ga et 2 Ga en utilisant l'éloignement progressif des galaxies. Des roches seraient donc plus vieilles que l’Univers ! Les astronomes reprennent alors leurs calculs tandis que trois chercheurs, E. K. Gerling, Arthur Holmes et Friedrich Outermans tentent de déterminer l'âge de la Terre en exploitant les résultats d'Alfred Nier. En 1946, ils estiment l'âge de la Terre entre 3 et 3,4 milliards d'années.
  

 

becquerel.jpg

Henri Becquerel

rutherford.jpg

Ernest Rutherford

En 1950, l’âge de la Terre est estimé à 3,5 Ga environ et l’âge de l’Univers à 4 Ga. La spectrométrie de masse, dont le principe a été découvert en 1912 par J. J. Thompson, a beaucoup évolué pour les besoins de la physique nucléaire et dans le cadre du projet Manhattan ; projet pour lequel Alfred Nier, de 1943 à 1945, a mis au point des instruments permettant de contrôler la production d’uranium enrichi en 235U. Ces développements permettent de fait une détermination plus précise de la composition isotopique des éléments constitutifs des roches. Cependant, le chiffre proposé par Kelvin ne sera révisé qu'après la Deuxième Guerre Mondiale !

 

alfred_nier.jpg

Alfred Nier

En 1953, Clair Cameron Patterson est en post-doctorat à l'Université de Chicago sous la direction du géochimiste Harrison Brown qui travaillait sur l'analyse de la composition isotopique de météorites depuis 1946 et qui avait collaboré au projet Manhattan. En 1947, Harrison Brown proposait déjà que l’étude de la répartition des éléments présents dans les météorites permettrait de tirer d’importantes conclusions quant à la structure des planètes et à l’origine du système solaire. En 1953, Patterson  procède à l'analyse de la composition isotopique du plomb contenu en traces dans les météorites et montre que la Terre et les météorites se sont formées à la même époque, il y a 4,55 Ga (plusmoins.jpg70 Ma). En se référant au corpus de connaissances acquis depuis, l’étude de Patterson est considérée comme ayant fourni la première estimation correcte de l’âge de la formation du Système solaire et de la Terre. Cet âge sera confirmé par d'autres méthodes isotopiques (potassium/argon et rubidium/strontium). C'est l'âge qui figure dans tous les manuels.

 

L'objectif de cette activité est de reprendre cette méthode.

patterson.jpg

Clair Patterson

La démarche de Clair Patterson

Clair Patterson a utilisé une méthode aujourd'hui très répandue en radiochronologie, la méthode plomb-plomb. Elle repose sur la détermination de la composition isotopique du plomb, dont deux isotopes, 206Pb et 207Pb proviennent pour partie de la désintégration naturelle de deux isotopes radioactifs à longue vie de l'uranium : 235U et 238U. Chacun de ces nucléides se transmute par désintégrations successives et constitue l'origine de familles radioactives dont le dernier nucléide stable est un isotope du plomb. Ainsi 235U et 238U  produisent au final respectivement 207Pb et 206Pb. En termes de bilan de ces suites de désintégration, tout se passe comme s’il ne se produisait qu'une seule réaction directe de désintégration pour chaque isotope :

desintegration_uranium2.jpg

En effet, on peut omettre les désintégrations intermédiaires car leurs demi-vies sont très courtes par rapport aux demi-vies des nucléides parents. Pour information, les constantes radiocatives qui figurent ici ont été déterminées par Jaffrey et al. en 1971.

famille_uranium238.jpg

cliquer sur l'image pour l'agrandir

 

  1. Calculer les temps de demi-vie de chaque désintégration et justifier l'utilisation de ses deux isotopes ici.

 

  1. Appliquer la loi de décroissance radioactive pour montrer la relation entre la quantité initiale d'uranium 238 notée 238U(0) et la quantité actuelle d'uranium 238 notée 238U(actuel) en fonction de la constante de désintégration radioactive lambda.jpg et du temps t écoulé depuis la fermeture de l'échantillon (ici t correspond à l'âge de la Terre).

 

  1. La quantité de plomb radiogénique notée 206Pb(radiogénique) produit par la désintégration radioactive correspond au nombre de désintégrations subies par l'uranium 238. En déduire la relation entre 206Pb(radiogénique), 238U(0) et 238U(actuel).

 

  1. Si le système est resté fermé alors, la quantité de plomb 206 présent actuellement dans une roche notée 206Pb(actuel) est la somme du plomb 206 présent à l'origine 206Pb(0) et du plomb 206 radiogénique (produit par la désintégration radioactive). En déduire la relation entre 206Pb(actuel), 206Pb(0) et 206Pb(radiogénique)

 

  1. Montrer que l'on peut écrire :
uranium4.jpg
ce qui donne

 uranium20.jpg

  1. Il nous faut pouvoir comparer entre elles différentes roches pour déterminer l'âge de la Terre. On va  donc normaliser la relation suivante par l'isotope 204 du plomb. Il s'agit d'un isotope stable qui n'est pas radiogénique et qui peut donc servir de référence puisque sa quantité n'a pas varié. (On a 204Pbactuel = 204Pb0.) Montrer alors que l'on peut obtenir les deux relations suivantes :

uranium21.jpg

uranium22.jpg

 Ainsi que :

uranium32.jpg

Cette relation constitue la "clé de voûte" de la méthode Pb-Pb. Ensuite, il faut considérer un ensemble d'échantillons dont on détermine la composition isotopique du Pb au spectrograhe de masse après divers procédés chimiques de séparation. Si ces échantillons se sont formés à la même époque, à partir d'un même matériau source, alors la représentation graphique de uranium25.jpgen fonction de uranium26.jpg est une droite dont la pente permet de déterminer le temps T écoulé depuis la fermeture du système (c'est-à-dire l'âge des échantillons).

 

  1. En 1953, Clair Patterson a utilisé les données suivantes. Elles proviennent de l'analyse de 5 météorites et de sédiments marins.
EchantillonMétéorite de Nuevo Laredo (Nouveau Mexique)Météorite de Cañon Diablo (Arizona)Météorite de Forest City (Iowa)Météorite de Modoc (Kansas)Météorite de Henbury (Australie)Sédiments marins
uranium26.jpg50,289,4619,2719,489,5519,00
uranium25.jpg34,8610,3415,9515,7610,3815,80

 

Ouvrir le tableur Open Office et créer une feuille de calcul comportant le tableau précédent.

Insérer un diagramme X-Y (avec uranium26.jpgen abscisse) pour construire la représentation graphique des variations de  uranium25.jpgen fonction de uranium26.jpgpour les 5 météorites. Insérer la courbe de tendance (choisir une régression linéaire). La droite obtenue s'appelle l'isochrone des météorites. Justifier ce nom et conclure quant à l'hypothèse de Patterson selon laquelle les météorites se sont formées à partir d'un même matériau à la même époque (on parle de systèmes "cogénétiques").

 

  1. Déterminer l'ordonnée à l'origine et la pente de la droite obtenue (soit à l'aide d'une formule soit en affichant l'équation de la courbe de tendance). Utiliser 4 chiffres significatifs pour exprimer ces valeurs. (Il faut utiliser le formatage de cellule "nombre" pour préciser le nombre de décimales.)

 

  1. Clair Patterson a également analysé des sédiments marins terrestres. Etant produits par l'érosion, il pensait que ces sédiments renfermaient du plomb dont la composition isotopique devait être représentative du plomb de l'ensemble de la Terre. Vérifier que l'échantillon terrestre se trouve sur ou à proximité de l'isochrone des météorites. Conclure quant à l'hypothèse de Patterson selon laquelle les météorites et la Terre sont des systèmes "cogénétiques" formés à la même époque. Justifier alors l'emploi du terme "géochrone" choisi pour qualifier la droite obtenue.

 

  1. La pente de la géochrone obtenue correspond à :

uranium24.jpg

En effet, aujourd'hui :uranium16.jpg (Ce rapport est constant car il n'y a pas de fractionnement isotopique entre ces deux isotopes de l'uranium ; par contre il a varié au cours des temps).

 

La détermination directe de l'âge t à partir de la pente est impossible (on ne peut résoudre directement cette équation). On va donc utiliser un calibrage numérique. Reprendre la feuille de calcul précédente et dans un autre onglet construire le tableau qui suit. (Dans l'image, il n'est pas complet).

tableur_patterson2.jpg

Pour les âges, il suffit de taper 4 et 4,01 dans les cellules A4 et A5 et de tirer vers le bas à l'aide la poignée de recopie. Calibrer les âges entre 4 et 4,8 Ga. Dans la formule, il ne faut pas oublier de multiplier le temps par 109 car il faut convertir les Ga (milliards d'année) en années. En effet, les constantes radioactives sont données en a-1 !

Donner un encadrement de l'âge de la Terre à l'aide du tableau de calibrage.

 

  1.  En 1953, Clair Patterson a déterminé un âge de 4,55 Ga. Calculer l'écart entre l'âge que vous avez obtenu et 4,55 Ga. Comment expliquer cette différence ?

 

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