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Les informations fournies par l’analyse d’un arbre généalogique dans l’espèce humaine

Par Naoum Salamé Dernière modification 21/07/2024 10:35

2 - Les informations fournies par l’analyse d’un arbre généalogique dans l’espèce humaine

 

icone document.jpg Document  « Les informations fournies par l’analyse d’un arbre généalogique dans l’espèce humaine »

Exploitation

Un cas de cancer héréditaire

Arbre famille P53 - 2016.jpg

 

On constate des cas de cancer dans cette famille sur trois générations. En outre, ces cancers sont précoces par rapport à l’apparition des cancers dans la population générale : 3 , 5 et 12 ans pour les enfants de la troisième génération, 32 et 34 ans pour les personnes de la deuxième génération, 46 ans pour l’homme de la première génération. On constate également la diversité des cancers dans la famille : cancer du foie, cancer du sein, cancer du cerveau, du rein. Ces informations laissent à penser que le cancer est héréditaire dans la famille (au sens courant du terme).

Un cancer héréditaire où le gène P53 est en cause

La détermination des génotypes des membres de la famille réalisée par les cliniciens permet de savoir si le gène P53 peut être en cause et tester l’idée de cancer héréditaire

icone anagène..jpg Fichier Famille P53-New.edi

Le mieux est de commencer par l’analyse des génotypes des cellules cancéreuses des enfants III4 et III5 et de comparer leurs allèles P53 à la séquence de l’allèle de référence. On constate que ces cellules cancéreuses  possèdent deux allèles mutés du gène P53. La mutation est en position 730 dans la séquence codante pour les deux allèles. C’est une mutation faux sens qui entraîne une substitution d’un acide aminé en position 244 de la protéine (Gly244Ser). Le génotype des cellules cancéreuses de III1 possède un seul allèle P53 et il est muté, identique à ceux des individus III4 et III5. Ces données confortent l'idée qu'une mutation de P53 est associée à la cancérisation et peut en être une des causes.

Le génotype des cellules non cancéreuses de III1, III4 et III5 est hétérozygote avec un allèle P53 normal et un allèle P53 muté identique à celui des cellules cancéreuses. Puisque toutes les cellules non cancéreuses de ces individus possèdent le même allèle muté, cela signifie qu'il est hérité d'un des parents de ces individus. Cela est confirmé par l'analyse du génotype de la femme II4. La fille III1 a probablement hérité son allèle muté de sa mère II2 (décédée, dont on ne dispose pas du génotype mais qui a été victime d'un cancer du sein). Les femmes II2 et II4 ont sans doute hérité cet allèle de leur père qui est décédé d’un cancer du foie à 46 ans mais pour lequel on ne dispose pas d’information sur son génotype.

Les données génétiques confirment donc l’idée de cancer héréditaire que laissait présager l’analyse de l’arbre.

Les cellules du garçon III3 possèdent toutes un allèle muté du gène P53 et pourtant il n’a pas développé de cancer. Cela permet de bien insister sur le fait que ce qui est  hérité c’est une prédisposition au cancer.

 Le gène P53 un gène suppresseur de tumeur

La comparaison des génotypes des cellules cancéreuses et non cancéreuses des enfants victimes d’un cancer montre que les cellules cancéreuses possèdent deux allèles mutés du gène P53 et les cellules non cancéreuses un seul allèle muté, celui hérité d’un de leurs parents. Cela indique que dans une cellule somatique à l’origine d’une tumeur, une mutation de l’allèle normal P53 est intervenue. Dans le cas de cette famille, la mutation est la même que celle de l’allèle hérité mais ce n’est pas toujours le cas. La corrélation entre cellule cancéreuse et possession de deux allèles mutés laisse à penser que cela est nécessaire pour que la cellule devienne cancéreuse. Cela est caractéristique des gènes suppresseurs de tumeur. Il faut souligner que souvent la deuxième mutation consiste en une délétion complète de l'allèle normal (ce qui est le cas chez la fille III1).

La notion de gène P53 en tant que gène suppresseur de tumeurs est confirmé par l'expérience de transfection. L'allèle sauvage transfecté ralenti nettement la multiplication des cellules cancéreuses contrairement à l'allèle muté. L'allèle normal s'oppose donc à la prolifération des cellules cancéreuses.

P53 un gène impliqué dans de multiples cancers

Le cancer héréditaire envisagé, désigné sous le nom de syndrome de Li-Fraumeni, est heureusement rare. Il ne faudrait pas que les élèves concluent que le gène P53 est seulement impliqué dans ce syndrome. En réalité, lorsqu’on dit que le gène P53 est impliqué dans plus de 50% des cancers, il s’agit de cancers non héréditaires. Et là aussi, très généralement, les cellules cancéreuses n’ont pas d’allèle P53 normal ; elles possèdent deux allèles mutés (la nature de la mutation varie avec le type de cancer ; par exemple dans le cancer du foie c’est généralement le codon 249 qui est muté, mutation provoquée souvent par un facteur d’environnement d’origine alimentaire, l’aflatoxine). Souvent il n’y a qu’un seul allèle muté, le deuxième allèle est délété.

Remarques : mutation germinales et mutation somatiques

Ces documents sur le gène P53 ont été envisagés dans l’optique du programme de première S sur la cancérisation. Comme le document sur la génétique du rétinoblastome, ils peuvent être utilisés en classe de seconde pour aborder la notion de mutation, en particulier la distinction entre mutations germinales et mutations somatiques, indispensable pour envisager l’origine de la diversité du vivant. Par exemple, dans l’analyse de l’arbre généalogique sur le syndrome de Li-Fraumeni les chercheurs précisent que les parents de l’homme I1 ont vécu jusqu’à 80 ans sans avoir de cancer. Ils possédaient probablement deux allèles normaux du gène P53. Cela pose le problème de l’origine de l’allèle muté présent chez I1 ce qui conduit à la notion de mutation germinale. La nécessité d’une seconde mutation pour que la cellule devienne cancéreuse introduit la notion de mutation somatique. Dans la brochure Anagène cet exemple avait déjà été utilisé pour introduire ces notions. Pour faire apparaître directement la mutation, on avait simplifié en donnant à la cellule cancéreuse un seul allèle muté du gène P53. La documentation fournie maintenant est scientifiquement plus correcte et permet sur un seul exemple d’aborder les deux types de mutations.