Expression des gènes dans le cerveau des Abeilles ouvrières
A - Expression des gènes chez les butineuses et les nourrices d'une colonie type
Problématique
Au cours de sa vie, l’abeille ouvrière d’abord confinée à divers tâches, notamment celle de nourrice des larves à l’intérieur de la ruche, devient ensuite butineuse. Cela implique un changement de fonctionnement du système nerveux de l’abeille. En 2003 Whitfield et al. publient un article où ils relatent leurs recherches ayant pour objectif de déterminer s’il y avait des changements dans l’expression des gènes dans le cerveau qui pourraient être associés à la plasticité comportementale.
Principe du protocole expérimental
Les chercheurs ont extrait l’ARNm total du cerveau de 18 ouvrières nourrices âgées de 5 à 9 jours et de 18 ouvrières butineuses âgées de 28 à 32 jours. Ils ont identifié les différents ARNm présents, obtenant ainsi des informations sur les gènes exprimés. Ils ont aussi quantifié l’importance de l’expression de ces gènes dans les deux groupes d’ouvrières.
Résultats
Le graphique ci-dessous illustre les résultats obtenus.
Fig. 1. D'après : Gene Expression Profiles in the Brain Predict Behavior in Individual Honey Bees. Charles W. Whitfield et al. Science 10 Oct 2003:Vol. 302, Issue 5643, pp. 296-299
Chaque point correspond à un gène. Ce qui est indiqué en abscisse est le rapport intensité de l’expression des gènes chez les butineuses / intensité de l’expression des gènes chez les nourrices. OF = butineuses âgées. YN = jeunes nourrices.
En ordonnée, on a indiqué un paramètre statistique (P). Il permet de savoir si la différence constatée dans l’expression d’un gène entre les butineuses et les nourrices est statistiquement significative donc qu’elle ne résulte pas d’un simple hasard ; différents seuils de signification sont indiqués en ordonnée. Par exemple, une valeur de P de 0,01 indique une probabilité de 1% pour que la différence constatée soit due au hasard, une valeur de 0,001 indique une probabilité de 1/1000, etc.
B - Les différences d’expression des gènes dans le cerveau sont-elles en rapport avec l’âge ou le comportement de l’abeille ?
Problématique
L’étude précédente a été réalisée chez deux groupes d’abeilles différant à la fois par l’âge et le comportement. Les chercheurs ont voulu déterminer lequel de ces paramètres était le plus associé aux changements d’expression des gènes.
Principe du protocole expérimental
Ils ont réalisé une expérimentation conduisant à ce qu’il n’y ait dans la ruche que de très jeunes abeilles (écloses depuis 1 jour), outre les larves et la reine. Dans ces conditions, une partie des ouvrières deviennent butineuses 1 à 2 semaines plus tôt que normalement (parfois dès le 5ème jour) alors que leurs sœurs de même âge se comportent en nourrices. On peut ainsi comparer les profils d’expression des gènes des butineuses et des nourrices de même âge, mais jeunes (JB et JN respectivement). En outre, les expérimentateurs ont enlevé toutes les nymphes sur le point d’émerger de façon à ne maintenir dans la ruche que des ouvrières ayant toutes le même âge (celles du départ). Dans ces conditions, certaines ouvrières restent plus longtemps nourrices ce qui permet de comparer le profil d’expression de butineuses et de nourrices âgées (VB et VN respectivement mais de même âge. On peut aussi comparer avec les butineuses et nourrices d’une ruche normale.
Résultats
La figure suivante illustre les résultats obtenus. Elle exprime pour chaque individu en colonne l'intensité d'expression d'un grand nombre de gèles (en ligne). Certains des individus sont identifiés par un symbole. A été ainsi analysée l'expression des gènes dans 36 cerveaux (18 jeunes nourrices et 18 vielles butineuses (OF) d'une colonie typique, et 6 individus de chaque catégorie de la colonie expérimentale. L'intensité d'expression est traduite par un code couleur arbitraire.
D'après : Gene Expression Profiles in the Brain Predict Behavior in Individual Honey Bees. Charles W. Whitfield et al. Science 10 Oct 2003:Vol. 302, Issue 5643, pp. 296-299
La figure suivante est construite suivant les mêmes principes mais on n'y a considéré que 17 gènes qui ont des homologues chez la drosophile connus pour s'exprimer dans le cerveau de cet insecte et qui peuvent être plausiblement impliqués dans la plasticité neuronale. En outre, on a indiqué pour chaque gène le rapport intensité d'expression chez les butineuses sur l'intensité d'expression chez les nourrices (valeur moyenne de F/N).
C - Prédire le comportement d’une abeille à partir du profil d’expression des gènes dans son cerveau
A partir des profils d’expression des gènes, les chercheurs ont sélectionné ceux qui leur semblaient pouvoir prédire le comportement des ouvrières. Au seul vu des profils individuels d'expression des gènes retenus, des experts ont essayé de prédire le type de comportement de chacune des abeilles. La table ci-dessous fournit les résultats obtenus.