La méthylation de l’Adn et les phénotypes des abeilles ouvrières
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1 - Un changement d’expression de gènes sans modification de leurs séquences laisse à penser que ces changements sont dus à des mécanismes épigénétiques. La recherche s’est donc orientée sur des changements ayant affecté les marques épigénétiques des gènes lors du passage de nourrice à butineuse, et en premier lieu sur la méthylation.
La technique utilisée explore l’ensemble des sites CpG du génome et permet de connaître l’état de méthylation de ces sites. Les chercheurs ont repéré 155 régions différemment méthylées(DMRs = Differentially Methylated Regions). Attention, il s’agit de région et non de gène. Bien entendu, beaucoup de ces régions renferment un ou plusieurs gènes. D’ailleurs dans leur article, les chercheurs indiquent que 70% des DMRs recouvraient des exons. La première figure montre une DMR située sur le chromosome 12 où la méthylation des sites CpG est nettement supérieure chez les butineuses par rapport aux nourrices. Inversement, la deuxième figure illustre une DMR sur le chromosome 3 où la méthylation est plus importante chez les nourrices que chez les butineuses.
2 - Les chercheurs ont ensuite voulu vérifier que les différences de méthylation constatées étaient bien en rapport avec l’activité de l’ouvrière. Si on enlève toutes les ouvrières travaillant dans la ruche pendant que les butineuses sont parties récolter du pollen et du nectar, une partie des butineuses au retour à la ruche modifient leur comportement et redeviennent nourrices. Il y a donc une réversion du phénotype comportemental de ces butineuses en rapport avec un changement d’environnement dans la ruche. Cela illustre l’importance de la plasticité comportementale de l’ouvrière. Les chercheurs ont alors étudié les caractéristiques des DMRs de ces butineuses redevenues nourrices. Ils ont donc comparé les 155 DMRs des butineuses, des nourrices et des butineuses « reconverties&nnbsp;» en nourrices.
Pour 57 de ces DMRs, le pourcentage de méthylation était très voisin chez les nourrices et nourrices reconverties et nettement différent de celui des butineuses. La figure 3 indique en haut deux DMRs où la méthylation est plus importante chez les nourrices ((27 sur 57) et en bas une situation inverse (30 des 57) dans deux autres DMRs. Le fait remarquable est qu’il y a eu une réversibilité des marques épigénétiques lors du changement du phénotype de butineuse en phénotype de nourrice.
Pour 98 des 155 (155 - 57) DMRs dont la méthylation change au cours du passage du phénotype nourrice vers celui de butineuse, la méthylation reste semblable chez les butineuses et les nourrices reconverties (Figure 4). Pour ces régions, il n’y a pas de retour vers l’état de méthylation de nourrice lorsque les butineuses redeviennent nourrices. Cela suggère que les gènes associés aux 57 DMRs forment un groupe pivot de gènes impliqués, en fonction de leur méthylation, dans la réalisation du phénotype comportemental de nourrice.
La figure 5 montre que l’expression de ces gènes est inversement corrélée à leur niveau de méthylation.
Les auteurs dans leur article signalent un épissage alternatif de certains gènes associés aux 57 DMRs en fonction de leur méthylation. Il s’avère que ces gènes sont impliqués dans la régulation de l’expression d'autres gènes, que plusieurs d’entre eux agissent sur le remodelage de la chromatine (à travers les modifications des histones) et que plusieurs impactent la morphogénèse du tissu nerveux.