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Dépistage de la trisomie 21 et eugénisme

Par jauzein — Dernière modification 19/09/2017 09:54

 

Le dépistage par les marqueurs sériques a-t-il un objectif eugénique ?
 

L’eugénisme est un mot qui vient du grec eu (bien) et gennân (engendrer). C’est un terme qui a été proposé par Francis Galton, psychologue et physiologiste, en 1881.

 
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Francis Galton est un cousin de Charles Darwin, dont il s’est inspiré. Il élabore un projet auquel il donne le nom « eugénics ». Il rencontre tout d’abord un accueil favorable auprès des généticiens et des biologistes de l’époque qui trouvent noble cette tache de vouloir améliorer l’humanité.

 

Ce projet repose sur l’idée de faciliter la reproduction des membres les plus conformes de l’espèce et de ralentir la reproduction des membres moins conformes ou portant des maladies génétiques.

 
Francis Galton  

L’eugénisme, comme il est défini actuellement par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), est un projet politique qui repose sur une pratique collective institutionnalisée qui vise à favoriser l’apparition de certains caractères ou à éliminer des caractères négatifs.

 
Le dépistage des la T21 répond-t-il à ces critères ?
 
  •         Une pratique collective et institutionnalisée.
 

Le dépistage de la T21 par les marqueurs sériques s’adresse à toutes les femmes enceintes qui le désirent et leur est remboursé. Il en est ainsi après une vive polémique en 1996 qui avait opposé les gynécologues-obstétriciens et Hervé Gaymard, alors secrétaire d’état à la Santé.

C’est donc bien une pratique collective et institutionnalisée. Mais elle laisse la femme au centre de la décision et pas l’Etat, puisque ce dépistage n’est pas obligatoire. C’est la femme enceinte qui décide si elle accepte le dépistage, puis le diagnostic si nécessaire, et qui in fine, décide d’une interruption de grossesse ou pas.

 

La loi du 17 janvier 1975 (cadre légal de l’interruption de grossesse)est construite sur le même schéma : c’est la femme, au centre du droit à disposer de son corps qui peut décider d’une interruption de grossesse à condition que le fœtus soit atteint d’une affection grave pour laquelle il n’y a pas de traitement.

 

La décision est donc prise par la femme enceinte, mais le CCNE insiste sur l’importance du conseil génétique et sur l’accompagnement psychologique.

En effet un résultat négatif au dépistage est considéré comme normal et un résultat positif est très stressant car les patientes sont alors persuadées que le fœtus est atteint. Alors même que un enfant trisomique sur trois naîtra d’une femme aux marqueurs sériques normaux.

Ce dépistage évalue un sur-risque mais ne donne pas de certitude, il est une étape dans une démarche de diagnostic.

De plus la valeur elle-même du risque est mal perçue. Beaucoup croient qu’un risque de 1/1000 est supérieur à un risque de 1/100.

 
 
  •      Quels sont les chiffres ?
 

En 2001, 76 % des femmes enceintes de moins de 38 ans ont demandé le dépistage (source : Agence du médicament).

En 1998, quasiment tous les fœtus trisomiques ont fait l’objet d’une interruption de grossesse alors qu’en 1991, « seulement » 36,41 % des grossesses trisomiques faisaient l’objet d’une IMG. Dans toutes les enquêtes, 90% des femmes interrogées déclarent quelles choisiraient d’éliminer un fœtus ayant été diagnostiqué comme trisomique (voir aussi l'étude épidémiologique du Dr Audibert)

 
 
  •      Favoriser l’élimination de caractères négatifs.
 

Les chiffres montrent que les progrès de la médecine prénatale mènent à l’acceptation de plus en plus facile de l’IMG. Mais le dépistage sérique n’est pas un examen de certitude : un enfant trisomique sur trois n’est pas détecté.

 

Le nombre d’enfants trisomiques reste stable depuis 10 ans : ce sont des enfants nés de mère âgée de plus de trente ans chez qui le désir d ‘enfant surpasse l’attente de « normalité&nbsnbsp;». La prise en charge médicale de la T21 et surtout des malformations anatomiques qui l’accompagnent (complications cardiaques, gastro-intestinales, auditives, ophtalmiques etc.) ont changé notre regard sur les personnes trisomiques : leur handicap d’origine chromosomique nous les fait considérer moins comme des handicapés que comme des personnes particulières.

 

Pourtant l’intention d’IMG en cas de diagnostic positif est très forte. Cela peut sans doute s’expliquer par le fait qu’un enfant trisomique pèse lourd dans une famille : notre société a du retard pour l’accueil des handicapés (lire quelques points de vue).

 

En conclusion, le dépistage par les marqueurs sériques peut être considéré comme n’ayant pas d’objectif eugénique car sa mise en place s’appuie sur un conseil génétique au travers d’une consultation et d’un protocole d’information au moins de la femme enceinte, sinon des deux parents. Ce dépistage est proposé et en aucun cas obligatoire. Enfin, il n’aboutit au diagnostic que de deux grossesses « trisomiques » sur trois, donc il mène théoriquement à la diminution des trisomies 21, mais pas à leur disparition.

A l’avenir, le dépistage devrait faire des progrès considérables, avec une sensibilité avoisinant les 98% de T21 quand il intègrera les données échographiques de la CN. La question de l’éradication de la T21 sera alors de nouveau posée.

 

Mais l’essor fulgurant du dépistage avec un taux de couverture croissant (plus de 70% des femmes demandent le dépistage ) a eu pour résultat une très importante augmentation du nombre d’amniocentèses qui a grimpé jusqu à 11% des grossesses. Du point de vue du risque encouru par les fœtus, c’est une proportion très importante car 1% des cas d’amniocentèse, en moyenne, conduit à la mort du fœtus. La place du médecin est inconfortable car il peut aussi bien se voir adresser des reproches en cas de fausse-couche due à l’amniocentèse, que de n’avoir pas décelé une T21. Cette situation, qui place les médecins en porte-à-faux, est connue du CCNE qui recommande de garder une trace explicite des informations délivrées à la patiente. Le CCNE convient aussi de « laisser au médecin le choix de son attitude en fonction de la personnalité de la femme à qui appartient en dernière analyse la décision ».

 
 

La femme est donc laissée libre de ses décisions (dépistage ou pas, IMG ou pas), alors même que le poids social de la trisomie ne s’est pas allégé… Il n’y a toujours pas de traitement en vue (le lien entre anomalie chromosomique et handicap commence seulement à être exploré) et l’accueil et la place laissée aux trisomiques est toujours congrue.

Le troisième millénaire verra-t-il l’avènement d’un nouvel eugénisme à caractère social ?