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Détermination de la latitude d'un lieu terrestre à l'aide d'un sextant

Par Vutheany LOCH Dernière modification 03/05/2017 15:12
L'article expose la méthode pour déterminer la latitude d'un lieu terrestre en mesurant la hauteur du Soleil au midi solaire à l'aide d'un sextant.


Détermination de la latitude d'un lieu terrestre à l'aide d'un sextant

Vincent Deparis

Enseignant
Ifé-ENS-Lyon

Lyon 69000 France

Publié par

Gérard Vidal

Directeur de la publication
IFÉ ENS de Lyon
Résumé

L'article expose la méthode pour déterminer la latitude d'un lieu terrestre en mesurant la hauteur du Soleil au midi solaire à l'aide d'un sextant.


Table des matières Liste des tableaux

Détermination de la latitude d'un lieu terrestre à l'aide d'un sextant


Table des matières

Introduction

Il existe de très nombreuses méthodes astronomiques pour déterminer la latitude d'un lieu. Certaines utilisent la course du Soleil dans le Ciel, d'autres la course des étoiles. Ces méthodes sont bien sûr devenues désuètes depuis l'avènement du GPS, elles n'en restent pas moins très intéressantes. Nous exposons ici le procédé classique de la détermination de la latitude grâce à la hauteur du Soleil à midi, mesurée à l'aide d'un sextant. Pour cela, nous expliquons l'utilisation du sextant sur terre lorsque la ligne de l'horizon, formée par la surface de la mer au loin, n'est pas visible. Le travail a été réalisé avec un groupe d'élèves (Eva Josse, Victor Schaller et Amandine Villeneuve) du lycée Jean Monnet d'Annemasse, dans le cadre de leur participation aux Olympiades de physique.

Principe de la détermination de la latitude

La latitude φ du lieu d'observation est l'angle entre la verticale du lieu et le plan de l'équateur. Pour déterminer cette coordonnée géographique, il est nécessaire de faire intervenir deux angles repérant la position du Soleil dans le Ciel lorsqu'il culmine, c'est-à-dire lorsqu'il passe au méridien du lieu et qu'il indique la direction du sud :

  • La hauteur h du Soleil : c'est l'angle entre la direction du Soleil et le plan horizontal. La hauteur du Soleil varie au cours de la journée, en fonction de la rotation journalière de la Terre. Elle est nulle lorsque le Soleil est à l'horizon (au moment de son lever et de son coucher) et elle croît jusqu'à son passage au méridien. Elle vaut 90° si le Soleil passe au zénith du lieu (ce qui n'arrive jamais sous nos latitudes).
  • La déclinaison δ du Soleil : c'est l'angle entre la direction du Soleil et le plan de l'équateur. La déclinaison δ varie au cours de l'année, en fonction de la révolution de la Terre autour du Soleil. Elle varie de -23,43° lors du solstice d'hiver à +23,43° lors du solstice d'été. Les astronomes peuvent calculer sa valeur pour n'importe quelle date de l'année. C'est un angle connu.
Relation entre la hauteur h du Soleil, sa déclinaison δ et la latitude φ du lieu d'observation A.

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 1. Relation entre la hauteur h du Soleil, sa déclinaison δ et la latitude φ du lieu d'observation A.

La figure précédente permet de trouver la relation suivante entre les trois angles : 90 = φ - δ + h et donc φ = 90 + δ - h.

Si on mesure h et si on connaît la déclinaison δ, alors on peut calculer la latitude φ. La clé du problème réside dans la mesure de la hauteur du Soleil au moment de sa culmination.

Mesure de la hauteur du Soleil à l'aide d'un sextant en mer et à terre

Le sextant a été inventé vers 1730 indépendamment par John Hadley, un mathématicien anglais et par Thomas Godfrey, un inventeur américain. Il a joué un grand rôle dans la navigation astronomique. Il est en effet spécialement adapté à la mesure de la hauteur des astres sur l'horizon, ce qui a permis aux marins de connaître facilement leur latitude. Il permet également de mesurer l'angle entre deux étoiles ou entre deux amers près d'une côte.

Le principe du sextant est à la fois simple et génial. L'instrument étant tenu verticalement à la main, l'observateur dirige la lunette vers l'horizon qui, en mer, est donné par la surface de l'océan au loin. L'horizon est donc aperçu directement à travers le petit miroir semi-réfléchissant. L'observateur manœuvre ensuite l'alidade de façon à apercevoir, par double réflexion sur le grand miroir et sur la partie réfléchissante du petit miroir, l'astre dont il veut mesurer la hauteur (Soleil, Lune, étoiles). Lorsque la coïncidence des deux images est réalisée, c'est-à-dire lorsque l'on voit dans la lunette à la fois l'horizon et l'astre observé, il suffit de lire sur le limbe l'angle h cherché. En mer, plutôt que de faire coïncider le centre du Soleil avec l'horizon, il est plus facile d'amener son bord inférieur sur l'horizon : on fait tangenter le Soleil sur l'horizon. La mesure doit alors être corrigé du demi-diamètre du Soleil (qui vaut 16').

Les différentes parties du sextant

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 2. Les différentes parties du sextant

Le petit miroir (semi-réfléchissant), la lunette et le limbe sont fixes. Le grand miroir est mobile et se déplace avec l'alidade. Les filtres colorés permettent d'observer le Soleil sans danger.


Utilisation du sextant

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 3. Utilisation du sextant

Lorsque les rayons lumineux provenant de l'astre et de l'horizon coïncident, la hauteur h de l'astre visé se lit directement sur le limbe. M est le grand miroir et m le petit miroir.


Lorsque l'astre a une hauteur h au dessus de l'horizon, son image est amenée dans le plan horizontal en faisant pivoter l'alidade d'un angle égal à h/2. La graduation du limbe tient compte de ce phénomène. Le limbe est un arc de cercle de 60° (un sixième de la circonférence d'où le nom de sextant) mais il est gradué de 0° à 120° : l'échelle de la graduation est doublée, c'est-à-dire que les degrés gravés sur le limbe sont en réalité des demi-degrés. La multiplication par 2 est ainsi évitée et la lecture sur le limbe donne directement accès à la hauteur h.

La graduation du limbe

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 4. La graduation du limbe

L'angle DMA est égal à h + 60°. Donc l'angle EMA, qui est la moitié du précédent, est égal à 30° + h/2. Puisque l'angle EMC est droit, l'angle AMC vaut 60° - h/2. Et finalement l'angle CMB est égal à h/2. L'alidade doit pivoter d'un angle égal à h/2 pour que l'image de l'astre soit dans le plan horizontal.


Lorsqu'on ne se trouve pas à proximité d'un océan, on ne peut pas viser la surface de l'océan pour avoir la référence de l'horizon. L'astuce consiste à utiliser un horizon artificiel constitué par la surface d'un étang ou d'un petit bac rempli d'eau (muni de glaces pour éviter que le vent fasse frissonner la surface de l'eau). A travers la lunette, on vise le reflet du Soleil dans l'eau. Puis, on ajuste l'alidade pour apercevoir également l'image du Soleil par double réflexion sur les deux miroirs. La mesure est effectuée lorsque les deux images du Soleil coïncident parfaitement. L'angle mesuré est alors égal au double de la hauteur du soleil.

L'utilisation du sextant à terre

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 5. L'utilisation du sextant à terre

Sur terre, on vise à la fois le reflet du Soleil dans l'eau et, grâce aux réflexions sur les miroirs du sextant, le Soleil lui-même. L'angle mesuré est égal à deux fois la hauteur h du Soleil.


Utilisation d'un horizon artificiel

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 6. Utilisation d'un horizon artificiel

En pointant la lunette du sextant vers le Soleil reflété dans le récipient rempli d'eau, on mesure un angle égal à 2h.


Ce que l'on voit dans la lunette du sextant

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 7. Ce que l'on voit dans la lunette du sextant

La mesure est réalisée lorsque l'on superpose parfaitement les deux images du Soleil.


Le réglage du sextant

Avant de se lancer dans les mesures, il reste à vérifier l'étalonnage du sextant. L'opération s'effectue en visant une étoile bien brillante en plaçant l'alidade à la graduation 0. Si le sextant est bien réglé, on ne doit voir qu'une seule étoile : l'image directe et l'image réfléchie de l'étoile sont confondues. Si ce n'est pas le cas, des petites vis situées à l'arrière des miroirs permettent de retrouver la superposition parfaite des deux images.

Le problème de la réfraction atmosphérique

Une mesure de hauteur est perturbée par la réfraction atmosphérique. En effet, l'atmosphère qui environne notre planète n'est pas un milieu homogène. Au fur et à mesure que l'on s'élève, la densité et la température de l'air baissent, ce qui fait diminuer l'indice de réfraction. Un rayon lumineux qui traverse l'atmosphère ne se propage pas en ligne droite mais suit une ligne courbe. La direction apparente de l'astre est celle de la tangente au rayon lumineux à son arrivée au sol.

La réfraction atmosphérique

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Figure 8. La réfraction atmosphérique

La réfraction atmosphérique relève les astres : ils sont vus plus haut qu'ils ne sont en réalité.


La réfraction relève les astres : la hauteur mesurée est plus grande que la hauteur vraie, la différence entre les deux angles étant l'angle r, appelé réfraction atmosphérique. Les mesures de hauteur réalisées au sextant doivent donc être corrigées selon la formule suivante : hvraie = hmesurée - r.

La réfraction est nulle au zénith et maximale à l'horizon. Elle est de l'ordre de 1' à 45°. Dans les conditions normales de température et de pression (T = 0° et P = 1013 hPa), la valeur de la réfraction r (exprimée en seconde d'arc) est donnée par la formule suivante : r = 60,08 cot hmesurée - 0,07 cot 3 hmesurée.

hauteur (°)

réfraction (')

20

2,7

30

1,7

40

1,2

50

0,8

60

0,6

70

0,4

80

0,2

90

0,0

Tableau 1. Valeur de la réfraction pour différentes hauteurs


La valeur de la déclinaison du Soleil

La détermination de la latitude φ d'un lieu demande de connaître la déclinaison δ du Soleil au moment de l'observation. Le site internet de l'IMCCE (Institut de Mécanique Céleste et de Calculs des Ephémérides) met à disposition un générateur d'éphémérides, appelé « Ephémérides générales de position des corps du système solaire » qui calcule la déclinaison du Soleil pour toute date.

La procédure est la suivante : il faut choisir le corps d'étude (le Soleil), le plan de référence (l'équateur), le type de coordonnées (sphériques), le type d'éphémérides (apparente), indiquer la date et l'heure UTC de l'observation, puis demander le calcul. Dans une nouvelle fenêtre, on obtient, parmi d'autres grandeurs, la valeur de la déclinaison du Soleil au moment demandé.

La précision de la mesure

Lorsque le Soleil culmine au méridien, sa trajectoire dans le Ciel est pratiquement horizontale pendant quelques instants. Entre le moment où il finit de monter et le moment où il commence à descendre, il se passe dix bonnes minutes sans que sa hauteur varie sensiblement. Cela a deux avantages.

Le premier avantage est qu'on a pas besoin de connaître précisément l'heure du passage au méridien. Avec une boussole, on peut déterminer très approximativement la direction du sud. On commence les observations lorsque le Soleil s'approche de cette direction et on mesure sa hauteur jusqu'au moment où celle-ci ne varie plus.

Le deuxième avantage est qu'on a le temps d'effectuer plusieurs mesures et de comparer les résultats. Lors des premiers essais, les mesures peuvent être assez divergentes. Puis, au fur et à mesure de l'entraînement, les mesures sont plus cohérentes : la différence entre elles sont de 1 à 2'. Ce léger écart est malheureusement inévitable. Il provient de la difficulté à bien superposer les deux images du Soleil dans la lunette du sextant.

On peut bien entendu réaliser plusieurs mesures de la hauteur du Soleil lors de sa culmination plusieurs jours de suite depuis un lieu fixe (la cour du lycée) et comparer les calculs de la latitude avec la valeur donnée par l'IGN (Institut Géographique National) : φlycée = 46,182°. Le tableau ci-dessous liste pour 5 observations :

  • la mesure effectuée au sextant ;
  • la hauteur mesurée du Soleil, égale à la moitié de la valeur du sextant ;
  • la hauteur vraie h du Soleil, corrigée de la réfraction atmosphérique ;
  • la déclinaison δ du Soleil au moment de l'observation, donnée par le site de l'IMCCE ;
  • la latitude φ, calculée à partir de la formule : φ = 90 + δ - h ;
  • l'erreur, égale à la différence entre la latitude calculée et la latitude de référence donnée par l'IGN.

Jour

Mesure sextant

Hauteur mesurée

Hauteur vraie

Déclinaison

Latitude

Erreur

6 sep.

100°10'

50,083°

50,069°

6,277°

46,208°

0,026°

13 sep.

94°54'

47,450°

47,435°

3,628°

46,193°

0,011°

25 sep.

85°36'

42,800°

42,782°

-1,018°

46,200°

0,018°

27 sep.

84°2'

42,017°

41,998°

-1,797°

46,205°

0,023°

2 oct.

80°8'

40,067°

40,067°

-3,738°

46,215°

0,033°

Tableau 2. Valeur de la réfraction pour différentes hauteurs


L'erreur moyenne des mesures réalisées est de 0,022° soit 1,3'. Mais on remarque que toutes les erreurs sont positives. Elles contiennent donc une composante systématique, qui peut provenir de notre manière de procéder ou plus vraisemblablement d'un mauvais réglage du sextant. Quoiqu'il en soit, la précision reste excellente : une erreur de 1,3' dans la latitude occasionnant une erreur de 2,4 km dans le positionnement à la surface de la Terre.

Pour conclure, on peut dire qu'un sextant est un instrument simple d'utilisation, dont le coût est modéré et qui permet une détermination précise de la latitude d'un lieu, aussi bien en mer qu'à terre.