Akinétopsie ou agnosie visuelle du mouvement
En 1983, Joseph Zihl et ses collaborateurs ont publié à Munich un article consacré à une femme de 43 ans qui était devenue totalement incapable de percevoir les mouvements à la suite d’un accident vasculaire cérébral qui avait lésé les deux côtés de son cortex extrastrié impliqué dans la reconnaissance du mouvement (aire V5).
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Le patient n'a pas de problème de perception des parties ( donc ce n'est pas une agnosie sensorielle)
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Il n'a pas de problème de perception des objets ( donc ce n'est pas une agnosie "aperceptive")
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Il est capable de nommer les objets ( donc ce n'est pas une agnosie associative)
Cette patiente souffrait donc de cet étrange syndrome de la cécité au mouvement ou akinétopsie qui se manifeste par des "arrêts sur image" de plusieurs secondes tout au long desquels elle ne perçoit qu’une image immobile en perdant toute conscience visuelle des mouvements dans son environnement.
Traverser une rue était par exemple fort périlleux pour cette patiente puisqu’une voiture qu’elle avait vue "arrêtée" à une grande distance de l’endroit où elle était pouvait se retrouver tout près d’elle après qu’elle eut commencé à traverser.
Se verser un verre d’eau pouvait être tout aussi problématique puisqu'elle voyait l’eau qui coule comme gelée et qu’elle comprenait qu’elle en avait trop versé quand elle découvrait soudain l’eau répandue sur la table.
Les différentes aires du cortex extrastrié chez le macaque V1 représente le cortex visuel primaire MT ( Middle Temporal) ou V5 (D'après Maunsell et Newsome 1987) |
Vue d'ensemble des aires, en étalant la surface du néocortex. Il existe 25 aires à fonction visuelle prédominante (D'après Felleman et Van Essen 1991) |
Compléments aire V5 : http://www.lecerveau.mcgill.ca
On peut souligner que les cas de perte sélective de la perception du mouvement sont bien plus rares que les cas de perte de la vision des couleurs. Le fait que les aires V5 se trouvent symétriquement sur les faces latérales des lobes temporaux rend en effet improbable une atteinte accidentelle simultanée des deux régions. Par ailleurs, on peut penser que les deux régions symétriques jouent un rôle redondant empêchant une perte de la fonction en cas d’atteinte unilatérale.
Quelques cas ont pourtant été décrits dans la littérature scientifique : Vaina ( 1989 ) a comparé deux groupes de patients présentant d’une part des lésions pariéto-occipitales droites et d’autre part des lésions temporo-occipitales droites.
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Le premier groupe échouait aux tâches impliquant une perception stéréoscopique et montrait de graves déficits dans la comparaison de vitesses et la perception de la structure à partir du mouvement.
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Le second groupe en revanche montrait un déficit dans l’identification des formes 2D à partir du mouvement
Vaina et al ( 1990) décrivent également le cas d’un autre patient qui, suite à une atteinte bilatérale du cortex pariéto-temporo-occipital et de la matière blanche sous-jacente, montrait des performances très faibles dans les tâches de perception du mouvement : comme détecter la cohérence de mouvement dans un ensemble de points en mouvement aléatoire, discriminer des vitesses ou percevoir une forme 2D définie par une différence de vitesses relatives.
Sa vision stéréoscopique était également très altérée. Il avait pourtant conservé sa capacité à reconnaître les mouvements biologiques à partir de l’évolution de points lumineux placés aux jointures d’un acteur.
Bibliographie : Zeki S (1991) Cerebral akinetopsia (visual motion blindness). A Review. Brain; 114, 811-824. Zihl, J., von Cramon, D., Mai, N. (1983) Selective disturbance of movement vision after bilateral brain damage. Brain; 106, 313-340. Zihl, J., von Cramon, D., Mai, N., Schmid, C. (1991) Disturbance of movement vision after bilateral posterior brain damage. Further evidence and follow up observations. Brain; 114; 2235-2252.