Le modèle ABC : Exemple de quatre activités d'enseignement
Les explications concernant le développement de la fleur et la mise en place de l'identité des organes floraux (modèle ABC) sont disponibles dans le fichier comprendre. L'ensemble des documents utiles sont disponibles dans le dossier ressources du site. Il peut être également intéressant de consulter les diaporamas utilisés lors de formavie 2010 pour les ateliers "images et morphogenèse végétale 1" et "image et morphogenèse végétale 2". Certaines pistes d'exploitation ont déjà été utilisées face à des élèves et sont donc particulièrement détaillées. D'autres sont des idées possibles, non encore testées à ce jour.
- Activité1 : Contrôle génétique du plan d'organisation de la fleur ; Classe de seconde (plan d'organisation, exemple d'application après l'étude des vertebrés)
- Activité 2 : Les gènes ABC, des gènes du développement (conséquence des mutations, gène architecte, utilisation de RASTOP) ; Classe de term. S
- Activité 3 : Différentes échelles du phénotype, rôle du génotype, conséquences des mutations ; Classe de 1ièreS et de termS
- Activité 4 : Les gènes ABC, un exemple de famille multigénique ; classe de term.S
Activité 1 : Le contrôle génétique du plan d'organisation de la fleur (notion de mutation homéotique)
Plusieurs étapes sont proposées pour cette activité :
Etape 1 : Etude du plan d'organisation de la fleur
Etape 2 : Arabidopsis thaliana, une plante modèle
Etape 3 : Caractérisation des mutants ABC
Etape 4 : établissement du modèle
Etape 1 : Etude du plan d'organisation d'une fleur
On peut par exemple partir de l'observation à la loupe binoculaire de plusieurs fleurs : donner le nom des différents organes, aborder la notion de symétrie centrale (fleur actinomorphe) ou bilatérale (fleur zyomorphe), définir les 4 verticilles.
Cette première étape permet de montrer qu'il existe un plan d'oganisation précis de la fleur et que l'identité d'un organe dépend de sa position (verticille)
La problématique est alors la suivante : comment s'établit le plan d'organisation de la fleur et en particulier l'identité des organes floraux?
Etape 2 : Arabidopsis thaliana, une plante modèle
Fleur sauvage
d'Arabidopsis thaliana
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Il est possible, à partir d'exemples déjà traités en classe, d'indiquer l'importance de disposer de modèles d'étude en biologie (drosophile, souris ...). Il est également nécessaire de présenter A. thaliana en expliquant pourquoi cette plante est une plante modèle (elle pousse facilement et rapidement, occupe peu d'espace, produit de très nombreuses graines, possède un génome de petite taille ...). L'idéal est de disposer soit de plants d'A.thaliana, soit de plants de plantes similaires telles que la capsella bursa pastoris, en fonction de ce que vous trouverez à proximité de votre établissement. On peut alors étudier plus précisément le plan d'organisation de la fleur d'Arabidopsis thaliana (plan d'organisation identique à celui de toutes les brassicacées, il est donc possible d'utiliser des fleurs de plus grande taille avec les élèves). |
Enfin, il est intéressant de s'interroger avec les élèves sur les moyens, les approches dont disposent les chercheurs pour étudier un mécanisme biologique particulier : La recherche de mutants affectés pour le mécanisme etudié est une des approches les plus classiques. On peut également discuter des techniques de mutagenèse (utilisation d'agents mutagènes tels que l'Ethyl-Methyl-Sulfonate ; intégration d'ADN-T au hasard par transformation via Agrobacterium tumefaciens).
Etape 3 : Etude des différents mutants ABC
A partir de l'observation de la fleur sauvage (vue de côté et vue de dessus) et des différents mutants à la loupe binoculaire, il est possible de faire remplir aux élèves un tableau qui leur permettra de construire le modèle ABC.
Mutants de classe B :
Mutant classe B
pistillata
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Avec les images proposées, le mutant le plus facile à étudier dans un premier temps est le mutant de classe B pistillata (vu de côté et vu de dessus), pour lequel l'homéose est complète. Les élèves pourront dans un premier temps observer l'absence de pétales puis la présence d'un pistille de diamètre élevé et de forme irrégulière. Il est nécessaire de les amener à comprendre ce phénotype en terme d'homéose c'est à dire de remplacement d'un organe par un autre. On oberve en effet dans le cas du mutant pistillata le remplacement des pétales du verticille 2 par des sépales et des étamines du verticille 3 par des carpelles. L'ensemble des carpelles des deux verticilles centraux fusionne ce qui donne le pistil hypertrophié et irrégulier observé. (On peut indiquer aux élèves qu'il existe une autre mutation, différente de la mutation pistillata, dont la conséquence est identique. Il s'agit de la mutation apetala3) |
L'étude de ce premier mutant permet donc de mettre en évidence la notion de mutation homéotique (mutation dont la conséquence est le remplacement d'un organe par un autre). On observe donc une modification du plan d'organisation de la fleur.
Mutant de classe A
Mutant classe A
apetala2
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Nous disposons de l'image d'un mutant de classe A apetala2 (vu de côté et vu de dessus) dont le phénotype est peu marqué. On observe en effet des stigmates à l'apex des sétales et des petales anormaux. Il s'agit d'une transformation homéotique partielle des sépales du verticille 1 en carpelles et des pétales du verticille 2 en étamines. Il est nécessaire d'indiquer aux élèves que l'observation des cellules qui consituent ces organes chimères a permis de confirmer l'observation à la loupe binoculaire. On peut également indiquer que d'une plante à l'autre ou d'une fleur à l'autre sur la même plante, la transformation homéotique peut être plus ou moins marquée ce qui permet d'aborder le caractère aléatoire et complexe de la mise en place du phénotype pour un génotype donné. Quelques images de mutants ABC, obtenues au cours de l'atelier organisé dans le cadre de formavie 2010, peuvent vous aider à aborder cet aspect des phénotypes de mutants. (On peut indiquer aux élèves qu'il existe une autre mutation, différente de la mutation pistillata, dont la conséquence est identique. Il s'agit de la mutation apetala1) |
L'étude de ce deuxième mutant permet donc de mettre en évidence la notion de transfomation homéotique incomplète et le fait que l'établissement du phénotype met en oeuvre des phénomènes parfois complexes et aléatoires.
Mutant de classe C
Mutant classe C
agamous
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Les images du mutant de classe C agamous (vu de côté et vu de dessus) permettent d'observer une fleur constituée uniquement de sépales et de pétales. Le nombre de verticilles mis en place est par ailleurs indéfini alors que la fleur sauvage est constituée d'un nombre défini de 4 verticilles. Ce mutant présente un double phénotype : D'une part une transfomration homéotique des étamines du verticille 3 en pétales et des caprelles du verticille 4 en sépales et d'autre part, une transformation du méristème floral défini en un méristème indéfini. |
L'étude de ce deuxième mutant permet donc d'aborder la notion de fonction multiple de certains gènes : le gène agamous code pour une protéine qui contrôle à la fois l'identité des étamines et des carpelles et le nombre de verticilles mis en place par le méristème floral.
Etape 4 : Etablissement du modèle
Suite à l'observation des phénotype, le tableau peut être entièrement complété et utilisé pour mettre en place le modèle ABC.
Les élèves observent que les mutations affectent systématiquement deux verticilles adjascents, que la mise en place des sépales nécessite la présence des gènes de classe A, la mise en place des pétales, la présence des gènes de classe A et B, la mise en place des étamines, la présence des gènes de classe B et C et la mise en place des carpelles la présence du gène de classe C. Pour établir le modèle ABC, il faudra également indiquer la présence d'un antagonisme entre les gènes de classe A et le gène de classe C (là où les gènes de classe A s'expriment, le gène de classe C ne peut s'exprimer et vice versa). Il est alors possible d'établir le modèle ABC comme suit :
Représentation la plus courante du modèle ABC
Le modèle ABC a été établi par E. Meyerowitz et ses collaborateurs en 1991, avant que les séquences des gènes ABC ne soient connues. Lorsque les gènes ont été isolés et leur profile d'expression étudiés, ce modèle a pu être confirmé. Les images concernant l'expression des gènes ABC peuvent alors être étudiées par les élèves. Enfin, pour s'assurer que le modèle est compris par les élèves, on peut leur demander de reproduire le modèle pour les mutants des différentes classes.
Activité 2 : Les gènes ABC, des gènes du développement
Pour cette activité, envisageable en classe de terminale, il est possible de s'inspirer des premières étapes de l'activité précédente. Il est cependant alors important d'insister sur la fonction des gènes homéotiques ABC et leur rôle très important au cours du développement. En effet, la mutation d'un seul des gènes ABC a des conséquences très importantes sur le phénotype de la fleur puiqu'elle en modifie le plan d'organisation. Il n'est pas alors nécessaire d'aborder l'ensemble des gènes ABC.
La notion de gène maître pourra en particulier être abordée d'après l'étude des protéines codées par les gènes ABC. Aucun modèle des protéines ABC n'a été établi à ce jour (Ce type de modélisation par RMN ou difraction aux rayons X est difficile à établir et nécessite beaucoup de temps). Cependant, la protéine humaine MEF2a présente une séquence proche de celles des protéines ABC (en dehors d'APETALA2). Il s'agit d'une protéine de la famille des protéines à boîte MADS (comme indiqué le fichier correspondant du répertoire "comprendre"). Il est donc possible d'étudier le modèle de cette protéine à l'aide du logiciel RASTOP. En utilisant le fichier PDB de la protéine MEF2a, on peut faire une coloration par chaîne pour mettre en évidence la présence d'un dimère de protéines et d'ADN. Ainsi, la protéine à boîte MADS est capable d'interagir, sous forme de dimère, avec l'ADN. On pourra par ailleurs demander aux élèves d'utiliser les potentialités du logiciel pour mettre en évidence cette interaction.
A partir de la mise en évidence des interactions entre les protéines ABC et l'ADN, on pourra aborder la notion de facteur de transcription, de gène maître ou gène architecte. Ainsi, les protéines codées par les gènes homéotiques ABC contrôlent l'identité des organes floraux en contrôlant l'expression de nombreux gènes. (Il est bien nécessaire d'indiquer aux élèves que la mise en évidence de la fonction de facteur de transcription ne repose pas uniquement sur la modélisation des protéines!!).
Activité 3 : Différentes échelles du phénotype, rôle du génotype, conséquences des mutations
Cette activité peut être envisagée en classe de première S et de terminale S, comme une activité complémentaire ou un exercice d'application par exemple.
On peut partir des mutants de classe B apetala3 et pistillata. On observe dans un premier temps le phénotype à l'échelle de la plante.
- Il s'agit d'une mutation homéotique
- Les deux mutants de classe B, le mutant pistillata et le mutant apetala3 présentent des génotypes différents mais des phénotypes similaires.
- Différentes fleurs d'un même mutant pistillata peuvent présenter des génotypes identiques mais des phénotypes différents.
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Ces deux fleurs du même mutant pistillata présentent des aspects différents : Pour le verticille 2 , on observe une transformation homéotique complète des pétales en sétales pour la fleur 2 alors que cette transformation est incomplète pour la fleur 1; Pour le verticille 3, on observe dans les deux cas une transformation homéotique des étamines en carpelles mais si l'ensemble des carpelles sont fusionnés pour la fleur 1, ce n'est pas le cas de la fleur 2.
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- Différentes échelles du phénotype peuvent être abordées :
L'échelle macroscopique correspond à l'observation la fleur entière (même si la loupe binoculaire peut-être nécessaire).
L'échelle cellulaire peut être évoquée : le changement d'identité d'un organe provient du changement d'aspect et d'identité des cellules qui le composent.
L'échelle de la protéine peut être abordée par l'utilisation d'un modèle de protéine à boîte MADS à l'aide du logociel RASTOP.
L'échelle moléculaire peut être abordée par comparaison de séquences. Les séquences des gènes apelala3 et pistillata et de certains allèles mutants ont été sélectionnées pour cette activité (séquences des allèles apetala3 et pistillata à télécharger). On peut ainsi, par comparaison des séquences des gènes et observation des conséquences sur la protéine, mettre en évidence les conséquences des mutations ponctuelles (substitutions aboutissant à des mutations faux-sens ou non sens).
Les conséquences variables des mutations peuvent également être mises en évidence par l'étude de deux mutants agamous, porteurs d'allèles mutés différents tels que l'allèle agamous-1 et l'allèle agamous-4.
Activité 4 : Les gènes ABC, un exemple de famille multigénique
En dehors du gène apetala2, l'ensemble des gènes ABC appartiennent à la même famille de gène, très importante chez les végétaux mais également présente chez les autres eucaryotes. Il s'agit de la famille des facteurs de transcription à boîte MADS. Le gène apetala2 pour sa part code pour un facteur de transcription d'une autre famille. Les gènes et les protéines ABC sont donc un bon support pour l'étude des familles de gènes.
Etape 1 - Mise en évidence de l'existence de famille de gènes : La comparaison des séquences des protéines ABC (en dehors d'APETALA2) peut être utilisée pour mettre en évidence l'existence de familles de gènes. Cela permet en particulier d'isoler une région très conservée, la boîte MADS.
Etape2 - Retracer l'histoire évolutive des gènes ABC. Les protéines de classe B APETALA3 et PISTILLATA ont des séquences très proches et la même fonction ; leurs gènes sont issus d'une duplication récente. En revanche, les gènes apetala1, agamous et apetala3 sont plus divergeants à la fois au niveau de la séquence et au niveau de la fonction. Ils sont certainement issus de duplications plus anciennes suivies de nombreuses mutations. Pour bien mettre en évidence cette histoire évoluive, il est nécesaire de prendre une protéine de classe B comme référence pour la comparaison.
Etape 3 : APETALA2, une protéine à part. On peut comparer l'ensemble des protéines ABC entre elles pour mettre en évidence la particularité d'APETALA2 qui n'est pas un facteur de transcription à boîte MADS (séquences disponibles). Il s'agit donc d'un exemple de convergence évolutive : Deux gènes d'origines très différentes présentent des fontions similaires et en partie redondantes.
Etape 4 : La famille des gène à boîte MADS et l'évolution des plantes à fleur.
Cette carte génétique d'Arabidopsis thaliana permet de bien montrer aux élèves l'importance de la famille des facteurs de transcription à boîte MADS chez les plantes à fleur. On peut par ailleurs indiquer aux élèves que ces facteurs de transcriptions existent également chez les autres plantes (fougères, pinophytes...). En revanche, certain facteurs de transcription à boîte MADS sont spécifiques des Angiospermes et semblent avoir joué un rôle important dans l'apparition, l'évolution et la diversification des plantes à fleurs (Scutt et al. 2006). On souligne ainsi l'importance évolutive des innovations génétiques telles que la duplication de gènes et l'accumulation de mutations. |
Références
Bibliographie
Sitographie
http://www-biology.ucsd.edu/labs/yanofsky/home.html
Remerciements
Je tiens à remercier mes élèves du Lycée Lacassagne et du Lycée du Parc à Lyon qui ont participé à ces diverses activités et joué le jeu de la critique constructive.