Le modèle ABC
- Plan d'organisation de la fleur sauvage d'Arabidopsis thaliana
- Les principaux stades du développement de la fleur
- Description des mutants de classe A, B et C et établissement du modèle ABC
- Profils d'expression des différents gènes ABC
- Les gènes ABC codent pour des facteurs de transcription
- Références
Mots clé : modèle ABC, mutants de classe A, mutants de classe B, mutants de classe C, hybridation in situ, gène rapporteur, facteur de transcription, famille multigénique
Plan d'organisation de la fleur sauvage d'Arabidopsis thaliana
Comme pour la plupart des Angiospermes, la fleur d'Arabidopsis thaliana est formée de quatre cercles concentriques d'organes ou verticilles. Elle est constituée, de l’extérieur vers l'intérieur, de quatre sépales qui forment le premier verticille, de quatre pétales qui forment le deuxième verticille, de six étamines (organes mâles) qui forment le troisième verticille et de deux carpelles soudés (organes femelles ou pistil) qui forment le quatrième verticille.
fleur sauvage vue de dessus (observée à la loupe binoculaire)
|
fleur sauvage vue de côté (observée à la loupe binoculaire)
|
Les principaux stades du développement de la fleur
La fleur se met en place à partir d'un méristème floral. Différents stades de développement ont été définis. Au stade 1, le méristème floral se différencie du méristème d'inflorescence. Jusqu'à la fin du stade 2, aucun promordium d'organe floral n'est visible. Au stade 3, les primordia de sépales sont mis en place. Au stade 6, les primordia de sépales, de pétales et d'étamines sont observés.
Cette photgraphie en microscopie électronique à balayage permet d'orbserver la mise en place des méristème floraux par le méristème d'inflorescence. Seuls les stades de développement très précoces du méristème floral sont visibles.
Les schémas ci-dessous, de coupes longitudinales dans les méristèmes floraux à différents stades de développement, permettent de mieux appréhender les étapes du développement floral.
Description des mutants de classe A, B et C et établissement du modèle ABC
L'étude de mutants floraux a permis d'identifier trois classes de mutants homéotiques (A, B et C) affectés dans l'identité des organes de deux verticilles adjacents.
Les mutants de classe A
Fleur du mutant apetala2-1 de dessus (observé à la loupe binoculaire)
|
Fleur du mutant apetala2-1 de côté (observé à la loupe binoculaire)
|
Les mutants de classe A présentent une fleur de morphologie anormale. Les sépales ont des caractéristiques carpellaires (présence de stigmates à l'apex, présence éventuelle d'ovules sur sur les bords). Les pétales sont également anormaux et présentent des caractéristiques d'étamines (filet à la base et parfois des anthères au sommet). Cette mutation correspond donc à une transfomation homéotique des sépales en carpelles et des pétales en étamines. Deux types de mutants présentent des phénotypes identiques, les mutants pour le gène apetala1 et les mutants pour le gène apetala2. Le mutant homozygote pour l'allèle apetala2-1 observé ci-dessus présente une transformation homéotique incomplète.
Les mutants de classe B
Fleur du mutant pistillata-1 de dessus (observée à la loupe binoculaire)
|
Fleur du mutant pistillata-1 de côté (observée à la loupe binoculaire)
|
Les mutants de classe B présentent une fleur de morphologie anormale. Les pétales sont remplacées par des sépales. Les étamines sont remplacées par des carpelles. De ce fait, le centre de la fleur est constitué de deux verticilles de carpelles mal fusionnés du fait de la gêne stérique. Le "pisitil" est ainsi de grande taille et de forme irrégulière. Cette mutation correspond donc à une transfomation homéotique des pétales en sépales et des étamines en carpelles. Deux types de mutants présentent des phénotypes identiques, les mutants pour le gène apetala3 et les mutants pour le gène pistillata. Le mutant homozygote pour l'allèle pistillata-1 observé ci-dessus présente une transformation homéotique complète.
Les mutants de classe C
Fleur du mutant agamous-1 de dessus (observée à la loupe binoculaire)
|
Fleur du mutant agamous-1 de côté (observée à la loupe binoculaire)
|
Les mutants de classe C présentent une fleur de morphologie anormale. Il s'agit d'une fleur produisant un nombre très important d'organes. Le premier verticille est constitué de sépales, le seconde de pétales. Au niveau du troisième verticille, on observe des pétales à la place des étamines et au niveau du quatrième verticille on observe des sépales à la place des carpelles. Par ailleurs, au centre de la fleur, de nouveaux verticille continuent à se mettre en place indéfiniement dans un ordre toujours identique (sépales/pétales/pétales). Le phénotype des mutants de classe C est donc double. La mutation correspond à une transfomation homéotique des étamines en pétales et des carpelles en sépales. Par ailleurs, la fleur présente une croissance indéterminée. Un seul type de mutants présente ce double phénotype, il s'agit des mutants pour le gène agamous. Le mutant homozygote pour l'allèle agamous-1, observé ci-dessus présente une transformation homéotique complète.
L'établissement du modèle ABC
Les gènes A, B et C sont donc des gènes homéotiques. Pour chacun des mutants, deux verticilles adjacents sont affectés. On peut alors conclure que la mise en place de pétales nécessite la présence d'allèles fonctionnels des gènes de classe A, la mise en place des pétales nécessite la présence d'allèles fonctionnels des gènes de classe A et B, la mise en place des étamines nécessite la présence d'allèles fonctionnels des gènes de classe B et C et la mise en place des carpelles nécessite la présence d'un allèle fonctionnel du gène de classe C. La caractérisation des mutants ABC a permis d'établir un modèle expliquant le mécanisme de détermination de l'identité des différents organes floraux, le modèle ABC.
L'expression des gènes de classe A seuls, dans le verticille 1, aboutit au développement des sépales. L'expression simultanée des gènes de classe A et B dans le verticille 2, aboutit au développement des pétales. L'expression simultanée des gènes de classe B et C dans le verticille 3, aboutit au développement des étamines. L'expression de gènes de classe C seuls, dans le verticille 4, aboutit au développement des carpelles. Enfin, selon le modèle ABC, les fonctions A et C sont antagonistes. Chez les mutants de classe A, la fonction C s'étend à l'ensemble des verticilles et vice versa.
Profils d'expression des différents gènes ABC
Le modèle ABC a été établi simplement à partir de l'observation des mutants (Meyerowitz et al., 1991). Il a ensuite été validé lorsque les gènes ABC ont été isolés, caractérisés et que leurs patrons d'expression ont été étudiés.
Techniques pour l'étude de l'expression des gènes
Il existe de nombreuses techniques pour étudier les patrons d'expression des gènes.
- On peut étudier les zones où le gène est transcrit.
- La technique la plus utilisée est l'hybridation in situ. Il s'agit d'utiliser un petit oligonucléotide (ADN sonde) spécifique et complémentaire de l'ARNm du gène étudié. Cette sonde est marquée puis hybridée directement sur des coupes fines des structures étudiés.
- Une autre technique consiste à utiliser un gène rapporteur. Ce dernier est mis sous contrôle du promoteur du gène étudié. La construction est ensuite insérée dans le génome de la plante par transgenèse. Un gène rapporteur code pour une protéine facilement visualisable. Il peut s'agir soit d'une enzyme capable de transformer un substrat incolore en un produit coloré (gène GUS codant pour la glucuronidase). Il peut également s'agir d'une protéine fluorescence (GFP pour Green Fluorescent Protein). L'utilisation de ce dernier type de protéine permet de travailler et de faire des observations in vivo.
- On peut étudier également les zones où la protéine est présente par immunolocalisation. Il s'agit d'utiliser un anticorps spécifique de la protéine pour localiser la protéine sur des coupes fines des structures étudiées. Cette technique n'est pas toujours applicable car il est souvent très difficilesd'obtenir des anticorps spécifiques. Les résultats en immunolocalisation ne sont pas forcément identiques aux résultats en in situ.
Etude de la transcription des gènes ABC chez la plante sauvage
- Les gènes de classe A s'expriment très précocément dans l'ensemble du méristème (stades 1 et 2) puis dans les verticilles 1 et 2 à partir du stade 4
-
Les gènes de classe B s'expriment dans les verticilles 3 et 4
- Les gènes de classe C s'expriment au centre du méristème floral pour les stades 3 et 4 (st3 et st4) du centre du méristème floral puis précisément dans les verticilles 3 et 4 à partir du stade 5.
Les gènes ABC sont des facteurs de transcription
- En dehors du gène AP2, tous les gènes ABC codent des facteurs de transcription à boîte MADS (pour MCM1 de Saccharomyces, AG d'Arabidopsis, DEFICIENS d'Antirrhinum, et SRF de l'homme ; Riechmann and Meyerowitz, 1997). Ces facteurs de transcription sont capables de se lier à l'ADN sous forme de dimères. Ces protéines sont présentes chez les champignons, les animaux et les végétaux. En plus du domaine MADS de liaison à l'ADN, les protéines de plantes possèdent un second domaine conservé, le domaine K, analogue au segment en double hélice de la kératine qui serait impliqué dans des interactions protéine-protéine. Ci-dessous, l'exemple de la protéine AGAMOUS. Il s'agit de facteurs de transcription capables de se lier à l'ADN sous forme de dimères. Cette famille de protéines est présente chez les champignons, les animaux et les végétaux. En plus du domaine MADS de liaison à l'ADN, les protéines de plante possèdent un second domaine conservé, le domaine K analogue au segment en double hélice de la kératine qui serait impliqué dans des interactions protéine-protéine.
L'interaction des protéines ABC avec l'ADN a été démontrée (Riechmann et al., 1996) et il existe des modèles moléculaires de facteurs de transcription à boîte MADS, obtenus par diffraction aux rayons X, qui permettent d'appréhender la conformation de ces protéines.
Le gène apetala 2 code pour un facteur de transcription de type différent (facteur type AP2/EREBP)
- Contrairement à ce que l'on observe chez les animaux pour les gènes homéotiques à homéodomaine, les gènes homéotiques des plantes ne présentent pas un positionnement particulier au sein du génome. Par ailleurs, il existe de très nombreux facteurs de transcription à boîte MADS chez les végétaux. Ils forment une famille multigénique complexe (107 gènes de cette famille au sein du génome d'Arabidopsis thaliana ; Parenicova et al., 2003).
Enfin, les gènes ABC sont retrouvés chez l'ensemble des Angiospermes. Les facteurs de transcription à boîte MADS, que l'on retrouve également chez les filicophytes et les pinophytes ont certainement joué un rôle majeur dans l'évolution des structures reproductives des plante et en particulier dans l'apparition de la fleur des Angiospermes au sein de laquelle l'ovule est protégé par un carpelle fermé(Scutt et al., 2006).
Références
Bibliographie
Sitographie
http://www-biology.ucsd.edu/labs/yanofsky/home.html
Remerciements
Je tiens à remercier Jean-Emmanuel Faure, auteur des photos des différents mutants ABC, ainsi que les chercheurs du laboratoire de reproduction et développement des plantes de l'ENS de Lyon (RDPL) qui m'ont fourni images et références.