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Les implications pour la famille

Par rnicolet — Dernière modification 29/09/2017 15:42
La famille représente le premier acteur dans la prise en charge des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. L'impact économique et sociale est tel qu'il se fait ressentir sur la santé des aidants. Le niveau de ce fardeau peut être modéré par la gratification apportée.

L’aidant informel est défini comme une personne issue de l’entourage du sujet dépendant qui n’a pas été formée pour cette tâche et qui assume la prise en charge de façon non rémunérée.
Pour comprendre l’aide, il est nécessaire d’appréhender l’aidant comme quelqu’un ayant une histoire ou un passé commun avec la personne aidée avant l’installation de la relation d’aide, mais aussi qui interagit avec l’ensemble des aidants informels (appelés co-aidants) et des aidants professionnels.


Depuis toujours, la famille est le véritable pivot de la prise en charge à domicile des personnes âgées dépendantes et en particulier des sujets atteints de maladie d’Alzheimer. Longtemps considérée comme « naturelle », cette aide n’a pas suscité d’intérêt particulier de la part des pouvoirs publics. Avec le développement des politiques de soutien à domicile et la mise en place d’aides professionnelles spécifiques, l’évaluation des besoins de ces personnes a permis de prendre conscience de l’importance de cette aide informelle.


Cette reconnaissance s’est amorcée lors de la mise en place de la « prestation spécifique dépendance » puis de « l’allocation personnalisée d’autonomie », qui offrent la possibilité de rémunérer une personne non qualifiée pour l’aide qu’elle apporte à une personne âgée dépendante. La maladie d’Alzheimer, en elle-même, a largement contribué à renforcer cette visibilité : une des propositions du rapport Girard (septembre 2000), était de mettre en oeuvre une allocation spéciale au bénéfice des aidants informels. Le plan « Solidarité grand âge » présenté en juin 2006, souligne la nécessité d’apporter un soutien aux aidants familiaux, en créant notamment un droit de répit pour ces aidants. Ce répit pourra reposer sur le recours à l’hébergement temporaire ou le
recours à de nouveaux modes de soutien comme le « baluchon Alzheimer » développé au Canada. Enfin, la Conférence de la famille en 2006 consacrée aux « solidarités entre générations, au sein et en faveur des familles » avait comme objectif de mieux reconnaître, soutenir et valoriser la place des aidants familiaux.

En France, il reste difficile d’estimer le nombre d’aidants de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer. En effet, les données de l’enquête HID (Handicap-Incapacités-Dépendance) estiment à 3 700 000 le nombre d’aidants de personnes âgées de 60 ans et plus, sans préciser la part de ces personnes atteintes de maladie d’Alzheimer. Les aidants sont les conjoints dans la moitié des cas et les enfants (ou leur conjoint) dans près d’un tiers des cas, ces proportions sont les mêmes concernant les aidants des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer, si l’on se réfère à la cohorte REAL.FR. Parmi les personnes âgées de 60 ans et plus ayant besoin d’une aide, la moitié serait aidée uniquement par l’entourage, 29 % bénéficieraient d’une aide mixte associant aide informelle et aide professionnelle et 21 % seraient assistées exclusivement par des professionnels.


À domicile, le nombre d’heures d’aide apportée par l’aidant est considérable et représente deux à trois fois le volume d’aide professionnelle. Il existe une grande variabilité du volume d’aide informelle déclaré par l’aidant, lié à son mode de vie (notion de cohabitation avec l’aidé) et aux caractéristiques de la personne aidée (niveau de sévérité de la démence). La famille continue à jouer un rôle important, même après l’entrée en institution de la personne malade, tant au niveau des contacts qu’elle conserve avec la personne âgée qu’au niveau de la relation d’aide qui se poursuit dans 30 à 50 % des cas.

Les aidants naturels fournissent toute une gamme de services de soutien aux aînés, dont l’entretien ménager, les repas, l’entretien et les réparations de la maison, l’entretien du terrain, le transport, la gestion financière, la gestion des soins (prendre des rendez-vous, prendre des dispositions pour les services formels, etc.), les soins personnels (l’aide à se nourrir, s’habiller, faire sa toilette, prendre ses médicaments, etc.), l’évaluation continue de l’état de santé de la personne et le soutien émotionnel.

tâches accomplies par les aidants

Selon l'enquète sociale de statistique du Canada, Les soignants parents/amis consacrent un montant de temps considérable à fournir ces services de soutien, bien que l’écart selon le sexe est significatif dans ce cas. Les hommes qui sont aidants naturels consacrent 16 heures par mois en moyenne à aider un aîné, tandis que les femmes y consacrent plus de 28 heures par mois.

Lorsqu’il s’agit des types de tâches effectuées par la plupart des aidants naturels, on observe encore un écart selon le sexe. Pour les femmes, la tâche exigeant le plus de temps est l’entretien ménager, suivi loin derrière par les soins personnels. Les hommes quant à eux consacrent presque autant de temps à effectuer l’entretien ménager, l’entretien et les réparations de la maison et l’entretien du terrain.

Lorsqu’on fait le calcul de toutes les heures de soins fournis par les plus de deux millions d’aidants naturels au Canada, l’importance de leur apport à la société est absolument impressionnante. Par exemple, en 1996, cela aurait exigé 276 509 employés à temps plein, à un coût d’entre 5 et 6 milliards de dollars, pour effectuer les services fournis gratuitement aux aînés de la part des aidants naturels.

 
D'après les statistiques canadiennes, la santé physique et émotionnelle de l’aidant naturel peut aussi être à risque en raison de ses responsabilités de soins. Certains rapportent des changements de sommeil (18 % des femmes et 10 % des hommes) et dans leur état de santé (20 % des femmes et 7 % des hommes), ainsi que des niveaux élevés de stress lié aux soins qu’ils donnent (50 % des femmes et 25 % des hommes)

La fragilité de l’aidant peut également s’appréhender par une mesure du vécu de l’aide ressenti par l’aidant. Ainsi, le concept de fardeau ou « burden », dont un des outils a été développé par Zarit, étudie les conséquences de l’aide sur la vie de l’aidant sous différentes dimensions (physique, psychologique, socioprofessionnelle et financière). Un niveau de fardeau élevé est important à repérer car c’est un déterminant majeur de rupture de l’aide à domicile se traduisant par un placement en institution. De nombreux facteurs peuvent expliquer le niveau de fardeau des aidants, certains liés aux caractéristiques de l’aidant (sexe, lien de parenté), d’autres aux caractéristiques de la personne aidée (sévérité de la dépendance, nature des troubles) et enfin aux caractéristiques de la relation d’aide.

L'étude canadienne précise alors que les conséquences économiques sont parfois consi-dérables. Plus d’un tiers des aidants naturels auprès d’aînés disent avoir encouru des dépenses supplémentaires en assumant ce rôle de soutien. Certains d’entre eux ont assumé le coût de biens et services pour la personne à charge — comme le transport, les soins de relève ou les soins infirmiers, les serviettes pour incontinent, et la nourriture. D’autres assument le coût de services pour leur propre famille — dont la garde d’enfants et l’entretien ménager — afin de « gagner du temps » pour s’occuper de l’aîné. Dans le cadre de l’enquête de Statistique Canada, on ne demande pas aux aidants naturels de dévoiler le montant d’argent déboursé pour de telles choses, mais une étude pilote aux États-Unis estime que les frais assumés par les aidants naturels se situent en moyenne à 19 ,525 $ US pendant la durée de leur engagement envers la personne à leur charge.

En France, cette maladie sera un fléau socio-économique à partir de 2010 (génération né en 1946 et atteignant l'âge de 65ans). A l'heure actuelle, la famille supporte le coût élevé de cette maladie à hauteur en moyenne de 150 000 euros.

Les aidants naturels rapportent avoir aussi adapté leur conditions de travail afin de satisfaire aux exigences de la prestation de soins. Peu de répondants de l’enquête de Statistique Canada ont en fait quitté leur emploi ou renoncé à une promotion ou n’a pas profité d’une possibilité de formation au cours de l’année précédente, mais des minorités importantes d’aidants naturels ont réduit leurs heures de travail (10 % des hommes et 15 % des femmes) et/ou apporté des changements à leur emploi (13% des hommes et 19 % des femmes). Agir ainsi peut avoir de sérieuses répercussions sur les revenus et les bénéfices actuels et futurs. La même étude américaine mentionne des estimations maximales des pertes encourues par les aidants naturels : des pertes de revenus de 566 443 $ US, ainsi que des pertes de revenus de retraite de 25 494 $ US.

conséquences économiques des aidants

 

Souvent, les aidants naturels rapportent aussi que leurs responsabilités de soins envers la personne à charge nuisent à leurs activités sociales, familiales et récréatives. Selon Statistique Canada, des proportions importantes d’aidants naturels disent que leurs responsabilités de soins les obligent à modifier leurs activités sociales (37 % des femmes et 29 % des hommes) et/ou leurs projets de vacances (27 % des femmes et 21 % des hommes). Plusieurs disent également que leurs obligations de soins leur laisse trop peu de temps pour eux-mêmes (42 % des femmes et 22 % des hommes).

 conséquences sociales pour les aidants

Les répercussions de l’aide sur la vie de l’aidant sont largement abordées dans la littérature et soulignent les limites de cette aide. Les répercussions de l’aide sur la santé mentale de l’aidant sont fréquentes avec des risques élevés de dépression (dans 30 % des cas), d’anxiété, de troubles du sommeil (dans 80 % des cas). Les répercussions sur la santé physique de l’aidant ne sont pas négligeables et seraient secondaires au stress ou liées à un moindre
recours au soin de ces aidants

conséquences sur la santé des aidants


L’aidant peut également avoir un vécu positif de l’aide (gratification, reconnaissance) qui va modérer son niveau de fardeau. Ceci peut en partie expliquer le fait que certains aidants sont réticents à recourir à des aides professionnelles et poursuivent seuls la prise en charge, parfois jusqu’à l’épuisement, ce qui est important à détecter.

Selon l'enquète statistique canadienne, la vaste majorité des aidants naturels auprès d’aînés (entre 77 % et 90 % d’entre eux) disent que s’occuper d’une personne âgée leur offre la chance de donner à leur tour, en remerciement pour ce que l’aîné, ou la vie en général, leur a apporté. De façon similaire, des proportions importantes (90 % des hommes et 91 % des femmes) croient que s’occuper de l’aîné a renforcé leur relation. Ces sentiments positifs face à leurs responsabilités en tant qu’aidants naturels pourraient les aider à persévérer, en dépit des énormes défis liés à la tâche.

 

conséquences positives pour l’aidant

 

L’aide à une personne atteinte de maladie d’Alzheimer doit donc être évaluée périodiquement pour identifier les problèmes rencontrés par les aidants et leur proposer des mesures adaptées. En effet, au cours de sa « carrière », l’aidant traverse des moments clés comme l’annonce du diagnostic, le recours aux aides professionnelles, la rupture de l’aide à domicile et le décès de la personne aidée.
La problématique de l’aide aux aidants est souvent mise en avant, et les aidants ont recours aux ressources disponibles et connues(services de répit, groupes de soutien, associations de malades) mais l’évaluation de ce type d’intervention repose rarement sur de véritables recherches. Les quelques études publiées dans ce domaine ont pu dans certains cas démontrer un effet bénéfique des programmes de soutien sur l’entrée en institution ou sur la
capacité à gérer les troubles du comportement. Ces mesures doivent être bien évidemment compatibles avec la qualité de vie des malades.

 Parallèlement, la recherche sur l’aide informelle s’est considérablement développée : aucune publication enregistrée dans la base bibliographique Medline avant 1985 et 1 954 pour la période 2001-2006 (La recherche a inclus tous les articles référencés avec comme mot-clé caregivers (MESH), en ne sélectionnant que les articles dont les aidants représentaient la thématique principale, dans la population âgée de 65 ans et plus). Dans un premier temps, les différents concepts de l’aide ont été abordés : la personnalité de l’aidant avec ses capacités d’adaptation (ou notion de « coping »), les répercussions de l’aide sur la vie de l’aidant avec l’étude de la charge ressentie (ou concept de « burden ») ainsi que l’étude de ces déterminants. Plus récemment, des tentatives d’intervention destinées à diminuer les conséquences de l’aide sur la vie de l’aidant se sont développées.


Au total, cette aide informelle est importante car elle retarde l’entrée en institution. Il apparaît nécessaire de la quantifier car on s’attend dans l’avenir, du fait de l’évolution démographique et d’un allongement de l’espérance de vie, à une diminution quantitative de cette aide, qu’il faudra remplacer par une aide professionnelle. Cette « pénurie » d’aidants devrait être accentuée par des changements socio-culturels déjà visibles (familles recomposées, femmes moins disponibles, éloignement des enfants). Les évolutions concernant les valeurs sociales (désir d’autonomie individuelle, importance accordée à la famille générationnelle, rôle attendu de l’état dans le soutien aux plus fragiles) seront importantes à observer et analyser.

Sources :

- Maladie d'Alzheimer, enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux (c) Les éditions Inserm, 2007

- www.vifamily.ca