Biocarburants : l'énergie des plantes
D'après http://www2.cnrs.fr/presse/journal/4087.htm
L'énergie des plantes
Les biocarburants comportent deux familles : le biodiesel (huile extraite du colza, du tournesol…) et le bioéthanol (tiré de la fermentation des sucres contenus dans les betteraves, le blé, le maïs…).
Leur mission est de taille : il s'agit de se substituer au pétrole dans la fabrication des carburants. D'autant plus difficile que leur rôle dans la réduction des émissions de CO2 semble marginal. « Avec le biodiesel, indique Didier Hauglustaine, du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, cette réduction est d'environ deux tiers, mais avec le bioéthanol de maïs, elle est d'un quart seulement. Par ailleurs, la production intensive exige le recours à des quantités importantes d'engrais azotés, qui polluent les ressources en eau. » Dans le cas de la canne à sucre, 70 % de cet azote se retrouve dans les eaux et dans l'atmosphère où il se dégrade notamment en protoxyde d'azote (N2O), un très puissant gaz à effet de serre. Les estimations de l'Allemand Paul Crutzen, Prix Nobel de chimie en 1995, montrent que « la production d'un litre d'agrocarburant pourrait contribuer jusqu'à deux fois plus à l'effet de serre que la combustion de la même quantité de combustible d'origine fossile, poursuit Didier Hauglustaine. Ces données ne sont pas à prendre pour argent comptant car on connaît encore mal le cycle de l'azote et l'émission de N2O qui résulte de ces pratiques agricoles ».
Sans crier haro sur les biocarburants, Pierre Matarasso, directeur scientifique adjoint du département « Environnement et développement durable » du CNRS, insiste pour sa part sur la nécessité de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. « On ne peut pas traiter la question des biocarburants sans réfléchir d'abord à notre usage de l'automobile et à la façon d'optimiser l'efficacité énergétique des transports dans leur ensemble, dit-il. Les biocarburants ne peuvent avoir un sens que lorsque nous aurons fortement accru les transports collectifs et mis en place des “micro-” ou “nanovéhicules” possédant une motorisation qui n'aura pas besoin de dépasser 10 kW ou encore des “microbus” jouant le rôle de taxis collectifs destinés aux transports individuels urbains et périurbains. » Il n'empêche que l'Europe s'est fixé une incorporation de biocarburants à sa consommation de carburants de 5,75 % en 2010 et de 8 % en 2015.
Les biocarburants de deuxième génération....
La première génération de biocarburants, issue du colza, du tournesol ou encore de la canne à sucre, fait déjà tourner le moteur de nos automobiles. Mais ils n'ont pas bonne presse.
Si bien que les scientifiques planchent déjà sur une deuxième génération, à l'horizon 2020, qui présenterait notamment un meilleur bilan concernant les gaz à effets de serre. Contrairement à la génération précédente, les futurs biocarburants pourront être élaborés grâce à la totalité des plantes. Avantage : la possibilité d'utiliser une large gamme de cultures, praticables sur des sols qui ne requièrent pas les mêmes exigences que ceux utilisés pour la première génération, et n'entrant pas en compétition avec les productions alimentaires. Et ces biocarburants de deuxième génération pourront être produits à partir de déchets végétaux.
Une avancée possible, par exemple, grâce au récent séquençage du génome du champignon filamenteux Trichoderma reesei, par des chercheurs américains et français du Laboratoire « Architecture et fonction des macromolécules biologiques » à Marseille. De fait, « les enzymes de ce champignon transforment les végétaux en sucres simples, dont il se nourrit. Ces sucres fermentent ensuite, ce qui facilite leur transformation en éthanol, un biocarburant utilisable dans un moteur à essence », explique Bernard Henrissat, responsable de l'équipe française. Or les chercheurs ont montré que seul un petit nombre de gènes sont responsables de l'activité enzymatique du champignon. De plus, il possède en très faible quantité de nombreuses activités enzymatiques permettant habituellement la digestion de la cellulose de la paroi végétale. Une bonne nouvelle, puisqu'ainsi, il devrait se prêter facilement à des améliorations génétiques, afin d'optimiser sa capacité à produire des sucres pour la synthèse de bioéthanol.
Autre possibilité : produire des biocarburants non plus sur la terre ferme, mais à partir d'organismes marins grâce à des micro-algues. « Elles ont une bonne plasticité génétique, ne nécessitent aucun pesticide, et leur culture n'entre pas en compétition avec les surfaces agricoles », explique Antoine Sciandra, au Laboratoire d'océanographie de Villefranche, qui participe au projet Shamash, financé par l'ANR. Son but ultime : parvenir à produire des biocarburants à partir d'algues unicellulaires. Pour cela, les chercheurs devront répondre à moult questions. Quelles espèces sélectionner ? Comment favoriser leur métabolisme pour une production optimale ? Comment extraire les micro-algues de leur milieu de culture à des coûts énergétiques compétitifs ? Comment extraire ensuite de la matière végétale l'huile qui servira à la synthèse de carburants ? Etc. Le projet est à mi-parcours. « La bonne nouvelle, indique Antoine Sciandra, c'est que nous avons montré qu'il est possible d'accroître la teneur en lipides des micro-algues en manipulant les paramètres naturels qui régissent leur métabolisme. Mais actuellement, de nombreux problèmes importants demeurent, comme celui de la contamination des cultures par des espèces indésirables. » Autrement dit, la prudence est de mise. Mais pour autant, au terme du projet, une station pilote est envisagée. Et des pétroliers se montrent aujourd'hui intéressés par le concept. « Un autre intérêt, poursuit le chercheur, c'est le bilan carbone, en principe nul. Le dioxyde de carbone qui serait émis par la combustion de biocarburants issus de micro-algues aura été absorbé par la micro-algue dans l'atmosphère durant sa croissance peu de temps avant. » |