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Le regard d'Albert Jacquard: l'imprévisibilité, un échec de la science ?

Par chevallier — Dernière modification 29/11/2016 10:32
Emission du 4 janvier 2007 : "Chaque jour nous sommes assaillis de rencontres diverses. L'objectif de cette émission est de tenter une mise en cohérence, de tracer un chemin en pointillé dont chaque pas sera une réflexion de quelques minutes à propos du rôle de la science dans notre société. Car c'est le souci d'interroger l'univers qui a fait bifurquer l'aventure humaine."
  • Propostion de SVT-Grenoble, Académie de Grenoble
  • Pour accéder au site de l'émission, cliquez ici
albert-jacquard.jpg
Albert Jacquard (né en 1925)
Ingénieur, docteur en génétique et en biologie humaine
image du site: http://educpol.over-blog.com/article-3974364-6.html
  • Cette émission aborde la problématique de l'incertitude scientifique et de la connaissance de cette incertitude. Ce texte, d'un niveau confirmé, peut être travaillé en collaboration avec le professeur de philosophie à tout instant où l'on aborde la notion de mesure, de modèle déterministe, ou bien d'incertitude scientifique. Par exemple, en SVT, en terminale spécialité lorsque l'on développe la partie "Envisager les climats du futur" et que l'on fait travailler les élèves sur des modèles climatiques.
  • Le texte dans son intégralité:
 
 

  "Imaginons, amis auditeurs, un processus rigoureusement déterministe, c'est-à-dire tel que la valeur d'une caractéristique quelconque de l'objet ou du milieu étudié se déduise de sa valeur à l'instant précédent, au moyen d'une formule mathématique. Vous connaissez la valeur à l'instant t, et bien une formule vous permet de calculer la valeur à un instant t+1, et par conséquent t+2 et toute la suite. Si cette valeur à l'instant t est connue exactement, sa valeur à l'instant t+1 le sera également, et il sera possible de poursuivre la prévision indéfiniment. Mais, une telle connaisance absolue est bien rare sinon impossible. Une mesure n'est exprimée qu'avec un certain nombre de décimales, le point de départ de notre processus ne peut donc être connu qu'avec une certaine approximation : nous connaissons tout jusqu'à la 3eme, la 4eme, la 20eme décimale mais il faut bien s'arrêter à une décimale quelconque. La description nécessite non seulement de donner une valeur de la caractéristique étudiée, mais une certaine marge d'incertitude autour de cette valeur. La formule qui décrit le processus permet de calculer non seulement la valeur prévisible à l'instant suivant, mais elle permet également de calculer la nouvelle marge d'incertitude. Or, pour la plupart des phénomènes, cette nouvelle marge concernant l'instant à venir est plus grande que la marge concernant l'événement précédent. A mesure que les étapes du calcul se succèdent, cette marge d'incertitude grandit et il vient un moment où elle devient du même ordre de grandeur que la caractéristique étudiée. Ce qui rend la prévision dénuée de sens.

 


    Et bien de tels processus, dont la marge d'incertitude est croissante avec le temps sont dits chaotiques. C'est le cas, nous l'avons vu, de ce qui se passe dans l'atmosphère terrestre, où l'on observe l'effet papillon. Mais c'est le cas aussi pour le mouvement des planètes autour de leur étoile: cela avait été prédit par le calcul dès la fin du XIXeme siècle grâce au mathématicien Henri Poincaré.

 
 

poincare_henri.jpg

Henri Poincaré (1854-1912)
Image du site: http://www.academie-francaise.fr/images/immortels/portraits/poincare_henri.jpg
 
 

Cela a pu être vérifié il y a une décennie pour Vénus, Mars et la Terre. Supposons que nous connaissons leur position, de ces planètes, avec une précision permettant de les décrire, disons, avec une précision de dix décimales: nous connaissons la position de la Terre à dix décimales près. Et bien le calcul de leur trajectoire à venir, durant 10 millions d'années permettra de dire leur position avec 9 décimales. Au bout de 10 millions d'années nous aurons perdu une décimale, ce qui est une précision déjà remarquable. Mais si l'on cherche à prolonger le calcul sur 100 millions d'années, alors l'erreur possible devient supérieure à la distance entre ces planètes et le soleil. Autrement dit cette prévision n'a plus aucun intérêt.

 


    Et bien pour tout phénomène chaotique, on peut ainsi définir un temps caractéristique à partir duquel la prévision devient dépourvue de sens. Ce temps est donc de quelques semaines pour l'évolution de l'atmsophère terrestre, de quelques dizaines de millions d'années pour la position des planètes autour du Soleil.

 


    Avec ce concept, l'objectif de la connaissance change de nature: elle ne cherche plus à décrire une réalité lointaine mais à préciser le cadre à l'intérieur duquel cette réalité sera décrite. Il serait tout à fait contraire à l'esprit de ces recherches de voir dans l'imprévisibilité un échec de la science. Tout au contraire prendre en compte que cette imprévisibilité est une avancée vers une meilleure lucidité."