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Historique, enjeux & conditions des politiques internationales pour un développement durable

Par manel — Dernière modification 29/11/2016 10:14
Alain MANEL (SES, Grenoble, 2005)

Alors que la conscience des menaces sur l’environnement dues au mode de vie consumériste est aujourd’hui partagée à l’échelle mondiale, la promotion d’un modèle de développement durable par les dirigeants des Etats-nations s’avère à la fois timide et circonscrite à certains enjeux dont celui de l’effet de serre.


En recensant quelques grandes dates de l’action publique internationale pour un développement durable, on se demandera pourquoi certaines problématiques ont été inscrites – et d’autres non – sur l’agenda politique.


Les motivations de l’action publique

Le concept de développement durable est esquissé en Europe au début du XXème siècle dans un contexte d'économie coloniale et de concurrence pour le contrôle des ressources naturelles. Aux Etats-Unis ensuite, où le dynamisme démographique inquiète, Théodore ROOSEVELT, dans la lignée de MALTHUS, s'interroge sur ce qui est laissé aux générations futures. Cette inquiétude renaît après la Seconde Guerre mondiale lorsque les P.E.D. entament leur transition démographique. Enfin le progrès technologique énergivore1 et aliénant2 apparaît à certains penseurs comme une menace pour un développement durable. Pour autant le progrès technologique n'a jamais été politiquement mis en cause, au contraire : ce facteur de croissance, "tombé du ciel" dans les théories traditionnelles, hommes politiques et économistes l'espèrent, le cherchent de manière empirique (financement de la recherche et politiques industrielles) ou théorique3.


L'action politique en faveur d'un développement durable ne va donc pas naître d'une prise de conscience globale des enjeux écologiques et humains ou encore d'un rejet philosophique de la technologie. Ce sont les menaces sur les biens collectifs purs que sont l'atmosphère et le climat qui feront agir les Etats. L'atmosphère et le climat ne peuvent être privatisés, on ne peut exclure un individu de leur usage ni lui opposer la consommation d'un autre plus offrant (que je paye ou non, la couche d'ozone me protège des U.V. et je subis le climat ; idem pour mon voisin). Dès lors, dans la mesure où les conséquences de nos comportements sur le climat et la couche d'ozone se manifestent à l'échelle du monde, la tentation du passager clandestin est forte. Aucun Etat n’est incité à adopter des politiques visant à limiter l’émission de G.E.S. : elles occasionnent des surcoûts économiques voire une insatisfaction des populations alors même que des actions isolées n’ont aucun impact sur le climat. Si seule l'action de tous est efficace, alors la réponse politique doit être internationale et suppose des instances de régulation ad hoc. Cette obligation d’action commune est à la fois la chance et la faiblesse des politiques de lutte contre l’effet de serre notamment.


Une hiérarchie de priorités sur l’agenda politique


La chronologie des accords internationaux et surtout de leur concrétisation (voir ci-après) illustre la relative avancée des politiques sur l’ozone ou le climat comparées à ce qui reste à faire en matière de biodiversité ou de lutte contre la pauvreté1. On peut d’ailleurs constater que les objectifs du millénaire en termes de développement humain sont loin d’être atteints. Ainsi par exemple, dans 81 pays regroupant plus de 60% de la population mondiale, l’objectif de diminution de la mortalité infantile accuse un retard important ou est en net recul2. A contrario, le protocole de Montréal sur l’ozone a été mis en application avec une relative rapidité et de façon jugée satisfaisante. La production des substances qui appauvrissent le plus la couche d'ozone a ainsi été éliminée en 1996 dans la plupart des pays industrialisés et sera interrompue d'ici 2010 dans les pays en développement3. En l'absence de mise en place d'un dispositif contraignant, les scientifiques considèrent que l'exposition de la Terre aux ultraviolets aura doublé dans l'hémisphère nord et quadruplé dans l'hémisphère sud à l'horizon de 2050 alors que les mesures prises devraient précisément permettre de revenir à la normale à cette échéance.















 

Ozone

Climat

Biodiversité

Développement humain




1977 : Approbation du Plan mondial d'action concernant la couche d'ozone, placé sous l’égide du PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement). L'accent est mis sur la poursuite des recherches.

1979 : Conférence internationale sur l'Homme et le climat à Genève qui appelle à "prévoir et prévenir celles des conséquences possibles de l'action de l'homme sur le climat qui pourraient nuire au bien-être de l'humanité". Un programme de recherches sur le climat est mis en place.

1985 : Convention-cadre pour la protection de la couche d'ozone (Vienne)








1990 : Création du Fonds pour l'Environnement Mondial

Ce mécanisme financier des pays développés a pour objet d'aider les pays en développement à s'attaquer à 6 grands problèmes d'environnement, dont l'appauvrissement de la couche d'ozone.
























1987 : Rapport BRUNTLAND Notre avenir à tous


1988 : Création du groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)

Place sous l'égide du PNUE (programme des nations unies pour l'environnement) et de l'OMM (organisation météorologique mondiale), le GIEC est chargé de suivre le problème du réchauffement climatique. Il a pour mission d'évaluer l'information scientifique sur les changements climatiques, leurs impacts et les mesures de prévention et d'adaptation envisageables.

1990 : Seconde conférence mondiale sur le climat à Genève.

Elle réunit 137 Etats plus la communauté européenne, dont les 12 membres viennent de s'engager à stabiliser leurs émissions de CO2 au niveau de 1990 d'ici l'an 2000. En s'appuyant sur le rapport du GIEC, la déclaration finale préconise l'instauration d'une convention internationale sur les changements climatiques.

1990 : Création du Fonds pour l'Environnement Mondial

Voir colonne « biodiversité ».

Site : http://www.gefweb.org/



1992 : Convention-cadre sur les changements climatiques à Rio

Signée à Rio de Janeiro en juin 1992 dans le cadre du Sommet de la Terre, elle constitue la pièce maîtresse de la lutte mondiale contre le changement climatique. Entrée en vigueur en mars 1994, son article 2 précise son objectif : stabiliser les concentrations de gaz a effet de serre dans l'atmosphère a un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Les pays développés, les pays en transition et l'Union européenne, inscrits dans l'annexe I de la convention, s'engagent à stabiliser leurs émissions de gaz a effet de serre d'ici a l'an 2000 au niveau des émissions de 1990. Dans l'annexe II, les pays développés et l'Union européenne s'engagent à financer les coûts encourus par les pays en développement pour respecter leurs engagements (FEM comme mécanisme financier). L'organe directeur de la Convention Climat est la Conférence des Parties (Cop)


1995 : la première Conférence des Parties à la Convention Climat reconnaît la nécessité d'un renforcement des engagements des pays développés. Parallèlement aux objectifs quantifiés de limitation et de réduction des émissions, elle prévoit d'élaborer des politiques et mesures.


1995 : Second rapport du GIEC

En décembre 1995, le second rapport du Giec confirme la responsabilité humaine dans le changement climatique et la nécessité d'une action préventive, en vertu du principe de précaution.


1997 :  Troisième session de la Cop : Protocole de Kyoto Renforcement de la réponse internationale à l'évolution du climat, le protocole de Kyoto fixe des objectifs chiffrés juridiquement contraignants de réduction des émissions des pays développés : 5,2% de réduction a atteindre en 2008/2012 par rapport au niveau de 1990, grâce à un objectif national pour chaque pays. Le Protocole vise les 6 principaux gaz à effet de serre . Il met l'accent sur les politiques et mesures intérieures effectivement capables de réduire les émissions et innove en ouvrant un crédit aux Parties qui réduisent les émissions dans d'autres pays (établissement de 3 mécanismes de flexibilité).


2001 : Cop 6 bis à Bonn

Fixation des modalités de mise en œuvre du protocole de Kyoto autour de 4 grands thèmes (mise en œuvre par chaque Etat d'un programme national de mesures avant le recours aux mécanismes prévus par le Protocole; limite de la gestion des forêts en vue des réductions d'émissions; création de 3 fonds de financement additionnels pour les pays en développement; définition du mécanisme de surveillance et de respect des engagements de réduction).

http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php

voir notamment les onglets informations introductives et trouver des documents.





2003 : Entrée en vigueur de la directive établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne

2004 : publication et transmission des plans nationaux d'allocation de quotas par les états membres à la Commission

2005 : Entrée en vigueur du protocole de Kyoto (16/2)

Démarrage du système d'échange de quotas dans l'Union européenne

1971 : Convention de Ramsar

Mission: « La Convention a pour mission la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides par des actions locales, régionales et nationales et par la coopération internationale, en tant que contribution à la réalisation du développement durable dans le monde entier » (COP8 de Ramsar, 2002). 7 pays signataires en 1975, France en 1986, 145 pays aujourd’hui.

site : http://www.ramsar.org/indexfr.htm

















1987 : Rapport BRUNTLAND Notre avenir à tous







1990 : Création du Fonds pour l'Environnement Mondial.

Le FEM sert de mécanisme financier pour la Convention-cadre sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique de l'ONU. À ce titre, il constitue le mécanisme par lequel les pays donateurs s'acquittent de leurs engagements financiers envers les pays en développement pour les aider à respecter les modalités et les conditions de ces conventions. Le FEM a récemment été désigné mécanisme de financement du protocole de Cartagena sur la biosécurité aux termes de la Convention sur la diversité biologique,




1992
: Convention sur la biodiversité (Rio)

Une des traductions pratiques de l'Agenda 21, la Convention , signée par 150 Etats reconnaît que la biodiversité est essentielle pour la sécurité alimentaire et la médecine notamment.

http://www.biodiv.org/convention/default.shtml

image h signataires & non-signataires de la convenion sur la biodiversité - RIO 1992 crédits CSI.jpg
pays signataires (cliquez sur cette image à la fin de l'article)






















1987 : Rapport BRUNTLAND
Notre avenir à tous

http://www.are.admin.ch/imperia/
md/content/are/nachhaltigeentwicklung
/brundtland_bericht.pdf




































2002 : Troisième sommet de la Terre à Johannesburg.

Aucune décision concrète n'est prise sur l'agenda des
 dimensions sociales du développement durable

Sources:

Site de la mission interministérielle de l'effet de serre, http://www.effet-de-serre.gouv.fr/

Pierre CORNUT, La convention climat, http://atlas.conseil.free.fr/pdf/Publications/GCn8-Historique.pdf

Dossier Biodiversité de la cité des sciences, http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/dossier.php?langue=fr&preview=&id_dossier=21


Que conclure de ces différences de priorités sur l’agenda politique ?


  • Le développement humain – malgré le rapport BRUNDTLAND – n’est pas considéré comme un aspect essentiel du développement durable. Peut-être parce que, contrairement au climat, les effets pervers du sous développement ou du mal développement ne traversent pas les frontières. Et quand des immigrés le font, c’est une dotation de facteur travail pour les économies des pays d’accueil.


  • Le cas de l’ozone illustre au moins trois conditions favorables à l’action publique concertée à l’échelle internationale :

  1. l’expertise scientifique est en mesure de prévoir l’impact des politiques publiques,

  2. cet impact est mesurable à l’échelle d’une vie (une génération aura sauvé la couche d’ozone),

  3. le coût économique demeure mesuré et il existe des biens de substitution qui permettent d’éviter de modifier les comportements des agents économiques (confort de la solution technologique).


  • L’enjeu climatique a débouché sur le protocole de Kyoto en 1997 (entré en vigueur en 2005 malgré le refus des Etats-Unis de ratifier le texte) grâce au travail du G.I.E.C. C’est un exemple particulièrement réussi de transmission de l’expertise scientifique à l’échelon politique. Le rapport de 1990 débouche sur Rio en 1992 et la Convention Climat ; le rapport 1995 sur le protocole de Kyoto deux ans plus tard.


Pour autant l’ambition de Kyoto demeure très limitée et l’après-Kyoto reste à écrire comme en témoigne l’échec de la conférence des parties à Buenos Aires en décembre 2004.


Malgré le volontarisme de l’Europe, qui anticipe le marché international des permis d’émission 2008-2012 avec son Emissions Trading System7 en vigueur depuis le 1er janvier 2005, les autres économies sont plus réticentes.


Les Etats-Unis bien sûr refusent ce qui constitue une remise en cause fondamentale de leur mode de développement énergivore.


La Russie a ratifié mais en sachant qu'elle n’aura pas grand mal à atteindre ses objectif de réduction d’émission de G.E.S. au niveau de 1990 du fait de sa récession économique. On peut d’ailleurs imaginer qu’elle escompte vendre ses permis d’émission au risque de faire baisser le prix de la tonne de carbone émise.


Enfin les P.E.D. voient dans ces régulations internationales un obstacle à leur avantage comparatif dans le commerce mondial. Malgré l’existence des mécanismes de flexibilité et même s’il doivent seulement limiter l’augmentation de leurs émissions, ils ne veulent pas brider leur industrialisation et exigent une allocation des permis qui soit fonction du nombre d’habitants et non des niveaux d’émission passés comme c’est le cas actuellement.


  • Le contre-exemple de l’ozone peut aider à saisir ce qui freine ici l’action publique internationale :


  1. l’inertie du phénomène d’accumulation des G.E.S. et la multiplicité des modèles de prévision rendent incertaines et à très long terme les prévisions scientifiques. L’inéluctabilité du réchauffement et l’imprécision des modèles nourrissent la position optimiste pour qui la solution viendra de l’adaptation technologique.


  1. La projection à très long terme est par ailleurs bien difficile pour l’économiste et pour l’homme politique : quel prix accorder à la réduction de l’émission de G.E.S. si le bénéfice de ce renoncement est pour d’autres générations ?


  1. Le coût économique est énorme pour les sociétés développées et celles qui aspirent au mode de développement occidental. C’est le cœur même du modèle qui est remis en cause : la consommation croissante d’énergie, les déplacements individuels, le transport de marchandises à l’échelle du monde. Face à cet enjeux la réponse du Protocole de Kyoto est adaptée mais limitée :


* adaptée car des normes ou des interdictions n’auraient pas été respectées ; des écotaxes auraient créé des distorsions de concurrence, voire des « délocalisations écologiques »8. Le choix du marché des permis d’émission est donc judicieux car il permet la réduction des émissions au meilleur coût même si la question du mode d’allocation initiale des permis reste posée9,


* limitée car les objectifs sont très modestes (-5,2% d’émission en 2008-2012 par rapport à 1990) et constituent plutôt un premier pas politique qu’une réponse au problème du réchauffement,


* limitée enfin car l'efficacité des mesures d’atténuation passe très certainement par un procès de notre modèle de développement que bien peu de pays sont disposés à instruire.


Quelle gouvernance mondiale des enjeux environnementaux peut-on espérer à court terme ?


L’action publique internationale pour un développement durable est-elle pour autant restreinte aux enjeux de moyen terme prévisibles et quantifiables ? L’impact de l’expertise scientifique (ex. du G.I.E.C.) et la prise de conscience internationale des populations permettent un peu plus d’optimisme quant à la prise en compte de la responsabilité des activités humaines. Une éthique de responsabilité (au mieux) ou la peur d’événements extrêmes ou d’effets pervers sur la santé peuvent légitimer une action internationale d’envergure. Si la modification des comportements des agents peut être suscitée par une modification des structures de prix (renchérissement de l’énergie donc des déplacements et des importations), demeure alors le seul risque du passager clandestin qui nous renvoie à la question de la gouvernance mondiale. Roger GUESNERIE suggère une piste à la fin de son rapport au Conseil d’analyse économique : l’O.M.C. est aujourd’hui l’institution de régulation internationale la plus obéie et il pourrait être judicieux d’intégrer les problématiques environnementales aux négociations commerciales. La crainte des P.E.D. pourrait être levée par une indexation des objectifs au niveau de vie moyen des populations : on rejoindrait ainsi la dimension humaine du développement durable, parent pauvre des politiques internationales.




Notes :

1 Cf. Nicholas GEORGESCU-ROEGEN et son approche bioéconomique. Demain la décroissance, entropie-écologie-économie, ed. P-M Favre, Lausanne, 1979.



2 Cf. Jacques ELLUL et sa critique de la société technicienne. La technique ou l'enjeu du siècle. Paris: Armand Colin, 1954. Paris: Économica, 1990.





4 Le développement durable étant entendu comme un développement pour les générations présentes qui n’obère pas celui des génération futures

7 12 000 sites des principales industries émettrices de gaz à effet de serre (énergie, métallurgie, minerais, ciment, papier…) ont reçu une allocation de permis d’émission qu’elles peuvent utiliser ou échanger.

8 Cf sur ce point le 4 pages n° 2 du Commissariat général au Plan, 8 octobre 2004 : http://www.plan.gouv.fr/intranet/upload/publications/documents/4PIsisEurope2.pdf

9 Cf le rapport de Roger GUESNERIE pour le conseil d’analyse économique, Kyoto et l’économie de l’effet de serre, la Documentation française, 2003. Voir notamment p. 58-59 & 73